Changes et Devises

Charles Gave : Quand les marchés obligataires reprennent le pouvoir

Dans les années 80 et 90, les politiques budgétaires de tous les pays étaient complètement sous le contrôle des marchés obligataires. Tout dérapage des budgets, toute dérive inflationniste étaient immédiatement sanctionnés par une hausse des taux longs qui forçaient les gouvernements à revenir immédiatement dans les clous. Dans les années 2000, ce contrôle disparut, en grande partie en raison des excès d’épargne accumulés, par l’Asie en général et la Chine en particulier. Ces excès d’épargne étaient en effet réinvestis dans les marchés obligataires des pays développés, empêchant de ce fait toute hausse des taux longs. C’est ce que monsieur Greenspan avait appelé en son temps un « conundrum ».

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Ce qui est en train d’arriver avec la Grèce, l’Espagne, le Portugal et bientôt la France est donc extraordinairement important. Les marchés obligataires sont en train de redevenir l’outil qui force les gouvernements à la discipline budgétaire.
Ce simple fait va avoir des répercussions sur ce qu’il est convenu d’appeler le « mix » de politique économique.
Partout, mais en commençant par les pays qui sont attaqués en ce moment, la politique budgétaire va devoir devenir restrictive, content, pas content, content quand même.
Les gouvernements pensaient qu’ils allaient avoir un ou deux ans pour « consolider » les budgets. Il n’en sera rien.
Les marchés vont exiger une consolidation budgétaire beaucoup plus rapide.

 Si la politique budgétaire devient restrictive, cela veut dire que la politique monétaire doit rester super laxiste. En termes clairs, cela veut dire que la BCE doit maintenir ses taux courts très bas pendant beaucoup plus longtemps que ce à quoi on pouvait s’attendre il y a encore un mois. Parallèlement, comme la demande interne va baisser fortement à cause du retrait de la stimulation budgétaire un peu partout en Europe, il va falloir à tout prix aller chercher de la demande externe, ce qui ne peut se produire avec le niveau actuel de l’euro, bien trop cher pour être compétitif en ce moment.

Ce retour du contrôle des politiques par les marchés obligataires implique donc deux choses :
1. des taux courts qui restent très longtemps très bas ;
2. une dévaluation profonde de l’euro.

Quelles conclusions d’investissement tirer de ces deux évidences ?

On ne voit rien de bien favorable là-dedans pour les marchés obligataires.
En revanche, voilà qui va être très porteur pour toutes les grandes sociétés industrielles européennes, qui dans l’ensemble sont extraordinairement bien gérées et gagnent de l’argent avec un euro à 1,50 dollar. Imaginez la rentabilité de ces sociétés si l’euro allait à 1, c’est-à-dire sa parité des pouvoirs d’achat !

Il me semble donc tout à fait évident que le lecteur du JDF doit utiliser la période actuelle pour vendre ses obligations d’Etats européens pour acheter les fleurons industriels de la cote en France, en Allemagne, en Hollande, ainsi sans doute que les grandes multinationales européennes, qui seront les secondes gagnantes de ce changement dans le « policy mix ».
Nous nous trouvons en fait dans un cas de figure assez rare dans les marchés sur ces véhicules : pile, je gagne si l’euro plonge, face je ne perds pas si l’euro se maintient. Voilà qui arrive peu souvent.

 

PAR CHARLES GAVE* | JDF HEBDO | 13.02.2010

*charlesgave@gmail.com

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