Europe

Commentaire : Grèce –Portugal – un aperçu de l’abîme économique

 La crise s’est intensifiée et s’est diffusée dans la zone euro, avec des incertitudes sur la soutenabilité budgétaire de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne. Les spreads au-dessus des emprunts d’Etat allemandsont explosé : les spreads des CDS grecs se traitaient jusqu’à  430pb ,intégrant ainsi une probabilité de défaut d’ici 5 ans de 30 %. Cela s’explique par la défiance à l’égard du plan budgétaire de la Grèce, malgré son approbation par la Commission Européenne. A l’opposé, les spreads des CDS du Portugal et de l’Espagne se traitent à 240pb (probabilité de défaut de 17%) et 170pb.

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La Grèce a deux problèmes : un manque de compétitivité externe et une dette galopante, reflétée par d’énormes déficits budgétaire et courants. L’inflation est plus élevée que dans les principaux pays de la zone Euro, ce qui a contribué à accroître le déficit courant. Du fait de son appartenance à l’Euro, le seul moyen de réduire ce déficit est d’améliorer la compétitivité en réduisant les importations – une politique déflationniste. Or, les finances publiques grecques ne peuvent pas se permettre une déflation à grande échelle qui réduirait les recettes et menacerait d’accroître le déficit budgétaire et d’augmenter la dette publique.

Le marché est un peu dur à l’égard du programme budgétaire de la Grèce. Il s’agit d’un plan austère qui inclut une réduction drastique des dépenses et une hausse des impôts. Le plan a été conçu de manière à stabiliser le ratio de la dette par rapport au PIB, ce qui implique de réduire le déficit primaire (hors coût du service de la dette publique) de 7,7 % du PIB en 2009 à 3,5 % en 2010, et de dégager un excédent de 2,6 % en 2012. Si les hypothèses de croissance semblent douteuses (la croissance anticipée du PIB réel ressortant à -0,3 % en 2010 et +1,5 % en 2011), la contraction budgétaire est très sévère. L’évolution envisagée du solde primaire ajusté du cycle (l’évolution sous-jacente de la situation budgétaire) sur les 3 prochaines années équivaut à 10,8 % du PIB en cumulé – soit plus que la contraction irlandaise ou de tout autre pays de la zone Euro.

Mais il semble exagéré qu’il y ait une chance sur trois que la Grèce fasse défaut d’ici 5 ans – un scénario qui impliquerait avec quasi-certitude une sortie de l’euro.

Si ce risque devait se matérialiser, il y aurait bien d’autres inquiétudes. Ignoramus Trichet, a rappelé lors de la conférence de presse de la BCE que le Pacte de Stabilité et de Croissance est un élément clé pour la Grèce. Mais le niveau des spreads suggère que le soutien de la Commission européenne au plan budgétaire grec manque de crédibilité auprès des marchés. De plus, le rapport juridique de la BCE (publié en décembre et écrit – par coïncidence – par un Grec) affirme “qu’une sortie d’un Etat Membre de l’UEM, sans un retrait parallèle de l’UE, serait légalement inconcevable”. L’enjeu est de taille. Mais la réalité est qu’il y a trop de capital politique dans le projet européen pour tolérer son échec, aussi ne peut-on exclure que des mesures, voire des changements de règles, pour éviter un défaut de la Grèce.

PLUS QU’UN PROBLÈME DE DETTE

L’endettement grec, au coeur de toutes les préoccupations, n’est hélas qu’un symptôme des nombreux maux dont souffre le pays. Des maux dont sont aussi atteints d’autres membres de la zone euro, Portugal en tête.

Croissance à crédit

La croissance de ces dernières années en Grèce comme au Portugal a surtout été alimentée par une forte demande intérieure : à hauteur de 74% du PIB en Grèce et de 66% au Portugal ! A titre de comparaison, la consommation intérieure aux Etats-Unis, où la propension des ménages à dépenser est bien connue, a représenté ces dernières années environ 71% du PIB. Quant à la moyenne européenne, elle est de… 56%.

Pour atteindre pareils niveaux, les ménages des deux pays ont fait fondre leur taux d’épargne.

Et comme suite à leur entrée dans la zone euro, la Grèce et le Portugal ont découvert des taux d’intérêt extrêmement bas pour eux, les ménages ont aussi investi massivement dans l’immobilier et multiplié les achats à crédit en tout genre, s’endettant au passage. En manque d’épargne chez elles, les banques locales ont alors dû chercher à l’étranger les fonds nécessaires pour faire crédit à domicile.

Vu toutefois le manque de compétitivité des produits locaux, l’argent emprunté est ressorti directement du pays, Grecs et Portugais achetant massivement des produits importés. Résultat, la Grèce et le Portugal se sont retrouvés avec un déficit de la balance courante atteignant voire dépassant les 10% du PIB, un niveau d’autant plus insoutenable qu’il s’accompagnait de déficits budgétaires importants.

Deuxième moteur de la croissance, la construction.

 Profitant des aides de l’Union européenne, les pays du Sud se sont lancés dans de grands travaux d’infrastructures, ce dont le secteur de la construction a largement profité, sans parler de la ruée sur l’immobilier.

Cette croissance par le béton a atteint son paroxysme en 2004 quand les deux pays ont investi dans de grandes infrastructures sportives pour accueillir les Jeux Olympiques, en Grèce, et le championnat d’Europe de football, au Portugal.

Manque de compétitivité

Ces dernières années, la compétitivité de la Grèce et du Portugal n’a jamais cessé de reculer.

 S’ils étaient compétitifs par rapport à leurs partenaires européens dans les années 1980 grâce au faible niveau des salaires, force est de constater que l’élargissement européen à l’Est et l’arrivée en force des pays asiatiques dans le commerce mondial ont changé la donne, une situation encore compliquée par la cherté de l’euro.

 Centré sur les produits à faible valeur ajoutée, le tissu industriel de la Grèce et du Portugal s’est alors détérioré et même un secteur comme le tourisme souffre aujourd’hui de la concurrence accrue de la Turquie ou de l’Afrique du Nord. Pire, la compétitivité desdeux pays s’est aussi détériorée au sein même de la zone euro où leurs coûts de travail, cette dernière décennie, ont augmenté bien plus qu’en Allemagne.

Ne pouvant plus dévaluer leur devise comme par le passé (pour rendre leurs produits moins chers à l’exportation) et en perte de vitesse face aux producteurs allemands, la Grèce et le Portugal ont aujourd’hui bien du mal à rester compétitifs au sein du marché unique et sont au bord du gouffre économique.

Hélas, les solutions ne sont pas légion et sont toutes, sans exception, pénibles : ou ces pays parviennent à réaliser des gains de productivité supérieurs à la moyenne, ce qui est peu probable, ou ils réduisent les coûts salariaux. Une dernière solution plus probable mais aussi très douloureuse puisqu’elle impliquerait une perte du pouvoir d’achat et risquerait de plonger les deux économies dans une longue dépression.

Grèce et Portugal vont rester dans la zone euro

Toute sortie de la Grèce ou du Portugal de la zone euro, qui les a sans doute sauvés d’une crise financière majeure,  apparaît peu envisageable. Cela se solderait en effet plus que probablement par une hécatombe économique et financière qui les affecterait durablement.

Ils devraient donc rester dans la zone euro et bénéficier du soutien des institutions européennes,mais sans doute au prix d’une perte de souveraineté, au profit de Bruxelles, dans certains domaines budgétaires et fiscaux. Gageons que d’autres pays, comme l’Espagne, en prendront bonne note car si leur endettement est certes moindre, ils n’en partagent pas moins bon nombre de caractéristiques avec la Grèce et le Portugal.

Et la taille de leur économie rendrait tout sauvetage éventuel plus délicat encore.

Enfin, précisons que nous ne croyons pas en un défaut de paiement grec. Celui-ci provoquerait en effet une hausse des taux d’intérêt, menacerait la crédibilité de la zone euro et serait in fine plus coûteux que les sommes à financer par la Grèce.

8 réponses »

  1. L’Europe s’est lavé les mains des le début de la crise au lieu de prendre le taureau par les cornes et dire : La Grèce est en crise. C’est notre problème et nous allons accompagner et aider le pays á faire face a ses obligations . Au fur et a mesure des mois de délégation en délégation, de réunions en reunions, la Commission a finalement approuvé la semaine dernière le plan grec qui, sans son soutien, n’a aucune chance de réussir.

    Seulement il y a un problème : ce plan n’a aucune crédibilité et il ne faut pas compter sur les investisseurs pour prêter a la Grèce á des taux autres que pénalisants. Non, la Grèce ne sera pas a un déficit budgétaire de 3% en 2012, partant de 12.7%. Si la France n’a pas réussi a baisser le sien de 6 a 3% en trois ans, il n’y a aucune illusion a se faire.

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