Changes et Devises

Changes et Devises : Focus sur les « monnaies à Matières Premières « 

Les « monnaies à matières premières » se suivent mais ne se ressemblent pas

Les devises des pays producteurs de matières premières connaissent un engouement grandissant depuis que l’industrialisation accélérée de certaines économies émergentes, en particulier de la Chine, a propulsé les cours des matières premières à des niveaux records

Les monnaies le plus souvent citées sont la couronne norvégienne, ainsi que les dollars ­australien, canadien et néo-zélandais. Cependant, la liste n’est pas exhaustive. En effet, selon la définition la plus répandue sur les marchés, les devises concernées seraient celles des économies dont les matières premières exportées constituent une large ­partie des revenus d’exportations. L’on énumère une cinquantaine de devises respectant cette caractéristique, mais la recherche macro-économétrique a montré que cela ne suffisait pas à garantir leur appréciation.

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Ainsi, dans la littérature spécialisée, une devise est dite «à matières premières» si son taux de change effectif réel (somme pondérée des taux de change du pays avec ses partenaires commerciaux, corrigée de l’inflation dans ces pays) évolue sur le long terme de concert avec le prix réel des matières premières exportées.

Cette précision semble peu ajouter au concept, pourtant, les implications sont importantes.

Une étude démontre qu’elle permet de confirmer que le dollar australien est effectivement «à matières premières» alors que la couronne norvégienne et le Loonie canadien, contre toute attente, ne méritent pas cette qualification. Une analyse semblable publiée par la Banque centrale européenne confirme ces résultats, puisqu’elle conclut que le prix du pétrole serait, sur le long terme, un déterminant de la valeur rouble, alors que son impact sur le riyal saoudien et la couronne norvégienne serait marginal, voire inexistant.

Selon les auteurs, les différences s’expliquent par les politiques monétaires.

Ainsi, la Norvège se distingue par exemple radicalement de l’Australie dont les revenus liés aux exportations de matières premières sont en grande partie réinvestis dans l’économie domestique, ce qui lui a permis de connaître 18 ans d’expansion ininterrompue. La Norvège, quant à elle, s’applique à investir les recettes pétrolières à l’étranger. Dans la mesure où les revenus ne sont pas convertis en monnaie domestique ni investis localement, elle évite non seulement une appréciation directe de son taux de change due à la conversion en couronnes norvégiennes, mais également de sur-stimuler son économie, qui profite déjà des retombées liées à l’augmentation du prix du pétrole. Cette gestion explique en partie pourquoi le taux de change effectif réel de la Norvège ne s’est apprécié que de 0,1% annuellement de 1997 à 2007, alors que le prix réel du pétrole «brent» a augmenté de 11% en moyenne sur cette même période. L’Australie, par contre, a vu le prix réel de ses matières premières augmenter de plus de 6% et son change effectif réel se raffermir de 2% par année.

Lorsqu’au mois de janvier dernier la Chine a déclaré vouloir contenir l’expansion rapide de son secteur de la construction, l’annonce a poussé le prix des matières premières à corriger, entraînant dans leurs sillages quelques devises. Le prix de nombreuses ressources naturelles ayant déjà rebondi de plus de 60% depuis le creux de la crise, une consolidation des prix n’est pas à exclure alors que l’économie mondiale se rééquilibre, les pays émergents essayant de brider leur expansion alors que les économies développées tentent de soutenir la leur.

L’envolée des prix a été provoquée par l’offre n’arrivant plus à suivre la demande et la difficulté est d’estimer la vitesse de réaction de la production puisqu’elle est soumise à des contraintes amplifiées par des années de sous-investissement dans le secteur minier. Les cours élevés incitent à l’investissement, mais également à la substitution et à la tempérance. Le prix des ressources naturelles ne peut donc pas augmenter indéfiniment et il en va de même pour les devises concernées. En attendant, l’industrialisation de la Chine reste de bon augure pour les matières premières et donc pour les économies productrices.

Forts de ce qui précède, nous privilégierions sur les trois prochaines années les pays qui réinvestissent leurs revenus exportateurs dans leur économie et ayant une forte exposition à l’Asie émergente, critères que remplit parfaitement le dollar australien, par exemple.

Par Chloé Koos-Dunand Economiste, Pictet & Cie.

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