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André Gosselin : Les titres de petite capitalisation et ceux de grande capitalisation : des cycles distincts

 Les titres de petite capitalisation ont donné un rendement annuel composé moyen de 29,9 %. Entre 1961 et 1968, ce fut un rendement de 24,7 %, et entre 1975 et 1986, un rendement annuel moyen de 27,8 %. Gerald Perritt estime que depuis 1926 les cycles de fort ren­dement des petites capitalisations ont duré entre 5 et 11 ans, donc un cycle moyen de 8,3 ans. Ces titres ont d’ailleurs l’habitude d’amorcer de tels cycles ascendants lorsque leur ratio cours/béné­fices moyen est égal à celui des titres de grande capitalisation, et d’obtenir de moins bons résultats lorsque ce ratio est deux fois plus grand que celui des grandes compagnies. L’investisseur doit donc s’attendre à ce que les petites firmes traversent des cycles moins heureux, au cours desquels il vaut mieux investir dans les obligations ou les titres de grande capitalisation.

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Le caractère cyclique des titres de petite et de grande capitalisation a été largement documenté par la communauté scientifique, notam­ment par les professeurs Kleidon, Marsh et Brown, en 1983. En reprenant la base de données de Reinganum sur les Bourses new­-yorkaise (NYSE) et américaine (AMEX), ils ont découvert que, entre 1967 et 1979, des cycles d’environ cinq ans se sont manifestés au cours desquels les meilleurs rendements étaient réalisés tantôt par les petites capitalisations tantôt par les grandes capitalisations (par exemple entre 1969 et 1974). Cette découverte avait des répercus­sions importantes pour la recherche ultérieure, puisque l’on se ren­dit compte qu’il importait d’étudier les données boursières durant plusieurs décennies pour cerner le phénomène des titres de petite capitalisation.

Le professeur Marc Reinganum, l’un des premiers Chicago Boys à s’être intéressé au phénomène des petites capitalisations, signait en 1992 un article dans lequel il défendait l’idée que les rendements des small-cap ne suivent pas nécessairement une marche au hasard, mais qu’ils suivent un cycle assez prévisible. S’appuyant sur des données boursières pour la période de 1926 à 1989, Reinganum remarqua qu’il est possible de prévoir la différence de rendement entre les petites et les grandes capitalisations, notamment en prenant une échelle de cinq ans. En d’autres termes, une période de cinq ans favorable aux titres de grande capitalisation et défavorable à ceux de petite capitalisation est suivie d’une période de cinq ans où la tendance est à l’inverse. Les résultats de son enquête sont d’autant plus probants qu’il analyse la relation entre des entreprises à capitalisation variable durant une période de plus de 50 ans (1926-1981).

Le phénomène s’apparente à l’effet perdant-gagnant mis en lumière par DeBondt et Thaler, qui consiste en ce que les perdants d’hier sont les gagnants de demain, et vice versa60. Il serait aussi en conformité avec les observations générales des professeurs Fama et French de Chicago sur l’autocorrélation négative des prix des actions à long terme, c’est-à-dire la tendance qu’ont les titres à rendements supérieurs à connaître dans une période subséquente et pour plusieurs années des rendements inférieurs à la moyenne, et vice versa.

Pour ceux qui aiment les statistiques établies pour une longue durée historique, j’ai reproduit dans le tableau suivant des chiffres révélateurs sur les rendements des titres de petite capitalisation comparativement à ceux des titres de grande capitalisation, depuis les années 1920 jusqu’à nos jours. Les décennies 1940, 1960 et 1970 ont été en faveur des valeurs des petites compagnies, alors que les décennies 1920 et 1990 ont favorisé les titres des grandes sociétés.

Des cycles réels ou des prévisions qui se réalisent?

La question que je me pose au sujet des cycles boursiers est la sui­vante: De tels cycles reposent-ils sur des facteurs fondamentaux réels (cycles de production, de consommation, d’épargne, d’in­vestissement, d’inflation, de rotation des stocks, etc.) ou s’agit-il de :)Ides provoqués par des croyances (vraies ou fausses), des habi­tudes et des mouvements de mode?

Les marchés boursiers tentent de prévoir, dans une boule de cristal, dirais-je, les mouvements de l’économie, les tendances dans telle ou telle industrie et les bonnes occasions d’affaires représentées par telle ou telle entreprise. Le seul fait de prévoir un événement peut faire que l’événement prévu arrive. Par exemple, si une majorité d’individus croient que l’inflation ou le prix des biens augmentera considérablement au cours de l’année suivante, cela est suffisant pour les pousser à acheter des biens à ce moment-là et faire advenir la poussée inflationniste qu’ils craignent.

Le seul fait de croire, aujourd’hui, que les titres de petite et de grande capitalisation suivent des cycles désynchronisés suffirait-il à engendrer de tels cycles? Je crois que oui. Du moins, il faut prendre cette hypothèse au sérieux. Sans doute qu’à l’origine les cycles bour­siers entre grandes et petites entreprises reposaient sur des faits économiques indépendants de toute volonté individuelle ou collec­tive. Néanmoins, il arrive un moment, où les investisseurs, surtout professionnels, croient tellement à la présence des cycles qu’ils les amplifient et, pire encore, les font naître.

Les investisseurs professionnels et les zinzins de Wall Street ont tenté, tant bien que mal, de rationaliser les cycles opposés des titres de petite et de grande capitalisation. Certains ont cru remarquer que les petites capitalisations donnaient leurs meilleurs rendements au tout début d’une phase de croissance ou de reprise économique. L’explication standard retient deux facteurs. Le premier est que les titres des petites entreprises sont particulièrement vulnérables au moment des récessions économiques ; et dès que la reprise se fait sentir, ils profitent d’un rattrapage spectaculaire par rapport aux titres de capitalisation élevée. Le second facteur consiste en ce que, au moment d’une reprise économique, les petites entreprises réagis­sent rapidement aux nouveaux besoins et aux nouvelles demandes des consommateurs. Leurs ventes et leurs profits augmentent plus rapidement que ceux des grandes entreprises et les investisseurs retrouvent un intérêt pour cette catégorie d’actifs.

 Source : Livre : «Investir dans les titres de petites entreprises», écrit par André Gosselin, aux éditions Transcontinental

EN COMPLEMENT :

Pas si compliqué que ça, de gagner de l’argent en Bourse, finalement

LE MONDE | 17.02.10 |

La théorie des marchés efficients a pris du plomb dans l’aile ces derniers temps. Dans sa dernière étude sur le rendement des investissements de long terme, à laquelle ont été associés trois membres de la London School of Economics, Crédit Suisse enfonce le clou. Ces travaux montrent que si, en théorie, il est incroyablement difficile de faire mieux que le marché en pratiquant la gestion active de portefeuille, on peut très bien y parvenir en appliquant des recettes d’une simplicité confondante.

Deux d’entre elles sont bien connues. En Bourse, les petites entreprises sont en général plus performantes que les grandes. Aux Etats-Unis, le différentiel de rendement annuel s’est élevé de 3 points en moyenne depuis 1926. Les investisseurs ont aussi intérêt à ne pas acheter des valeurs de croissance, pour leur préférer des valeurs de rendement. Ces sociétés, qui affichent des multiples de résultat ou de valeur de bilan plus modestes, ont réalisé une surperformance du même ordre.

Pourtant, la méthode simple qui marche le mieux, c’est de suivre la tendance du marché, en achetant les titres les plus profitables et en vendant ceux qui sont à la traîne. Il est vrai qu’en 2009 cette tactique qui consiste à « miser sur les gagnants et se débarrasser des perdants » a produit des résultats catastrophiques. Mais si l’on se fie aux enseignements de l’Histoire, ces pertes seront à un moment ou à un autre plus que récupérées.

Un fonds spéculatif britannique qui aurait opéré dans les tout derniers mois du règne de la reine Victoria aurait atteint un rendement de 14 % par an en répétant la boucle suivante : acheter les titres qui ont été les plus dynamiques au cours des douze mois précédents, les garder quelques mois, puis les vendre. Une technique qui assure un rendement annuel supérieur de 5 points à la moyenne générale du marché. A l’inverse, celui qui aurait joué systématiquement l’achat des valeurs les moins perfomantes pour miser sur leur retour en grâce aurait dégagé un retour annuel plutôt maigre de 4 %.

Règle mécanique

Personne ne peut expliquer rationnellement pourquoi une stratégie aussi simple se révèle aussi payante, surtout au cours des dernières décennies, qui ont vu les frais de transaction descendre très bas. S’il se trouvait suffisamment d’investisseurs rationnels pour l’adopter, l’écart de performance disparaîtrait.

La meilleure explication est peut-être que les investisseurs ne sont pas des acteurs rationnels. Les professionnels sont tellement convaincus de leur valeur ajoutée qu’il leur est impensable de se contenter d’appliquer une règle aussi mécanique. Ce qui fait le bonheur de ceux qui la suivent, d’autant qu’après une année aussi calamiteuse que 2009, de nombreux investisseurs seront certainement tentés de s’en détourner… exactement au moment où il faudrait ne rien faire. Il est possible que l’avenir démente ces propos, mais ce vénérable cas de figure âgé de 110 ans est un argument imparable.

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