Christophe Donnay (Pictet) : L’Asie comme indicateur avancé
La surchauffe chinoise inquiète les opérateurs. La politique restrictive de Pékin précède le resserrement monétaire occidental.
Grande gagnante du rebond des marchés en 2009, l’Asie émergente divise aujourd’hui les opérateurs.
Chef stratégiste chez Pictet & Cie pour les allocations d’actifs et la recherche macroéconomique, Christophe Donay décrypte des tendances parfois contradictoires. La situation en Chine reste au coeur des préoccupations.
Les actions asiatiques sont reparties à la baisse avt hier, après un début d’année difficile.
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Quelle orientation anticipez-vous ces prochains mois?
Christophe Donay: Je reste assez prudent sur les actions asiatiques à court terme. Ces marchés sont aujourd’hui face à une ambivalence.
D’un côté, la croissance des PIB et des bénéfices d’entreprises sont de retour. Cet élément devrait contribuer à faire réagir les actions positivement. De l’autre, la mise en place progressive des stratégies de sortie de crise risque de se concrétiser par des chocs baissiers.
La récente correction des marchés asiatiques offre-t-elle déjà des points d’entrée?
Non, il est sans doute prématuré de se positionner aujourd’hui sur des marchés qui peuvent encore baisser dans les deux prochains trimestres. En revanche, je suis résolument positif sur l’Asie émergente à long terme.
La croissance économique a rebondi au quatrième trimestre en Thaïlande et à Taiwan, selon des statistiques publiées lundi.
Cette tendance vous semble-t-elle durable?
Lorsqu’on parle d’Asie émergente, on évoque forcément son moteur: la Chine. Le commerce à l’intérieure de la région rend tous les pays asiatiques très dépendants de l’évolution de la situation chinoise.
Or la croissance semble durable en Chine. Pékin vise une progression du PIB de 8% en moyenne ces prochaines années. Le gouvernement a les moyens d’atteindre ses objectifs, notamment grâce au faible taux d’endettement des ménages.
Comment les politiques monétaires vont-elles évoluer en Asie ces prochains mois?
On observe partout dans le monde la volonté de se diriger vers des stratégies de sortie de crise. Mais elles seront mises en place de manière totalement désynchronisée, en fonction de la situation intrinsèque de chaque économie.
La Chine, et plus largement l’Asie, sont en avance sur les autres pays du monde.
Concrètement, comment s’organisent les stratégies de sortie?
Chacun agit en fonction de moyens spécifiques. La Banque centrale européenne joue par exemple sur le niveau de liquidités disponibles lors des mises aux enchères. En Chine, le taux de réserves obligatoires est le moyen utilisé le plus couramment. Il s’agit du niveau minimal de réserves que les banques doivent détenir pour pouvoir accorder de nouveaux prêts. Ce taux a d’ailleurs déjà commencé à remonter dans plusieurs établissements depuis quelques mois.
Certains stratégistes craignent aujourd’hui une surchauffe en Chine. Le niveau des prêts non performants est-il trop élevé en Chine?
Pas plus aujourd’hui qu’hier ou demain. A vrai dire, on ne connaît pas le montant exact de prêts non performants. Il n’existe pas de statistiques officielles fiables sur ce point. Il y a trois ans, le gouvernement prétendait que ces prêts avaient été nettoyés. Mais nous n’avons pas de réelle visibilité sur cette question. Si la croissance mollit, les prêts non performants redeviendront un enjeu. C’est toutefois un problème à considérer sur le long terme.
Beaucoup d’investisseurs tablent sur une hausse de la consommation en Chine. Est-ce réaliste?
Le gouvernement sait qu’il doit rééquilibrer son modèle, qui demeure excessivement dépendant de la hausse des investissements.
C’est un élément central dans la décision d’investir aujourd’hui en Chine. Soit vous estimez que Pékin a les moyens d’opérer cette transition en douceur, soit vous redoutez des heurts politiques. A l’évidence, le marché chinois n’est pas exempt de risques. Pour ma part, je demeure optimiste quant à la capacité de Pékin à gérer le rééquilibrage du modèle économique en douceur et sur la durée.
A court terme, l’Asie émergente dépend toutefois du secteur des exportations…
Une grande partie de la croissance vient en effet des exportations, notamment vers les pays développés.
Or la demande a faibli de ce côté. A l’avenir, ce moteur de croissance risque de se révéler moins important dans le développement asiatique. D’où l’importance de rééquilibrer la croissance vers la consommation intérieure.
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