Inflation, inflation importée, monétarisation de la dette

Avec une dette plus élevée, l’inflation va croître….

A moyen terme, l’inflation en Europe sera supérieure à celle des dernières années, mais elle ne sera pas aussi élevée que les 4 à 6% calculés pour les Etats-Unis

La dette publique peut être judicieuse si elle se situe dans des limites acceptables et sert à financer des investissements. Mais si elle est trop élevée, comme actuellement, c’est un mal. Elle réduit la confiance des gens dans les institutions publiques. Elle limite la liberté d’action des gouvernements. Elle alourdit la charge fiscale future. Elle freine la croissance économique. Elle favorise la redistribution des pauvres aux riches. Et ce qui préoccupe aujourd’hui particulièrement les gens: à la longue, elle conduit à l’inflation. Etant donné que ce dernier point est souvent discuté actuellement, j’aimerais examiner les tenants et aboutissants d’un peu plus près.

En général, la formule suivante est valable:
dette publique élevée + liquidités élevées + bonne conjoncture = inflation élevée.

PLUS D’INFLATION EN SUIVANT :

Cette formule décrit l’expérience historique que l’Allemagne a faite à deux reprises au XXe siècle. Durant les deux guerres mondiales, l’Etat s’est fortement endetté pour financer ses dépenses. Les banques centrales ont financé cela par un approvisionnement généreux en liquidités. Lorsque le besoin de biens civils s’est de plus en plus fait sentir après les guerres, les capacités correspondantes faisaient défaut et des augmentations de prix en ont résulté. Après la Première Guerre mondiale, il s’agissait d’une inflation ouverte et, après la Seconde guerre mondiale, d’une inflation cachée en raison du contrôle des prix. Dans les deux cas, une réforme monétaire a alors été nécessaire.

Une telle situation peut cependant également se produire en temps de paix. En effet, lors d’une récession, par exemple, l’Etat sollicite une part plus grande des capacités de production par l’augmentation de ses dépenses. La banque centrale met à disposition les liquidités nécessaires à cet effet. Lorsque la conjoncture redémarre, il en résulte des goulets d’étranglement au niveau des capacités si la politique budgétaire et monétaire demeure inchangée, et les prix augmentent. C’est la situation que nous vivons maintenant. Il y a des économistes qui parlent dans ce cas d’une «troisième guerre mondiale».

Mais l’inflation peut résulter encore d’une autre manière de la dette publique. Au cours des derniers siècles, les rois et les princes ont diminué la valeur du métal des pièces de monnaie pour diminuer leurs dettes. Il s’agissait de ce qu’on désigne par le terme anglais «debasement». Avec la monnaie de papier actuelle, cela n’est pas possible dans cette forme. Mais ici l’Etat peut se désendetter en ce sens qu’il favorise ou tolère une inflation. Il peut alors rembourser ses dettes avec de l’argent qui a moins de valeur.

Dans une étude intéressante, les écono­mistes de la banque d’investissement amé­ricaine Morgan Stanley ont montré récemment qu’il ne s’agit pas là seulement d’une théorie (Spyros Andreopoulos: The Return of Debtflation, The Global Monetary Analyst, February 2010).

Le point de départ était de savoir comment les Etats-Unis sont parvenus, pendant les années d’après-guerre à réduire sensiblement leur dette publique constituée au cours de la Seconde Guerre mondiale (de 106% du produit intérieur brut en 1946 à 36% en 2003).

En principe, cela aurait été possible de trois manières:

(a) par une politique fiscale restrictive et la réalisation d’excédents budgétaires,

(b) par une croissance réelle élevée et un accroissement correspondant du produit intérieur brut ou

 (c) par une inflation plus élevée, donc une diminution de la valeur de l’argent.

Résultat de l’étude: c’est en premier lieu l’inflation qui a réduit la dette publique. La croissance réelle de l’après-guerre a elle aussi fourni sa contribution. Dans la politique budgétaire, on a en revanche continué d’accepter des déficits, même s’ils ont été inférieurs aux précédents.

Pour l’Europe, un tel calcul n’est malheureusement pas possible parce qu’une série d’Etats s’étaient acquittés de leurs dettes par le biais de réformes monétaires après la guerre.

Toutefois, Morgan Stanley fait également un calcul intéressant pour l’avenir: si les Américains ne veulent pas voir leur dette publique actuelle s’alourdir au cours des prochaines années (en se basant sur 60%), ils ont deux alternatives:

– Soit ils maintiennent l’inflation à un niveau constant de 2%. Ils doivent alors réaliser des excédents budgétaires de 2,4% (excédents primaires, cela signifie compte non tenu des paiements d’intérêts).

– Soit ils renoncent à ces excédents budgétaires et doivent alors tolérer une inflation de 4 à 6% par année.

Les économistes de Morgan Stanley considèrent le premier scénario, à savoir l’objectif budgétaire ambitieux, comme peu réaliste eu égard aux prochaines charges démographiques et à l’alourdissement des dépenses, par exemple dans le domaine de la santé. Ils conseillent par conséquent de se préparer au second scénario, une inflation plus élevée. Il existe aux Etats-Unis de nombreux économistes qui sont du même avis et qui recommandent à la Réserve fédérale un objectif d’inflation plus élevé. Indépendamment de cela, Olivier Blanchard, le nouvel économiste en chef du Fonds monétaire international, a plaidé ces derniers jours pour que les pays acceptent une augmentation plus forte des prix.

En Europe, la situation n’est guère différente. Il est vrai qu’il faut compter ici avec une dette publique plus élevée (environ 75% en Allemagne en 2010). Cela signifie qu’il n’y a pas besoin d’objectifs de politique fiscale aussi ambitieux pour maintenir le niveau atteint. D’un autre côté, la croissance réelle n’est pas très élevée compte tenu des charges démographiques et structurelles. Même si les déficits budgétaires reviennent bientôt au-dessous de 3%, une nouvelle augmentation de la dette publique ne pourra être empêchée que si l’inflation progresse plus fortement.

Pour l’investisseur: les craintes que la dette publique fasse augmenter l’inflation ne sont pas dénuées de tout fondement. Un rapport existe réellement. Je suis d’avis qu’à moyen terme l’inflation en Europe sera supérieure à celle des dernières années, mais qu’elle ne sera toutefois pas aussi élevée que les 4 à 6% calculés pour les Etats-Unis. Simultanément, la dette publique s’amplifiera avec tous les effets négatifs sur la confiance dans les pouvoirs publics

Par Martin Hüfner Chef économiste Aquila Investment SA fev10

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Inflation : S’en inquiéter et s’en protéger… (cliquez sur le lien)

6 réponses »

  1. Avons-nous réellement l’ambition de réduire notre dette ?? on pourrait parfois en douter, les prélèvements sont de plus en plus élevés, la dette est de plus en plus élevée elle aussi, le pouvoir d’achat diminue, nos exportations sont plutôt en recul et tout cela fait que le chômage s’accentue et que personne ne comprend plus à quoi servent toutes ces sommes débloquées et quels sont les résultats obtenus.
    Avons nous tout simplement emprunté le bon chemin ? il est vrai que ce n’est pas simple car nous sommes bien évidemment tributaires de l’Europe, du Monde mais malgré tout il parait évident que plus LA fiscalité directe ou indirecte sera élevée moins il y aura de pouvoir d’achat… et continuer à donner un peu par çi un peu par l pour calmer le jeu ne sera pas suffisant et ne fera qu’augmenter notre dette, il n’existe probablement pas de solution miracle mais nous pourrions certainement pouvoir mieux faire et il y a suffisamment de spécialistes pour y parvenir.

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