Cycle Economique et Financier

Jean Pierre Petit : Quelles perspectives pour l’emploi US?

Quelque 8 millions d’emplois ont été détruits en deux ans. Il s’agit de la plus forte perte (ajustée de la population active) de l’après-guerre

Il est entendu que les perspectives d’emploi aux Etats-Unis constituent un point-clé de la vie des marchés dans la mesure où cela est supposé conditionner la soutenabilité de la croissance américaine.

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Les chiffres d’emplois de janvier et de février ont semblé contradictoires : d’un côté, le taux de chômage (le ratio chômeurs /population active calculé sur l’enquête «household survey») a baissé de -0,3 point à 9,7%, sans que cela soit dû à une «sortie» de chômeurs de la population, le taux de participation (actifs/population d’âge actif ) étant en hausse. De l’autre, les créations d’emplois mesurées par «payroll survey» ont encore légèrement reculé.

Cela est dû au fait que les chiffres de taux de chômage et de créations d’emplois sont issus de deux enquêtes différentes. Les chiffres de la «household survey», à partir desquels est calculé le taux de chômage, incluent une population plus large (emploi agricole, entreprises individuelles notamment) mais sont plus volatils que la «payroll survey», à partir de laquelle sont mesurées les créations d’emploi, notamment en raison de son caractère déclaratif et de la taille plus faible de l’échantillon. La forte hausse des créations d’entreprises individuelles, habituelle en phase de crise, pourrait ainsi expliquer une partie des différences observées.

Mais quoi qu’il en soit, ces divergences statistiques ne doivent pas masquer la tendance fondamentale à l’amélioration du marché de l’emploi. Pourquoi?

D’abord parce que l’ajustement sur l’emploi au cours de la récession a été extrêmement sévère.

Depuis deux ans, 8,4 millions d’emplois ont été détruits. Il s’agit-et de loin- de la plus forte perte d’emplois (ajustée de la population active) de l’après-guerre, soit 6,1% de l’emploi total. Les pertes d’emplois ont été bien audelà de ce que prévoit une loi d’Okun classique (2 à 2,5 millions d’emplois détruits supplémentaires), qu’elle soit calculée sur les récessions historiques ou sur le passé récent (depuis 1995 par exemple).

La hausse de la productivité engendrée par cet ajustement très marqué est en train de s’atténuer, suggérant que l’emploi et/ou les heures moyennes travaillées devraient continuer de s’améliorer dans les mois qui viennent si l’activité continue de progresser.

Certes, depuis la fin de la récession (probablement située à l’été 2009), on a assisté aux plus mauvais chiffres d’emplois de sortie de récession d’après-guerre.

Mais on a aussi assisté à une hausse du taux d’emploi (actifs occupé/ population d’âge actif) et de participation, une diminution de l’ensemble des mesures de sousemploi (chômeurs découragés, temps partiel subi, chômage de longue durée,…).

Par ailleurs, la durée hebdomadaire du travail ainsi que l’emploi temporaire, indicateurs avancés de l’emploi, sont en hausse depuis plusieurs mois (ce qui correspond au délai moyen des créations d’emplois par rapport au travail temporaire).

Historiquement, la production industrielle est un indicateur coïncident historiquement bien corrélé aux créations d’emplois.Lorsque l’on regarde les sorties des précédentes récessions, on remarque que la production industrielle, après une hausse importante, se stabilise et que les créations d’emplois mettent plus de 9 mois pour être positives.

Aujourd’hui, après un déstockage exceptionnel, le niveau très élevé des composantes avancées de l’ISM permet d’envisager une production industrielle soutenue dans les prochains mois et compatible avec une reprise de l’emploi. La composante emploi de l’ISM est un indicateur également historiquement bien corrélé avec les créations d’emplois et retardé d’un mois. Le niveau maximal de cet indice pour lequel il n’y a pas eu de créations d’emplois est de 56 et a été atteint en 1983. Le niveau actuel de 56,1 (atteinte lors de l’enquête de février) sans créations d’emplois représente ainsi un événement exceptionnel.

Les perspectives de croissance de l’activité aux Etats-Unis (3,1% selon le consensus) permettent d’espérer une croissance de l’emploi de l’ordre de 1,3%, soit une création moyenne d’emplois au cours de l’année 2010 de l’ordre de 130.000 par mois, selon un modèle reliant croissance et emploi calculé depuis 1995.

 S’agissant du taux de chômage, les prévisions sont basées sur une hypothèse de taux de participation relativement stable. Or le taux de participation est susceptible de varier plus fortement en fonction de la reprise. En particulier, si la reprise est plus forte que prévu, il est possible qu’une partie importante de travailleurs découragés ou d’autres inactifs (femmes au foyer, étudiants,…) reviennent dans la population active, ce qui exercerait une pression haussière sur le taux de chômage.

Il apparaît ainsi très improbable de voir le taux de chômage baisser fortement en dessous de 9,0% en 2010.

Pour le moment, c’est surtout le moindre rythme de licenciements qui a le plus contribué à la baisse du taux de chômage aux Etats- Unis. Cependant, on peut observer que le taux de sortie de chômage est en amélioration sensible depuis quelques mois. La variable clé va désormais être le rythme d’embauches des entreprises qui devrait prendre de plus en plus le relais.

D’autres perturbations statistiques vont compliquer l’analyse des chiffres d’emplois au cours des prochains mois. Après les perturbations climatiques du début d’année, il y aura un rattrapage naturel ultérieur. De même, le recensement décennal américain va générer dès le mois de mars des créations d’emplois supplémentaires de plusieurs centaines de milliers et connaître son pic au mois de mai, avec un ajustement baissier par la suite.

Mais indépendamment de ces phénomènes temporaires, les bonnes nouvelles conjoncturelles d’Amérique pourraient bien venir de l’emploi au cours des prochains mois.

JEAN-PIERRE PETIT economiste et Stratégiste de marchés

EN COMPLEMENT : Commentaire Marché Américain / Semaine 10 (cliquez sur le lien)

BILLET PRECEDENT  : Jean Pierre Petit : la crédibilité budgétaire. (II) (cliquez sur le lien)

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