Europe

Charles Gave : Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal…

Décidément, ce bon M. de la Fontaine est bien utile pour commenter les crises financières. Il ya quelques mois, j’avais utilisé la fable de la cigale et de la fourmi, aujourd’hui, je voudrais me servir de celle des animaux malades de la peste. Le lecteur se souvient que, dans cette fable, le royaume des animaux étant atteint par une épidémie de peste, le roi (le lion) décide que chacun doit s’accuser des crimes qu’il a commis, puisqu’il s’agit certainement d’une punition divine consécutive à quelque forfait inconnu.
Tous les grands s’accusent de crimes abominables, mais personne ne leur dit rien car ils sont bien trop puissants, jusqu’à ce que l’âne avoue qu’il a tondu un pré dans lequel il n’aurait jamais dû aller. Il est immédiatement mis à mort.
Pourquoi cette référence à notre fabuliste national ? Tout simplement parce que les génies qui nous gouvernent semblent avoir trouvé leur victime expiatoire. Il s’agit d’un instrument ésotérique, appelé le CDS (Credit Default Swap), qui, bien entendu, n’a rien à voir avec le schmilblick.

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Explications.

Les CDS sont des contrats d’assurance passés entre des parties du secteur privé, l’assureur garantissant qu’en cas de non-paiement par une tierce partie des sommes dues à l’assuré il se substituera à cette dite tierce partie. Par exemple, la Grèce a fait n’importe quoi depuis des années, empruntant à tout-va, grisée qu’elle était par des niveaux de taux extraordinairement bas et repoussant aux calendes grecques (bien sûr) les réformes nécessaires. De ce fait, la faillite (renégociation) de la dette grecque est loin d’être une impossibilité. Et c’est là que le génie des marchés se manifeste. De courageuses institutions font l’analyse que la Grèce ne fera pas faillite et décident d’offrir des contrats d’assurance sur le pays, garantissant en fait le repaiement du principal si la Grèce venait à faire défaut. De ce fait, le risque grec devient « mutualisé », une partie sortant du bilan grec, pour être porté par le secteur privé, ce qui réduit le risque global. Ces contrats, appelés dans le jargon du métier CDS, sont les outils financiers que les gouvernements français ou allemand veulent interdire.

 Pourquoi ?

D’après les incompétents surdiplômés qui envisagent cette mesure, le problème n’est pas la fièvre mortelle dont le patient est saisi, due bien sûr au surendettement de nos Etats dont ils sont directement responsables, mais le thermomètre qui mesure cette fièvre. Il faut donc de toute urgence empaler le porteur de mauvaises nouvelles. Si les CDS sur la Grèce ont quadruplé depuis quelques mois, ce n’est pas à cause de la mauvaise gestion des finances publiques hellènes, c’est parce que d’horribles spéculateurs (les hedge funds) achètent ces CDS massivement et font donc monter leur cours, créant une panique financière dont ils comptent bien profiter. Sans les CDS, tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce raisonnement est atterrant de stupidité tant il méconnaît la réalité des marchés.

Continuons dans notre effort d’imagination et postulons que les CDS soient interdits. Dans ce schéma, il est fort probable que nos intermédiaires financiers européens vont cesser immédiatement tout achat d’obligations grecques et que le rendement de celles-ci va exploser à la hausse, les acheteurs disparaissant complètement. Cette brutale hausse des taux grecs déclenchera des pertes en ligne sur toutes les obligations grecques achetées dans le passé par nos institutions et plombera lourdement leurs bilans, qui n’en ont pas vraiment besoin. Cette hausse des rendements sur la Grèce relancera inéluctablement la panique financière et rendra quasi impossible le financement des déficits budgétaires non seulement en Grèce, mais aussi au Portugal, en Espagne, voire en Italie ou en France…

La conclusion d’investissements est simple. Si les gouvernements de la zone euro se mettent d’accord pour interdire les CDS sur les Etats souverains, vendez tout ce que vous avez en Europe. Heureusement, ces gouvernements ne peuvent pas prendre cette décision sans en référer à la Grande-Bretagne, à la Suède, à la Pologne… et il nous paraît tout à fait exclu que ces pays de tradition libérale acceptent cette ânerie. Je ne crois donc pas que ces menaces seront suivies d’effet, ce qui est fort rassurant.

PAR CHARLES GAVE | JDF HEBDO | 13.03.2010

BILLET PRECEDENT : Charles Gave : Inquiétudes budgétaires (cliquez sur le lien)

 Marc Touati : Pendez-les haut et court… (cliquez sur le lien)

les Dérivés crédit en question /Dossier CDS : les tenants et les aboutissants (cliquez sur le lien)

D'autres pays que la Grèce sont en mauvaise posture.

D’autres pays que la Grèce sont en mauvaise posture.

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