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Didier Le Menestrel : “Seule la croissance permet d’alléger l’endettement”

Croissance et innovation sont les seules manières de réduire la dette publique en Europe. Il n’en a d’ailleurs jamais été autrement par le passé”, affirme Didier Le Menestrel, fondateur et gestionnaire de fonds de Financière de L’Echiquier, société française de gestion patrimoniale.Entretien

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Ces dernières semaines, les marchés financiers ont été marqués par les déboires budgétaires de la Grèce et d’autres pays d’Europe du Sud. La situation vous inquiète-t-elle?

“Au cours de mes 27 années de carrière, j’ai eu le temps de comprendre que les marchés financiers basculaient sans cesse d’un risque à l’autre. Mais la peur n’est pas bon maître en matière d’investissements.

Les problèmes budgétaires des Etats européens ne doivent pas être pris à la légère. Mais ils ne sont pas de nature à affecter gravement les marchés financiers. Le moment nous semble même favorable pour investir dans les obligations d’Etat. Nous ne croyons pas non plus que la situation soit comparable à celle de 1994, lorsque la banque centrale américaine avait procédé à des relèvements inopinés et très rapides des taux à court terme, entraînant l’effondrement des obligations. Il n’y a aucun risque que ce scénario se reproduise aujourd’hui. Si les banques centrales relèvent leurs taux, probablement fin 2010, ce ne sera plus une surprise. Par conséquent, nous n’entrevoyons pas d’importants risques pour le marché des actions. Nous sommes même convaincus que les actions peuvent poursuivre sur leur élan. Nous restons totalement investis en actions car nous pensons que les cours ne reflètent pas encore la valeur réelle des titres. 

L’endettement public élevé et les mesures d’économie que celui-ci imposera ne risquent-ils pas de freiner la consommation?

“Chacune des 350.000 personnes qui naissent chaque jour, vient au monde avec une dette de 7.300 dollars. Selon les agences de notation de crédit, la dette publique mondiale dépasse désormais les 50.000 milliards de dollars. C’est 45% de plus qu’au début de la crise, et 80% du Produit intérieur brut (PIB) mondial de 2010.

Mais il faut replacer ces montants astronomiques dans leur contexte historique. En 1946, la dette américaine culminait à 270 milliards de dollars, soit 120% du PIB de l’époque. Un ratio beaucoup plus élevé que n’importe lequel des scénarios catastrophe évoqués aujourd’hui. On semble avoir pourtant oublié que les Trente Glorieuses qui ont suivi ont permis de rembourser ces dettes. La seule manière de réduire l’endettement consiste à encourager la croissance, l’innovation et l’initiative privée. La solution réside dans la santé des entreprises, seules capables de créer l’innovation.” 

La plupart des analystes redoutent plusieurs années de croissance modeste dans les pays occidentaux…

“La croissance est toujours là mais elle s’est déplacée vers les pays émergents qui signeront une croissance globale de 3% par an dans les années à venir. Dans ce climat, les entreprises pourront parfaitement développer leurs modèles de croissance. Mêmes les constructeurs automobiles européens ont pu présenter des résultats en progrès; et ils ne sont pas uniquement attribuables aux mesures publiques. Nous sortons d’une récession très profonde. On a pu croire à un certain moment, que les consommateurs cesseraient de dépenser pendant six mois, mais il ne fait aucun doute désormais que la reprise s’est amorcée.” 

Cela signifie-t-il que vous concentrez vos investissements dans les entreprises actives dans les pays émergents?

“Un élément essentiel de notre stratégie est que nous souhaitons acheter des actions bon marché. Nous ne sommes donc pas disposés à payer des prix élevés en échange de la croissance des pays émergents. Il est vrai, cependant, que nous nous focalisons sur des secteurs et des entreprises à même de profiter de cette croissance de la consommation et des investissements dans les pays émergents, comme Rémy Cointreau et Saint-Gobain. Nous avons aussi des participations dans le secteur des transports comme Air France, même si c’est typiquement le genre d’actions que nous ne conserverons pas plus de trois ans .” 

Pourquoi?

“Nous estimons que l’action est attrayante sur la base de sa valorisation, mais nous sommes beaucoup moins convaincus par le management. Nous ne sommes prêts à acquérir des positions à long terme dans une action que lorsque nous sommes totalement séduits par la qualité du management et la stratégie suivie. Ce n’est pas exactement le cas d’Air France. Au contraire de SEB – fabricant français d’électroménager –, par exemple: l’entreprise dispose d’une stratégie solide et d’une direction fiable, et elle se concentre sur les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Le groupe est présent depuis dix ans au Brésil et a procédé à une acquisition en Chine il y a trois ans. Nous détenons l’action en portefeuille depuis cinq ou six ans.” 

Investissez-vous également dans des actions belges?

“Nous n’avons aucune action belge dans nos portefeuilles. Cela dit, il n’y a aucune raison spécifique à cela. Nous n’investissons pas dans les holdings; or, ceux-ci sont assez nombreux en Belgique. De même, nous sommes moins positifs à l’égard des entreprises de services d’utilité publique et industrielles.

source l’écho mars10

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