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Emergents : La Russie renationalise ses banques à tour de bras

Emergents : La Russie renationalise ses banques à tour de bras

À l’inverse des autres pays en transition, la Russie tourne le dos aux privatisations. L’Etat détient ou contrôle 54,6% des actifs bancaires et semble adopter le modèle appliqué en 1988 à l’époque de l’URSS.

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La part du secteur bancaire détenu ou contrôlé par l’Etat russe n’est pas toujours aisée à déterminer. La recherche économique évalue à environ 2% la part laissée à l’interprétation, mais elle touche surtout certains petits instituts. La loi russe elle-même n’est pas claire à ce propos, y compris sur un acteur financier important comme VEB. L’originalité de l’étude de Andrei Vernikov (1) réside donc d’abord dans ce travail sur les chiffres. Il en ressort que 78 banques sont détenues, contrôlées ou sous l’influence de l’Etat à la fin juin 2009 pour 56% de part de marché, contre 35,9% en janvier 2001.

La structure est spéciale puisqu’il existe parfois jusqu’à 4 couches de holding pour contrôler une petite banque. C’est parfois très compliqué: l’industriel Gazprom, contrôlé par l’Etat, détient par l’une de ses filiales la banque Gazenergoprombank, qui a repris Sobinbank et qui pour sa part contrôle Russky ipotechny bank. En même temps, Gazprom contrôle Gazprombank qui détient 68,8% de Severgazbank.

Au total, les 5 plus grandes banques publiques détiennent 49% du marché bancaire, contre 35% il y a 10 ans. Le virage stratégique s’est produit en 1998 au sortir de la crise russe, quand la part de l’Etat était tombée à 30%.

La deuxième originalité de l’étude met surtout en évidence une tendance fondamentale qui s’éloigne, à l’exception de la Biélorussie, de la privatisation des banques au sein de pays en transition. La Russie renationalise rapidement son secteur bancaire. Et aujourd’hui, parmi le Top 10 des banques, six sont des entités publiques et une seule est privée et domestique.

L’auteur met en lumière une tendance au retour du modèle appliqué à l’époque de l’URSS, celui des «spetsbanki», des banques spécialisées par secteur (agriculture, commerce de détail). Ce modèle date de 1988 quand la banque d’Etat Gosbank avait été démembrée en banques sectorielles.

Le rôle de ces banques publiques est considérable. Non seulement le secteur dispose de privilèges («trop grand pour faire faillite»), mais il exerce des fonctions particulières telles que l’acquisition ou la détention d’actifs stratégiques, ou les investissements dans des projets importants.

De fait la Russie suit maintenant la voie adoptée par la Chine et le Vietnam avec la définition de quelques champions nationaux qui augmentent leurs parts de marché.

Ce «noyau de banques» possède 49% du marché en Russie, 65% en Chine, 70% au Vietnam. En Russie, ces leaders sont Sberbank, VTB Group, Rosselkhozbank, Bank Moskvy. À l’inverse, les banques privées sont progressivement sorties du système («crowding out»).

L’auteur est d’avis que son hypothèse de retour à la spécialisation se vérifiera ces prochaines années. Des fusions devraient se produire entre instituts contrôlés par l’Etat. De cette manière, le budget russe pourrait par ailleurs profiter d’un afflux de nouvelles recettes issues de ces opérations.

(1) Russian banking: The state makes a comeback? Andrei Vernikov; Bank of Finland, BOFIT Institute for economies in transition, DP 24, 2009

Par Emmanuel Garessus le temps mars10

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