Etats-Unis

Jean Pierre Petit :L’immobilier US convalescent (I)

Le segment résidentiel US est en fin de crise. Mais le leg de la bulle des années 2000 empêche une vraie reprise.

Il est entendu qu’il n’y a plus de risque systémique, les stress tests menés par la Fed à l’été 2009 ayant permis de faire la lumière sur les risques portés par les grandes banques. Il est aussi entendu que le plus gros de la baisse des prix est passé. Mais les perspectives immédiates de l’immobilier restent mauvaises.

PLUS DIMMOBILIER US EN SUIVANT :

La baisse de l’immobilier résidentiel aux Etats-Unis (-35% du pic au creux) constitue le retournement nominal le plus important depuis 1890. Seule la baisse des prix des années 20 lui est comparable, les prix réels ayant baissé du pic au creux de près de 50%.

L’activité immobilière a également connu une baisse exceptionnelle, les ventes de maisons neuves, les mises en chantier et l’investissement résidentiel atteignant des points bas historiques (d’aprèsguerre) au cours de cette crise qui avait démarré à la fin 2005.

Des bonnes nouvelles pour l’immobilier aux Etats-Unis (cliquez sur le lien)

L’éclatement de la bulle a entraîné une chute très importante des ratios classiques de valorisation de l’immobilier: les ratios prix/revenu et prix/loyers sont revenus à leur niveau de 2003 tout en restant toutefois encore 33% au dessus de leurs points bas de 1997.

Par ailleurs, le patrimoine immobilier net des ménages, stable pendant près de 50 ans et ayant fortement dépassé sa moyenne pendant la bulle, est désormais revenu à un niveau historiquement bas.

La purge des excès de stocks est bien avancée aussi bien dans le neuf que dans l’ancien. Le stock de logements neufs est ainsi au plus bas depuis plus de 35 ans.

Les taux de défaut dans l’immobilier résidentiel semblent par ailleurs avoir atteint leur point haut.

Les impayés de 30 jours ont ainsi continué de reculer au quatrième trimestre 2009 tandis que les taux de saisie ont légèrement progressé.

Immobilier Etats Unis : les retards de paiement des emprunts immobiliers partent à la baisse (cliquez sur le lien)

Cela dit, le legs de la bulle des années 2000 est encore présent et empêche une vraie reprise de l’immobilier, pour trois raisons.

La première est constituée par le «negative equity», qui constitue en soi un facteur additionnel de maintien à un haut niveau des défauts.

Au quatrième trimestre 2009, 24% des prêts résidentiels valaient plus que la propriété à laquelle ils étaient adossés (en hausse de 1 point par rapport au trimestre précédent). Les niveaux extrêmes de «negative equity» sont, on le sait, associés a une explosion des taux de défaut: ainsi, les prêts à plus de 150% de loanto- value correspondent à des taux de défaut de près de 15%. Cela est notamment dû à des défauts stratégiques des emprunteurs qui préfèrent quitter la maison qui vaut moins que le prêt, en espérant que la banque ne les poursuivra pas.

Notons que certains prêts sont «non recourse», autrement dit l’emprunteur ne peut pas être poursuivi pour payer la différence entre la valeur de la maison et le montant du prêt, le seul risque étant celui de voir son score de crédit dégradé.

Le deuxième legs nocif de la bulle est le poids encore élevé des taux de vacance. Ceux-ci ont en effet sensiblement progressé lors de la bulle. Si l’on considère le retour à un niveau pré bulle (1,7 pour le taux de vacances locatif et 8% pour le taux de vacances dans la propriété) comme normatif, cela correspond à un stock en excès dans l’ancien de 1,8 millions de logements.

Le troisième legs de la bulle est l’exceptionnelle progression du taux de propriété durant les années 2000 (passé de 63% vers lafin des années 90 à près de 69% au sommet de la bulle). Cela a stimulé la demande de construction de près de 500.000 par an. Après une hausse quasi ininterrompue de 50 ans des prix immobiliers, créant ainsi l’illusion d’un placement sans risque, la baisse exceptionnelle et brutale des prix a profondément affecté le regard des ménages sur l’immobilier (heuristique de mémoire). Le taux de propriété baisse ainsi depuis 2005 et retire environ 500k de demande/ an actuellement. Au total, cette baisse va inexorablement ralentir les ventes de maisons neuves jusqu’ à ce que le taux de propriété ne cesse de baisser.

JEAN-PIERRE PETIT Stratégiste et économiste de marché mars10

BILLET PRECEDENT : Jean Pierre Petit : FED /Quel contenu de l’Exit Strategy?

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE :

Le marché du logement américain apparaît encore loin d’être tiré d’affaire à quelques jours de l’arrêt d’un gigantesque programme de la banque centrale (Fed) qui le soutien depuis plus d’un an.

Tous les indicateurs publiés depuis le début du mois aux États-Unis ont témoigné d’un nouvel accès de faiblesse de l’immobilier, à l’origine de la crise.

Selon le dernier chiffre officiel, publié mercredi, les ventes de logements neufs sont tombées en février à leur plus bas niveau depuis 1963 au moins.

Les économistes estiment que le mauvais temps en particulier les tempêtes de neige qui ont paralysé des régions entières de l’est du pays en février, a pesé sur l’activité, empêchant des signatures de contrat ou des visites de biens à vendre.

Malgré cela, on peut «difficilement affirmer que la conjoncture est bonne», résume l’économiste indépendant Joel Naroff.

Le marché du logement a été à l’origine de la crise financière apparue en 2007 en nourrissant une bulle fondée sur l’idée que les prix de l’immobilier ne pouvaient que monter.

Quand ceux-ci ont commencé à baisser fin 2005, les emprunteurs les plus fragiles, qui comptaient sur la hausse de la valeur de leur bien pour refinancer leur prêt, se sont retrouvés en difficulté, entraînant finalement des pans entiers d’un système financier qui avait prêté à tout-va sans appréhender les risques encourus.

Selon un cercle vicieux, la spirale des prix à la baisse a entraîné de nouvelles défaillances d’emprunteurs, et incité les éventuels acheteurs à la patience, plongeant le marché dans la déprime.

La machine n’a pu être enrayée que par un soutien énorme des autorités. L’État fédéral et la banque centrale ont dépensé des centaines de milliards de dollars pour maintenir en état les rouages du marché et faire baisser les taux d’emprunts pour permettre le retour d’acheteurs sur le marché.

Mais après une amélioration au printemps et à l’automne, l’activité est retombée, victime d’«un marché de l’emploi toujours déprimé», qui pèse sur les décisions d’achat des ménages et, pour les logements neufs, «de la concurrence provoquée par les ventes des biens saisis, à prix très bas», comme le note Thomas Julien, analyste de la banque française Natixis.

Actuellement, la construction de logements (qui représentait près de 5% du PIB en 2005) est quasi inexistante.

L’homme d’affaires Warren Buffet a estimé fin février que c’était une bonne chose, car cela permettait un ajustement de l’offre et de la demande. Pour lui, le marché du logement devrait s’être remis «dans un an environ».

Mais la route est tortueuse. À partir du 1er avril, le marché du logement ve devoir fonctionner sans l’aide du programme gigantesque d’achats de titres sur les marchés par lequel la banque centrale a fait considérablement baisser les taux d’emprunts immobiliers.

«Les marchés financiers se sont améliorés considérablement l’année dernière et j’ai bon espoir que les emprunts resteront très abordables même après» la fin de ce programme, a déclaré mardi Janet Yellen, une des dirigeantes de la Fed.

Alors que les efforts du gouvernement pour aider les propriétaires en détresse tardent à se concrétiser, elle a dit prévoir cependant une montée des retards sur les emprunts immobiliers.

Fin avril, c’est un autre mécanisme essentiel de soutien qui expirera, le crédit d’impôt accordé pour l’achat de tout logement de moins de 800 000$. Mais cette mesure pourrait être prolongée par le Congrès.

Les saisies immobilières aux États-Unis vont rester fortes en 2010 et 2011, a estimé jeudi le président de la banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke.

«Nous prévoyons toujours un nombre élevé de saisies en 2010 et 2011», a déclaré M. Bernanke, lors d’une audition devant la Commission des services financiers de la Chambre des représentants.

Rappelant les effets désastreux des saisies immobilières, «tragédies» pour les familles qui perdent ainsi leur logement et des années d’économies, M. Bernanke a aussi indiqué les dangers qu’elles faisaient peser, en grand nombre, sur la reprise du marché du logement, à l’origine de la crise.

«Les saisies sont à l’origine d’une offre de logements sur le marché qui font baisser les prix», a-t-il dit, alors que tous les indicateurs publiés depuis le début du mois ont témoigné d’un nouvel accès de faiblesse de ce marché.

Lors de l’audition, M. Bernanke a également parlé du programme gigantesque de soutien au marché du logement auquel la Fed mettra fin au 31 mars. Par ce programme, la Fed devrait avoir acquis à cette date pour 1425 milliards de dollars de titres émis par les organismes de refinancement hypothécaires parapublics Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie Mae.

Combinés à des achats d’obligations du Trésor américain à long terme, ces rachats ont atteint leur but en permettant d’abaisser fortement les taux d’intérêts immobiliers de manière à rendre plus facile l’achat d’un logement pour faire relancer le marché.

Tout en indiquant que la Fed ne souhaitait pas se relancer dans ce genre de programme, bien qu’elle s’en réserve la possibilité, M. Bernanke a estimé que les Américains ne devraient pas trop souffrir de l’arrêt de l’intervention de la banque centrale.

Les taux d’emprunts immobiliers pourraient remonter après le 31 mars ont averti plusieurs économistes, mais M. Bernanke, a indiqué que «la plupart des gens avaient désormais des emprunts à taux fixes» et que cela devrait donc être sans effet pour eux.

source afp mars10

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