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Questions-réponses : La perte de compétitivité de la France

Quelle est la perte réelle de compétitivité de la France ?

La compétitivité française baisse depuis plus de dix ans dans le monde et dans la zone euro.

L’indicateur le plus significatif est la part de marché à l’exportation.

 La comparaison au sein de la zone euro permet une mesure plus fine de son évolution, en neutralisant l’impact des variations de change. Depuis la création de la zone euro en 1999, la part des exportations françaises dans les exportations de la zone euro a chuté de 16,8 % à 13,2 % en 2009. Ce recul de près de 4 points « représente à peu près 100 milliards d’euros d’exportations perdues en fin de période », indique le Centre d’observation économique et de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises. 

PLUS DE PERTE EN SUIVANT :

Pourquoi la France perd-elle des parts de marché ? 

Si cette tendance de long terme s’explique par l’émergence de nouveaux concurrents sur la scène internationale, le recul au sein de la zone euro trouve son origine dans les divergences de politiques industrielles.

Le coût du travail est un sujet polémique mais dont l’impact sur la compétitivité n’est pas forcément le plus déterminant à moyen ou long terme : le coût complet d’une heure de travail, incluant les charges sociales, était de 24,90 dollars en 2006 en France, contre 34,1 dollars en Allemagne, et 27,10 dollars au Royaume-Uni, selon les données publiées en 2008 par le ministère du travail américain. Il ne suffit donc pas à expliquer les différences de compétitivité entre la France et l’Allemagne. 

Explications :

La hausse – plus importante depuis 2000 – du coût du travail français par rapport au coût du travail allemand est systématiquement mise en avant. Mais en réalité, le coût du travail français reste inférieur à celui du travail allemand. En effet, si, en France, les cotisations patronales versées pour une heure de travail sont supérieures à ce qu’elles sont en Allemagne, le salaire y est inférieur. Au total, le coût d’une heure de travail est donc plus bas en France qu’en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et bien entendu au Danemark, en Suède ou au Luxembourg.

Par ailleurs, il ne faut pas limiter la question de la désindustrialisation à celle du coût du travail. La compétitivité passe aussi par l’innovation et le service, qui sont autant d’éléments permettant de rester compétitif sans forcément réduire les avancées sociales. C’est la « compétitivité par le haut ».

Que manque-t-il aux entreprises pour développer l’emploi industriel en France ?

De l’investissement productif, de l’investissement en innovation et de l’investissement en capital humain ! La France se caractérise par un faible investissement privé, notamment en innovation puisqu’il représente seulement 1,3 % du produit intérieur brut (PIB), contre 1,8 % en Allemagne. Il est de surcroît en recul.

 Par ailleurs, les salariés sont souvent seuls face aux évolutions professionnelles rendues nécessaires par les changements technologiques ou sectoriels. Il ne s’agit pas de faire en sorte que tout le monde soit ultraqualifié, mais de donner les moyens aux salariés de faire évoluer leurs compétences et de changer d’entreprise ou de secteur en temps utile. De ce point de vue, la France est très en retard, et rien n’est prévu pour améliorer cela.

Quelles sont les conséquences du retard français en recherche et développement ? 

La France accuse un retard notable en termes de dépenses totales de R & D rapportées au produit intérieur brut (PIB). « En consacrant globalement à la R & D 38 milliards de dollars en 2006 (R & D publique et privée), ce qui représente 1,9 % de son PIB, la France se situe bien en deçà de l’Allemagne, qui y consacre 2,4 % de son PIB (67 milliards de dollars) », indique le rapport des Etats généraux de l’industrie publié en février. Les auteurs du rapport justifient cette situation par « la part importante des industries peu intenses en R & D dans son tissu industriel ». Le secteur réalise les quatre cinquièmes de la dépense intérieure de R & D des entreprises en Europe et pourrait donc bénéficier d’un effort en la matière.

LE MONDE ECONOMIE | 23.03.10

EN RAPPEL : Entretien avec Beat Kappeler à propos du grand plaidoyer pour la réindustrialisation (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT :  

L’Allemagne maintient ses exportations en privilégiant les hautes technologies

Dans les annales de l’industrie allemande, 2009 restera une année noire. La récession mondiale a touché de plein fouet un pays dont l’industrie est très tournée vers l’export. Le produit intérieur brut (PIB) a baissé de 5 %, un niveau jamais atteint depuis la seconde guerre mondiale. Mais, selon les experts, la structure et l’orientation des entreprises allemandes leur permettent d’envisager l’avenir avec sérénité. 

En effet, les douloureuses restructurations commencées dans les années 1990 ont permis à l’Allemagne d’arrêter le recul de son industrie, et même d’inverser la tendance. En 2008, l’industrie contribuait à hauteur de 23,9 % à la production nationale, soit un léger plus par rapport à 1994. Avant l’arrivée de la crise, à l’été 2008, le secteur a aussi pu créer des emplois, le nombre de salariés atteignant 7,7 millions de personnes. « Que ce soit sur le coût du travail, les processus de production ou la palette de produits, les entreprises se sont livrées à un profond examen de leurs structures afin de les optimiser et de s’adapter à la concurrence internationale », explique Olga Wilde, porte-parole de la Fédération de l’industrie allemande (BDI).

Ce phénomène a particulièrement touché le Mittelstand, les petites et moyennes entreprises, qui étaient à l’époque encore peu ancrées dans le marché mondial. Aujourd’hui, certaines d’entre elles exportent jusqu’à 90 % de leurs produits à l’étranger. De manière générale, le taux d’exportation a été multiplié par deux depuis 1993, et concerne aujourd’hui 47 % du PIB allemand.

Dans le même temps, les syndicats ont fait preuve de retenue lors des traditionnelles négociations salariales. Cette tendance à la rigueur n’a fait que s’accentuer avec la crise. Dernier exemple en date, l’accord salarial de la métallurgie, signé en février. Le puissant syndicat IG Metall a privilégié la sécurisation des emplois aux dépens de fortes hausses de salaire. Néanmoins, « les salaires restent à un haut niveau », souligne Alexander Kritikos, expert à l’institut berlinois de recherches économiques DIW. L’industrie verse en moyenne des salaires 40 % plus élevés que la moyenne nationale. Les réformes de l' »agenda 2010″, engagées par le gouvernement de l’ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, ont aussi joué un rôle. « Le marché du travail est devenu plus flexible », souligne-t-on au BDI. 

De plus, l’Allemagne a accru sa spécialisation dans les hautes technologies. Un phénomène particulièrement visible dans les régions de l’Ouest. La part de la production industrielle de haute technologie n’a cessé d’augmenter – elle représentait 12 % de la production industrielle en 2007 -, tandis qu’elle a stagné ou baissé chez ses concurrents. Entre 1995 et 2007, ce segment tourné vers l’export a crû de 2,4 % outre-Rhin, tandis qu’il a baissé de 1 % en Europe de l’Ouest. Depuis 2004, l’Allemagne est devenue le premier exportateur de biens de haute technologie, devant les Etats-Unis. 

Le pays a aussi élargi sa palette de produits, ce qui lui permet d’être en pointe dans de nombreuses branches : la chimie, les machines-outils, l’électronique, la technique médicale, les instruments de mesure et l’environnement. 

Cette évolution, elle la doit à une forte hausse de la productivité et à des investissements dans la recherche et développement (R & D). Les dépenses publiques en faveur de la R & D restent irrégulières. Si l’industrie spatiale bénéficie de nombreuses subventions, les machines-outils ne reçoivent pas un euro de l’Etat allemand. A l’avenir, « il faudrait davantage développer les secteurs de très haute technologie, comme la technique environnementale, si on veut faire face à la concurrence croissante avec l’Asie », poursuit M. Kritikos. 

Le spectre d’un manque de main-d’oeuvre très qualifiée constitue une autre menace. « On ne forme pas suffisamment de personnel de haut niveau en Allemagne. » 

Cécile Calla LE MONDE ECONOMIE | 23.03.10 |

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