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Jean Pierre Petit : Où va l’immobilier américain? (II)

La gestion de la crise a en partie repoussé les ajustements réels. Les saisies reprendront une fois le moratoire terminé.

Immobilier US : Bank of America efface 3 milliards de dollars de crédits immobiliers (cliquez sur le lien)

PLUS DIMMO EN SUIVANT :

Durant la crise, l’Administration Obama a logiquement utilisé plusieurs dispositifs de soutien de nature à éviter un effondrement trop brutal de l’immobilier résidentiel et à «lisser» les ajustements.

Le moratoire sur les saisies engagé par l’administration Obama a ainsi nettement ralenti les procédures, ce qui a entraîné un certain retrait de l’offre de logements sur le marché. On peut observer que les taux d’impayés sont nettement plus élevés que ce que suggère le simple taux de chômage, ce qui laisse penser qu’il y a des facteurs supplémentaires entraînant ce niveau de défauts.

De plus, les résultats mitigés des modifications des termes des contrats pour limiter les saisies (programme HAMP, Home Affordable Modification Program, engagé depuis mars 2009 par l’administration Obama) laisse aussi penser que les saisies reprendront une fois le moratoire terminé, s’ajoutant au stock de logements et pesant ainsi sur l’activité et sur les prix.

Parallèlement, les nouvelles incitations du programme HAFA (Home Affordable Foreclosure Alternatives Program, qui permet à un emprunteur non éligible à l’HAMP et aux banques d’éviter une saisie via une vente du bien censée effacer la dette, quel que soit le prix, via des incitations fiscales) devraient entraîner un nombre important de «short sale» et «deed in lieu» (vente de la maison, perte supportée par la banque), gonflant ainsi le stock de logements à vendre et la matérialisation de nouvelles pertes pour les banques.

 Au total, le stock de logement est potentiellement nettement supérieur au stock apparent.

Au-delà, la faible baisse du chômage dans les mois à venir (en dépit de créations d’emplois assez substantielles) aura pour conséquence de maintenir les taux de défaut à des niveaux élevés. Enfin, tout laisse penser que les saisies reprendront une fois le moratoire sur les saisies terminé, ajoutant au stock de logements et pesant ainsi sur l’activité et sur les prix.

Autre incitation publique, le crédit d’impôt en faveur des primoaccédants, décidé par l’administration Obama, a fortement «avancé» la demande immobilière dans le temps, ce qui a dopé en partie artificiellement les ventes de logements, notamment dans l’ancien. Mais on sait que l’impact expansif de ce type de dispositif perd progressivement de sa vigueur et aboutit à un impact négatif une fois la mesure éteinte.

Dernier dispositif de soutien public, les rachats par la Fed de produits MBS.

Jean Pierre Petit : FED /Quel contenu de l’Exit Strategy? (cliquez sur le lien)

Comme la Fed l’avait précédemment annoncé, le programme de rachat de MBS d’un montant de 1 250 milliards de dollars arrivera à échéance à la fin du mois de mars 2010. Plus de 1200 milliards ont déjà été achetés, soit 99% du programme total.

L’effet du programme d’achat sur les taux hypothécaires est selon nous de 30 à 50 points de base et on pourrait donc s’attendre à une hausse des taux. Ainsi, le spread entre le taux hypothécaires et les taux longs pourrait progressivement remonter avec la fin du programme de rachat.

Rappelons qu’Une hausse de 50 points de base réduirait la capacité d’achat de 5%. Toutefois, il faut noter que pour le moment, le spread taux mortgage/T-Note est stable alors que la FED a fortement ralenti le programme de rachat ces dernières semaines.

Au total, la reprise de l’activité devrait être ainsi très progressive:

l’indicateur d’activité du NAHB, bien corrélé aux mises en chantier, est ainsi dans un tunnel depuis plusieurs mois, reflétant les incertitudes encore marquées du secteur.

Par ailleurs, le momentum de richesse des ménages, qui a repris nettement les mois précédents, avec le rebond des marchés d’actifs risqués et les prix immobiliers, devrait ralentir nettement dans les mois à venir. Ainsi, le taux d’épargne suggéré par la richesse des ménages est de l’ordre de 5 à 6%, plus de 1 à 2 points au dessus du niveau actuel.

Cela signifie que la consommation croîtra au mieux au même rythme que les revenus des ménages et devrait ainsi être relativement limitée.

Cette faiblesse de l’investissement résidentiel et de la consommation est d’autant plus dommageable à l’économie américaine que c’est un moteur classique de redémarrage de l’activité en phase de sortie de récession.

WSJ : Geithner pas assez ferme sur le crédit immobilier (cliquez

JEAN-PIERRE PETIT économiste  stratégiste de marchés mars10

BILLET PRECEDENT : Jean Pierre Petit :L’immobilier US convalescent (I) (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT : Chute continue de l’immobilier commercial US

La valeur et les loyers de l’immobilier commercial devraient continuer à baisser en 2010, estiment trois quart des dirigeants interrogés par le cabinet d’audit américain Deloitte.

 «Trois quart des dirigeants s’attendent à ce que la valeur des biens immobiliers commerciaux et les loyers continuent à chuter en 2010, d’après une enquête en ligne menée auprès de 327 dirigeants par Deloitte», explique le cabinet. Près des deux tiers des dirigeants sondés estiment qu’une reprise totale du marché prendra deux à trois ans, et 29% d’entre eux tablent jusqu’à quatre ans ou plus. Seuls 8% anticipent une véritable reprise dès cette année. «Le marché de l’immobilier commercial continue à pâtir de l’une des plus profondes récessions depuis des décennies», ajoute Deloitte.

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L’immobilier résidentiel américain reste fragile

Les prix des maisons individuelles se stabilisent, mais les principales mesures de soutien auront disparu d’ici à fin avril

Malgré le soutien des autorités américaines à la demande de logements, les prix de l’immobilier ne se reprennent toujours que mollement. En janvier, l’indice S&P/Case-Schiller, en début de semaine, a enregistré sa huitième hausse consécutive. Tout comme en décembre il a rebondi de 0,3% sur un mois en données ajustées des variations saisonnières.

Si la hausse est modeste, elle a tout de même le mérite de surprendre. Les économistes attendaient en effet un indice ajusté en baisse de 0,3% pour les vingt zones métropolitaines américaines prises en compte. Sur une base brute, les prix ont perdu 0,4% en janvier, après -0,2% en décembre. En donnée annuelle, les prix continuent de baisser de 0,7%, en janvier, soit un peu mieux qu’attendu (0,8%).

«La décélération sur un an de l’indice des prix S&P/Case Shiller confirme l’amélioration légère du secteur immobilier. Cependant des corrections ne sont pas à exclure en février», prévient Julien Thomas, économiste chez Natixis.

 La demande reste en effet très fragile et encore essentiellement sous perfusion des autorités, dont le programme d’achat des titres MBS émis par les agences de refinancement hypothécaire s’achève formellement aujourd’hui.

Le crédit d’impôt offert aux acquéreurs de maisons prend fin quant à lui le 30 avril. La demande pourrait connaître un regain de tension avant cette date butoir, pour retomber ensuite.

L’économiste reste tout de même optimiste. La baisse des prix a considérablement ralenti depuis janvier 2009 (-0,6 % sur un an en janvier 2010 contre -19 % en janvier 2009), les stocks sont bas et les taux des crédits historiquement peu élevés, souligne Julien Thomas.

Par Laure Closier -agefi 31/03/2010

 

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Le marché des MBS accueille avec calme l’arrêt du soutien de la Fed
Le programme de rachat de la banque centrale est fini . Mais d’autres investisseurs seraient susceptibles de prendre le relais

Aujourd’hui prend fin l’une des plus importantes mesures de soutien à l’économie décidées par la Fed pour surmonter la crise. La Réserve fédérale achève le 31 mars son programme de rachat des MBS (mortgage-backed securities) émis par les agences de refinancement hypothécaire américaines, Fannie Mae et Freddie Mac. Depuis janvier 2009, la Fed a repris 1.250 milliards de dollars de titres hypothécaires, permettant une détente des taux des crédits et portant à bout de bras l’immobilier aux Etats-Unis.

L’arrêt du programme intervient alors que le marché immobilier américain reste en mauvaise santé.

 D’où deux craintes légitimes: que les agences n’arrivent plus à se refinancer, et que le marché des MBS connaisse un bain de sang si la Fed s’avise de vendre ses actifs, qui représentent environ 20% du stock. Avec au bout du compte une remontée des taux.

La Réserve fédérale a cependant pris les devants en soulignant qu’elle ne comptait pas dans l’immédiat vendre ses MBS. Et elle s’est dit prête à reprendre ses rachats si le besoin s’en fait sentir.

Les observateurs sont donc plutôt confiants sur la suite des événements. Fannie Mae et Freddie Mac tablent sur une remontée modeste de leur taux fixe moyen à 30 ans au deuxième trimestre, à 5,13 et 5,2% respectivement, contre 5% au premier trimestre.

D’autres investisseurs seraient en outre susceptibles de prendre le relais de la Fed. Selon les stratégistes taux de Bank of America Merrill Lynch, l’offre nette de MBS d’agences atteindra 125 milliards de dollars en 2010. Compte tenu du retrait de la Fed, du Trésor et des agences elles-mêmes, le reste du marché devrait prendre à son compte 230 milliards de dollars de titres. «La demande attendue des investisseurs étrangers et des banques est de 150 à 250 milliards de dollars, assez pour absorber le maximum de 230 milliards requis», estiment les stratégistes de BoA. Sans compter l’intérêt éventuel des assureurs et des fonds monétaires.

«Ce n’est pas une coïncidence si les rendements des emprunts d’Etat américains se sont tendus depuis quelques semaines avant l’arrêt formel du programme d’assouplissement quantitatif. Il se pourrait bien que les investisseurs privés vendent leurs titres pour lever du cash en anticipant leur retour sur le marché des MBS», soulignait hier Derek Halpenny, responsable Europe de la recherche change chez Bank of Tokyo Mitsubishi – UFJ.

Par Alexandre Garabedian – agefi 31/03/2010

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