Emploi, formation, qualification, salaire

La recherche d’une juste imposition pour les managers : ni utilitarisme, ni juste mérite , just la Flat tax

La question de la redistribution des revenus se pose donc avec acuité. Mais le débat se perd souvent dans les eaux nauséabondes de la politique des partis. Il faut donc en premier lieu établir les faits

PLUS DE FLAT TAX EN SUIVANT :

Une écrasante majorité de la population condamne l’étendue des bonus des managers des grands groupes. Dégoûté par ces pratiques, le citoyen risque maintenant d’accepter n’importe quelle initiative populiste pour souligner son désaveu. Cette attitude est compréhensible: ces managers sont gagnants à tous les coups. Les gains potentiels, et maintenant très réels, atteignent des hauteurs telles qu’ils supposent l’accomplissement d’une géniale invention, similaire à l’iPad de Steve Jobs, ou une performance digne de Warren Buffett, le meilleur investisseur de la planète. Mais est-ce un acte génial d’éviter l’aide de l’Etat?

La question des inégalités et de la redistribution se pose donc avec acuité. Le débat risque de se perdre souvent dans les eaux nauséabondes de la politique des partis et de pénaliser tous les citoyens. Il faut donc en premier lieu établir les faits.

L’économiste néokeynésien Gregory Mankiw * publie précisément une étude qui confirme l’explosion des gains tout en haut de l’échelle des revenus. Cela concerne les Etats-Unis, mais devrait être valable ailleurs.

La part des revenus revenant aux membres du Top 1% de l’échelle des revenus (les plus de 400 000 dollars par an) est passée de 10 à 25% en 30 ans. Celle du Top 0,01% (plus de 11 millions) a grimpé de 1% à plus de 6% du total depuis 1973.

L’augmentation des inégalités tient à la course-poursuite que se livrent la technologie et la formation. Le progrès technologique s’est poursuivi au même rythme qu’avant 1973, alors que l’offre de main-d’œuvre très qualifiée s’est ralentie. En 1980, chaque année d’université augmentait le salaire de 7,6% et en 2005 le gain était de 12,9%. Cela explique l’écart croissant entre main-d’œuvre très qualifiée et non qualifiée.

L’envol des revenus des super-riches a d’autres causes. Est-il dû aux impôts?

 Warren Buffett, l’un des Américains les plus riches, s’est plaint de payer un taux d’imposition (17,7%) inférieur à sa réceptionniste (30%).

Le réputé très neutre bureau du Congrès américain (CBO) a montré que les 1% les plus riches paient 31,2% de leurs revenus aux impôts et que les 20% les plus bas paient 4,3% à l’Etat. La courbe de l’imposition réelle est très progressive. Warren Buffett se trompe. Il oublie qu’il gagne une partie considérable de ses revenus sous formes de dividendes (taxés à 15%).

L’origine des revenus s’est d’ailleurs transformée ces dernières décennies. Les très hauts revenus sont moins rémunérés pour leur fortune que pour leur travail. En 1929, le top 0,01% des revenus gagnaient 71% de leurs gains grâce à leur capital. En 2007 ce taux est tombé à 33%. Les managers sont de riches salariés mais de moins en moins des capitalistes. Warren Buffett omet aussi de tenir compte des impôts payés par son entreprise. Or 10% des 31% d’impôts des plus hauts revenus proviennent des taxes que paient leurs entreprises.

Tout ceci, ce sont des faits. La progressivité de l’impôt n’est pas contestable.

 Mais les critères de cette redistribution fiscale sont-ils corrects?

La littérature fiscale a adopté une philosophie purement utilitaire, regrette Mankiw. Elle suppose que non seulement l’individu maximise son utilité, mais que la société choisit un système de transferts qui maximise l’utilité de toute la société. Les hauts revenus paient donc beaucoup plus que les modestes salariés. On sait pourtant que la redistribution comporte un coût en termes d’efficacité économique donc de croissance.

L’emploi de l’utilitarisme est hautement douteux. Avec une imposition progressive, la société se livre à un exercice audacieux de comparaison des utilités des différentes personnes. Or aucun homme de l’Etat ne peut se mettre à la place de l’individu et comparer les utilités. Le «libéralisme autrichien» de Hayek et Mises a clairement démontré cette erreur. Mankiw reprend la critique à son compte et y ajoute des arguments philosophiques.

L’utilitarisme à la base de la redistribution des gains des hauts revenus vers les bas revenus mène à une situation absurde. Si l’on était logique, pourquoi ne verserait-on pas aux pays pauvres tous les impôts récoltés dans un pays riche (Suisse)?

Selon l’utilitarisme, le bien-être de la planète en serait amélioré. Aucun homme politique n’a d’ailleurs fait pareille proposition. Il préfère aider son voisin (qui votera pour moi) qu’une personne éloignée.

Quelle pourrait être l’alternative à cet utilitarisme?

Mankiw avance l’idée du «juste mérite». Chacun serait taxé en fonction de sa contribution à la société. Personne ne reproche à Steve Jobs, le patron d’Apple, de gagner des dizaines de millions. La critique s’adresse plutôt aux gens qui donnent l’impression de manipuler le système. Cette approche «au mérite» aurait l’avantage d’ intégrer la question des externalités. Si un entrepreneur ou un politicien impose une externalité négative au système (pollution, chômage), son revenu est supérieur à sa contribution à la société. Il faut donc accroître son taux d’imposition. A l’inverse, les externalités positives (recherche scientifique) devraient accroître leur revenu. Enfin, les individus qui profitent le plus des biens publics devraient payer un taux d’imposition supérieur. Comme les hauts revenus profitent proportionnellement davantage des activités de l’Etat pour protéger la propriété privée, leurs impôts seraient plus élevés que les autres. Cette approche soutient l’idée d’imposition progressive du revenu.

 Théoriquement attractive, elle pose quantité de questions pratiques. Qui déciderait du niveau des externalités positives ou négatives et du mérite de chacun? Est-ce que le mérite est mesurable? Mieux vaut ne pas y penser. L’approche permet toutefois de sortir d’une discussion utilitariste qui pénalise beaucoup trop l’efficacité économique et considère l’individu comme un numéro.

Le seul atout du système d’imposition progressive est populiste. Il existe toujours une majorité favorable à la discrimination des riches. D’ailleurs ce sont toujours les pauvres qui souffrent des politiques anti-riches.

Sous l’angle à la fois théorique et pratique, le système d’imposition proportionnel (flat tax) lui est largement supérieur. Le scandale des bonus excessifs doit donc être géré autrement qu’en termes de redistribution.

Par Emmanuel Garessus le temps avril10

* Spreading the Wealth Around: Reflections Inspired by Joe the Plumber; Gregory Mankiw, Harvard University, DP 2182, march 2010

EN COMPLEMENTS : Taxer les riches pour financer la santé, l’erreur de Zorrobama (cliquez sur le lien)

Impots : l’hommage de la Slovaquie à la flat tax (cliquez sur le lien)

France : Quelle était la répartition des revenus en 2007 ? (cliquez sur le lien)

Pénurie de main-d’oeuvre qualifiée : En manque d’universitaires, les entreprises suisses recrutent à l’étranger (cliquez sur le lien)

Marché de l’emploi: les Européens encore trop sous-qualifiés (étude) (cliquez sur le lien)

Grande-Bretagne : De très fortes inégalités de revenus (cliquez sur le lien)

2 réponses »

Laisser un commentaire