Le débat que certains en Suisse lancent en faveur d’une adhésion à l’Union européenne arrive au bon moment. Car les failles, voire l’échec de ce projet sont de plus en plus visibles. Mais cela n’empêche pas une confusion majeure des arguments. Pour déplacer un Etat vers un tout autre système, pour lui enlever sa souveraineté, il faut des arguments massue. Mais les arguments invoqués actuellement sont illogiques, de circonstance ou simplement faux.
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Sauver la souveraineté par une adhésion, tel est l’argument des socialistes, de l’ancien secrétaire d’Etat von Däniken et de beaucoup d’autres. Sur le plan logique, on peut le comparer à celui du suicide par peur de la mort. Car les quelques accords, les quelques arrangements techniques que la Suisse reprend de l’Union européenne ne détruisent pas notre souveraineté, ce sont des bagatelles dans ce contexte. Avant-hier encore, on a appris que la Suisse prend les mêmes mesures de sécurité aéroportuaire que les autres Etats européens. Or, c’est une mesure liée à la fonction d’un réseau. Et les réseaux ne fonctionnent que par la généralisation des conditions, avec ou sans l’Union européenne.
Par contre, les vrais domaines de la souveraineté sont la monnaie, les taux d’intérêt, la gestion de la politique économique, scientifique, de recherche, l’imposition, la répartition autonome des compétences entre les unités territoriales, l’organisation du marché du travail, la défense. Une adhésion signifierait abandonner notre propre monnaie, qui nous sert bien en ce moment, doubler les taux hypothécaires et les coûts des loyers, doubler la TVA, rendre rigide le marché du travail au point de provoquer le chômage qui sévit de ce fait en Europe.
Le cas échéant, on devrait imposer, comme en Grèce, et bientôt en Espagne et au Portugal, une férule sévère aux salaires des classes laborieuses – que le programme nouveau du Parti socialiste promet de sécuriser par l’adhésion. Quelle confusion, quel mauvais service rendu à cette classe!
Après la catégorie des arguments illogiques sur l’abandon de la souveraineté, il y a les arguments de circonstance, de simple efficacité. Il y a quinze jours, le professeur Robert Roth admirait ici l’efficacité de la législation européenne. Mais selon le point de vue, elle ressemble plutôt à un rouleau compresseur qui aplanit les diversités locales et nationales. Ceux qui invoquent cet aspect se trompent encore de niveau d’argumentation. La souveraineté n’est pas à mettre sur le même plan que la simple efficacité.
Et puis il y a les arguments faux.
L’argument de l’efficacité peut être aussi rangé dans cette catégorie. Car le programme de «Lisbonne 2000» de l’Union voulait rendre cette dernière efficace à tous les niveaux, proposait de relever le taux d’activité des citoyens, d’augmenter la recherche, de dynamiser le marché du travail, d’augmenter la productivité. Sur tous ces points, l’Union n’a pas réussi, mais la Suisse, elle, remplit ces objectifs à tous les égards. C’est ce qu’on appelle de l’efficacité au niveau macroéconomique, non pas au niveau de la microgestion.
Finalement, la paix. La paix règne en Europe parce que, pour la première fois en 200 ans, l’Allemagne est devenue démocratique. Elle avait lancé les quatre dernières guerres fratricides. Mais en plus, ce n’est pas l’Union européenne en tant que telle qui a maintenu la paix, mais l’OTAN.
Il est faux, et là on touche un point fondamental de la gestion de l’Etat, de bâtir la chose publique sur des concepts visionnaires et non pas générés par l’histoire.
Le sabordage actuel de l’euro prouve la futilité de décisions générales et généreuses prises par les politiciens.
Plus de 60 économistes avaient lancé une protestation solennelle contre la création de l’euro. Celui-ci viole tous les cadres d’une «union monétaire optimale» retenus par la logique, la science économique et le Prix Nobel Robert A. Mundell.
Les pays du Sud européen ne sont pas compétitifs face au Nord et à la Suisse. Les dettes de l’Etat en sont la conséquence. On ne peut pas assainir la zone euro en soutenant les budgets publics de la Grèce, et plus tard de l’Espagne et du Portugal. Il faudrait une déflation brutale interne – au détriment des travailleurs. La zone euro produira les arguments contre elle toute seule, et pendant des années encore.
Par Beat Kappeler le temps avril10
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