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Trappe à Dettes : La menace grecque qui plane sur l’Europe n’est pas encore levée

GRÈCE. Le cas peut sembler mineur. Voire résolu. Mais il risque de miner le moral de toute la zone euro. Avec un grand risque conjoncturel

JEAN-PIERRE BÉGUELIN. Le chef économiste de Pictet & Cie à Genève redoute les effets d’une crise lancinante

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L’inquiétude qui agite les marchés à cause de la dette grecque vous paraît-elle disproportionnée?

En soi, le cas grec peut effectivement sembler mineur, vu les sommes en jeu. C’est en apparence unexemple d’économie surendettée vu et revu des dizaines de fois, mais – et c’est là que le bât blesse particulièrement– c’est une économie qui ne peut dévaluer sa monnaie, puisqu’elle fait partie de la zone euro. Elle cherche donc un prêteur de dernier recours, qu’elle finira bien par trouver. Une intervention du Fonds monétaire international, suivie d’un appui de fonds européens, paraît aujourd’hui assurée.

Pourquoi cette focalisation des marchés sur un cas somme toute mineur?

Le problème pour la Grèce, c’est qu’elle doit en partie trouver un cautionnement européen, mais que les processus de prises de décision en Europe vont à petit pas.

Les crises mettent longtemps à être surmontées, vu le temps nécessaire à la recherche d’un consensus. Pour la première fois – peut-être à l’exception de la crise monétaire qui a suivi mai 68 en France – l’Europe se trouve face à elle-même dans une situation d’urgence. Elle ne peut plus donnerdu temps au temps. Il lui faut agir, et vite.

En est-elle capable?

Les marchés sont déjà en train d’accélérer les choses. Pour les rassurer, les politiciens n’ont guère le choix: ils doivent passer des déclarations d’intention à l’action. Ils on montré hier qu’ils avaient compris que  les opérateurs exigeaient aujourd’hui des actes et non des mots.

Une implosion de la zone euro est-elle envisageable?

Pour tous les pays, sortir de la zone euro coûterait extrêmement cher. Si la Grèce devait choisir cette voie pour pouvoir dévaluer sa monnaie, elle devrait d’abord recréer une devise grecque. Le coût serait particulièrement élevé du côté bancaire, en particulier pour le système des paiements entre les banques.

Puis il faudrait imprimer des nouveaux billets. Et le faire en secret, car au moindre doute, les résidents grecs placeront leurs fonds ailleurs en Europe – ce qu’ils font peut-être déjà en catimini.

Une sortie de l’euro impliquerait l’instauration d’un contrôle des changes du côté grec… Soit une totale violation des règles européennes. Je vous laisse imaginer les conséquences!

Et l’Allemagne?

Elle pourrait évidemment choisir d’abandonner l’euro. Pour elle, les coûts monétaires seraient moindres, mais cela provoquerait un vrai chaos politique en Europe.

Les citoyens allemands le souhaitent- ils? J’en doute un peu.

Quels sont les risques d’une nonrésolution de la crise grecque à moyen terme?

Le premier risque est déjà perceptible:

les marchés financiers pourraient corriger dans les prochaines semaines sous l’effet d’une remontée de la prime de risque.

Mais ce serait un phénomène relativement courant, loin d’être irréversible:

«Sell in May and go away!», dit l’adage. Des prises de bénéfices n’ont en général rien de trop surprenant à ce moment de l’année.

N’y a-t-il aucun motif de se montrer plus inquiet?

Si, car la deuxième conséquence d’un prolongement de la crise grecque est nettement plus préoccupante:

la reprise européenne pourrait être bloquée dans l’oeuf, à un moment où la demande intérieure européenne demeure déprimée, alors qu’aux Etats-Unis la conjoncture montre de vrais signes de redressement et qu’en Chine la croissance paraît solide. Or, la situation grecque va, directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, pousser les gouvernements européens à mener des politique budgétaires trop restrictives et contre-productives en fin de compte. Or, si l’Europe ne repart pas, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui souffrira, ceque les marchés n’aiment évidemment pas.

Faut-il craindre un effet de contagion?

C’est toujours un risque difficile à évaluer, mais on ne peut totalement l’écarter. En Europe, en particulier, il y a des économies plus résistantes, l’Allemagne et sa périphérie, dans laquelle on peut inclure la Suisse; suivies d’économies comme la France et l’Italie qui ont moins de problèmes qu’onne le dit souvent. Enfin, on trouve les pays dits PIGS, qui sont évidement les plus vulnérables.

Peuvent-ils faire défaut?

Ce n’est pas l’unique enjeu. Les commentateurs ont beaucoup évoqué les problèmes d’endettement des PIGS, mais peut-être ont-ils sous-estimé la dépendance de ces économies vis-à-vis de la Grande-Bretagne – à l’exception de la Grèce qui reste un cas à part et bien particulier. Cela va de soipour l’Irlande, mais c’est aussi le cas en Espagne, où les investissements dans l’immobilier ont en partie reposés sur des afflux de fonds britanniques, alors que le Portugal est traditionnellement pris entre l’Espagne et l’Angleterre.

D’où vient le problème?

Du marché des changes: comme la Grande-Bretagne a dévalué la livre, l’Espagne et le Portugal etl’Irlande se trouvent aujourd’hui dans une situation très inconfortable.

Il apparaîtrait ainsi que le flottement de la livre tend à exacerber les défauts de la zone euroen cas de choc externe. L’indépendance monétaire anglaise représenterait une contradiction fondamentale pour l’économie européenne. Cela risque de polluer encore longtemps la gouvernance monétaire du continent.

source agefi avril10

EN COMPLEMENT

GRÈCE: Fitch dégrade encore la note de la dette à long terme

L’agence de notation Fitch a abaissé de deux crans la note de la dette à long terme de la Grèce, deBBB+ à BBB-, invoquant l’accroissement des «défis budgétaires » auxquels le gouvernement grec doit faire face. Fitch avait été la première des agences financières à rétrograder la note de la Grèce, le 8 décembre, donnant le signal d’une crise financière dans laquelle le gouvernement d’Athènes n’a pas cessé de se débattre. «La forte hausse des taux d’intérêt à laquelle doit faire face la Grèce (…) va rendre plus difficile pour le gouvernement d’atteindre son objectif budgétaire de réduction du déficit à 8,7% du PIB cette année », estime l’agence de notation.

Celle-ci estime que dans ces conditions, la Grèce n’a désormais d’autre choix que de réclamer le versement de l’aide financière promise par les Européens.

L’agence va même plus loin en réclamant la mise en oeuvre d’un programme concret par le Fondsmonétaire international (FMI), dont l’entrée en scène jusqu’à présent était limitée au versement de prêts…

source afp avril10

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