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Andréas Hofert : Comment la crise grecque remet en cause l’ensemble de la zone euro

Andréas Hofert : Comment la crise grecque remet en cause l’ensemble de la zone euro

   Les réticences des grands membres à aider la Grèce ont brisé un tabou. Le statut actuel de l’euro ne devrait pas survivre à la crise de la dette.

LA CONSTRUCTION DE L’EURO EST BANCALE. ELLE REPOSE UNIQUEMENT SUR LA GARANTIE IMPLICITE DES GRANDS ETATS VIS-À-VIS DES MEMBRES PÉRIPHÉRIQUES

« Nous vivons les prémices d’une nouvelle crise qui se fera sur les monnaies et les taux d’intérêts « 

Grèce, et l’euro avec, subissaient encore la défiance des marchés hier  . Ils sont pénalisés par la division européenne sur le plan d’aide.

Pendant que les taux grecs s’affichaient en nette hausse, la monnaie unique, elle perdait encore du terrainface aux principales devises.

Pour Andreas Höfert, chef économiste pour UBS Wealth Management & Swiss Bank, la journée d’hier ne constitue qu’un nouvel épisode de la tragédie grecque. Le feuilleton, en revanche, a sans aucun doute brisé un tabou. La garantie des grands états de l’Union vis-à-vis des membres périphériques n’est plus implicite. Si bien que la construction même de la zone euro est aujourd’hui remise en question.

PLUS DE HOLPERT EN SUIVANT :

Pensez-vous que sans l’euro, les monnaies de certains pays de la zone auraient déjà subi des dépréciations ?

L’euro provoque des déséquilibres dans la zone euro, car il empêche les réajustements notamment face à l’Allemagne qui exporte énormément au sein de la zone. S’il y avait encore la Lire italienne, celle-ci devrait probablement se dévaluer d’environ 25% face au Deutsche Mark.

La pression sur l’euro va-t-elle se poursuivre?

Elle va même s’accentuer. L’évolution des taux grecs hier démontre bien que le marché n’est pas convaincu de la réelle volonté des membres de l’Union Européenne de soutenir la Grèce.

Une telle défiance est-elle justifiée?

La pression exercée actuellement sur l’euro est légitime. La crise grecque a brisé un tabou: depuis le début de la devise unique en 1999, les économistes estiment que la construction de l’euro est bancale. A savoir qu’elle repose uniquement sur la garantie implicite des grands Etats vis-à-vis des membres périphériques. Aujourd’hui, les réticences exprimées par les grands membres sur le plan d’aide à la Grèce fait apparaître au grand jour le manque de solidarité au sein du bloc euro.

Quels sont les scénarios possibles?

Mon équipe et moi envisageons et étudions deux hypothèses:

la crise grecque pourrait servir de déclencheur à un rapprochement entre les membres de l’Union et les inciterait à construire une Europe beaucoup plus intégrée, fiscalement notamment. Mais cette possibilité me paraît très utopique.

Et le second, plus plausible?

Celui d’une Europe aux forces centrifuges qui éjectent certains pays périphériques de la zone euro.

Soit parce qu’ils ne répondent plus aux critères d’adhésion. Ou alors parce que eux-mêmes le souhaitent, afin de se soustraire à une politique monétaire menée à l’échelle européenne et qui ne leur convient pas. Les experts économiques ont beau répéter que ce scénario serait catastrophique, les enjeux politiques peuvent très bien l’emporter.

La Grèce songe-t-elle vraiment à sortir de l’euro?

En tout cas, les mesures qu’ils lui sont aujourd’hui imposées sont impossibles à mettre en place. D’autant plus que l’euro est surévalué et que le gouvernement est obligé d’opérer une «dévaluation à l’interne ». Ce qui conduira fatalement à de la déflation, puis à une dépression.

Un pays qui quitterait la zone euro ouvrirait-il la porte à d’autres?

Tout dépend des effets observés sur l’évolution économique et monétaire du membre en question.

Si cela ce passe bien, il pourrait bien en précéder d’autres. Même des pays plus importants économiquement, comme l’Espagne.

Avec quelle influence sur le cours de l’euro?

En premier lieu, l’euro devrait être fortement sous pression. Mais lorsque l’on s’apercevra que l’union monétaire européenne est (re)constituée par moins de membres mais plus solides, la monnaie unique pourrait bien se redresser.

Le marché a-t-il raison de se concentrer surtout sur l’état des finances grecques?

Il a en tout cas raison de se focaliser sur l’endettement des pays de la zone euro. Car ce sont eux qui, dans l’impossibilité de faire fonctionner la planche à billet pour dévaluer leur monnaie, et donc de réduire la valeur de leurs dettes, sont en position délicate.

Le déficit du Royaume-Uni, par exemple, est au moins autant inquiétant que celui de la Grèce.

Mais le pays dispose, lui, de son indépendance monétaire…

A quels niveaux voyez-vous évoluer l’euro prochainement?

Je ne m’aventure pas à donner des prévisions claires. Je m’attends néanmoins à ce que les Etats-Unis, qui cherchent à affaiblir le dollar, ne restent pas sans réagir devant la dépréciation continue de l’euro. Notons toutefois que la monnaie reste encore très forte actuellement. Notamment par rapport à sa moyenne historique (1,19 contre dollar) et à la parité de pouvoir d’achat (1,25).

INTERVIEW: SERVAN PECA agefi avril10

BILLET PRECEDENT : Andreas Hofert :Le défi titanesque de la dette publique (cliquez sur le lien)

COMMENTAIRE DE MARCHE :   : La reprise à l’épreuve des faiblesses d’Etat

 Par Christian Affolter agefi avril10

 L’inflation risque de faire son retour beaucoup plus vite que la faible pression actuelle ne le fait croire, provoqué par les dévaluations de la monnaie pour alléger le fardeau de la dette.

 Il suffit de faire l’état actuel de lieux de l’économie globale pour s’en convaincre. Les résultats 2009 des entreprises ont majoritairement dépassé les attentes. Les commandes enregistrées au début de cette année donnent des signes encourageants. Les rapports constatant que la reprise se trouve désormais sur les rails se multiplient.

Il n’en reste pas moins que les économies des pays développés ne cessent de se rapprocher du point critique déjà pressenti il y a plusieurs mois (sans que personne n’ait trouvé de solution-miracle pour l’éviter). En fait, la reprise doit démontrer sa capacité de résistance face aux ressources décroissantes des gouvernements des pays développés pour soutenir l’activité économique. Néanmoins, la croissance risque de s’essouffler déjà à un moment où d’importants pans de l’économie, l’immobilier aux Etats-Unis en particulier, ont à peine entamé leur cycle de reprise. Le destinataire final des programmes de relance, les entreprises finançant leurs investissements par des prêts bancaires, se voit toujours obligé de se mettre à la recherche d’autres sources de fonds. Car le processus de renforcement du capital propre des banques n’est pas encore terminé. Le consommateur, lui aussi, cherche plutôt à solidifier sa situation financière face à un marché du travail précaire que de faire enfin les achats importants reportés pendant la récession.

Au vu des dangers menaçant la reprise, les autorités semblent se trouver dans l’impossibilité de sortir rapidement de leurs programmes de relance, au point de voir encore leur dette s’alourdir. Attendre jusqu’à pouvoir être certain que le reprise soit autoporteuse, la méthode prônée notamment par le Comité monétaire et financier international, risque d’avoir un prix d’assainissement des finances publiques. Il se paiera par des pertes de points de croissance pendant plusieurs années.Les déficits des pays du G-7 se trouveront à 112,5% du PIB, soit près du niveau record sur 60 ans (115,1%), donc loin de ce qui peut être qualifié de soutenable. Leur diminution s’annonce d’autant plus lente et douloureuse que l’importance actuelle de la charge réduit la marge de manœuvre pour de nouvelles mesures fiscales.

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