Royaume Uni / Impôt », le gros mot de la campagne électorale Par Jonathan Ivinson
Dans la Grande-Bretagne des années 1970, c’est le FMI qui a dû intervenir pour dicter la politique économique à adopter à un gouvernement travailliste en très mauvaise posture. Cette fois, le deus ex machina prendra sans doute la forme des marchés financiers
Il semble que la campagne pour les prochaines élections législatives au Royaume-Uni soit plus axée sur la forme que sur le fond. Certaines sources prévoient d’ores et déjà que le Parti travailliste évoquera certainement le fait que la victoire de David Cameron, leader du Parti conservateur, ramènerait la Grande-Bretagne aux années 80. Ce à quoi les conservateurs répondront, d’un ton accusateur et nébuleux, que treize ans de prépondérance travailliste ont transformé la Grande-Bretagne en une «société brisée».
En principe, cette campagne électorale devrait être articulée principalement autour des questions idéologiques majeures.
La Grande-Bretagne veut-elle être un Etat socialiste aux impôts élevés comme la majorité de ses homologues européens, ou souhaite-t-elle être une société avec un gouvernement aux fonctions réduites et à la fiscalité moins lourde, offrant un environnement intéressant pour les investisseurs étrangers?
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La question qui en découle est la suivante:
Comment la Grande-Bretagne peut-elle ralentir la croissance d’un secteur public qu’elle n’a plus les moyens de financer sans faire appel à des emprunts irresponsables de la part du gouvernement et sans un système de fiscalité spoliant les générateurs de richesse?
Malheureusement, ces débats sont absents de la campagne.
Depuis 1997, les gouvernements travaillistes ont opté pour une redistribution substantielle de la richesse des personnes aux revenus les plus élevés aux ménages gagnant 50 000 livres sterling ou moins. Cette initiative s’est largement traduite par des prestations sociales supplémentaires et des crédits d’impôts. Elle a pu être réalisée principalement grâce à des impôts dont on a peu parlé et à l’utilisation des excédents budgétaires des premières années. Elle s’est également réalisée, plus récemment, par le biais d’emprunts et d’une augmentation spectaculaire des impôts des personnes aux revenus élevés.
Au cours des trois dernières années, les taux d’imposition sur les plus-values ont augmenté de 80% pour la plupart des contribuables, le taux d’imposition le plus élevé est passé cette semaine de 40% à 50% pour les personnes aux revenus élevés et l’assurance nationale va augmenter de 1%.
Ces mesures ont été introduites en partie parce que l’accroissement des dépenses publiques organisé par le gouvernement ne pouvait plus être financé par l’assiette fiscale existante. Le gouvernement voulait également envoyer un message politique clair, tel que cela a été prouvé par la taxe exceptionnelle sur les bonus des banquiers, qui a montré que le populisme facile et le régime fiscal britannique ne faisaient plus qu’un.
Alors que le pays se remet à peine d’une sévère récession, les politiques préconisant une diminution significative des prestations sociales et des services publics, en parallèle à des réductions d’impôts pour les particuliers et les professionnels, reçoivent peu de soutien de la part de l’opinion publique.
Le Parti conservateur s’est toujours montré favorable à une réduction des impôts, pour un modèle social caractérisé par un Etat plus petit, mais il va sans dire que les gouvernements Thatcher des années 1980, lesquelles ont brillé par leur rhétorique radicale, n’ont pas vraiment effectué des réformes importantes dans le secteur public ou le régime fiscal.
En revanche, dans le contexte des prochaines élections, il est peu probable que de telles idées soient abordées par les conservateurs. Dans la mesure où, d’un point de vue économique, un grand nombre d’électeurs dépendent, en quelque sorte, des rentes de l’Etat providence, il devient politiquement très dangereux de suggérer que cette culture de dépendance puisse nécessiter un redressement, à quelque niveau que ce soit.
De facto, l’approche traditionnelle des conservateurs à ce sujet reste très timide. Ils proposent d’inverser l’augmentation prévue de 1% sur les taxes de sécurité sociale, mais uniquement parce que cette augmentation touche beaucoup de familles aux revenus moyens ou modestes.
La réponse du Parti travailliste a été de demander quels services publics devront être réduits pour financer cette modeste réduction fiscale. C’est de cette manière que le débat sera probablement entamé s’il devait avoir lieu; à la moindre suggestion d’une réduction d’impôts, une question serait immédiatement soulevée: quels sont les services publics essentiels qui seront soumis à cette réduction pour financer la baisse des impôts?
Pourtant, le problème de l’assurance nationale n’est pas sans importance. Le Parti travailliste a tenu ses promesses et n’a pas augmenté le taux de base des impôts sur le revenu (bien qu’il ait déjà abandonné le taux le plus bas (10%) qui touche des millions de mal lotis) en faisant gonfler le taux de l’assurance nationale de manière considérable au cours des dernières années. Cet impôt concerne à la fois les employés et les employeurs et, par conséquent, il s’agit du dernier impôt pouvant être augmenté sur le marché du travail de la post-récession.
L’ironie veut que ce débat ne fasse pas partie de la campagne des élections législatives. Celles-ci se déroulent à un moment où les finances publiques de la Grande-Bretagne sont désastreuses. Il était toutefois évident, bien avant la crise financière de 2008-2009, que la Grande-Bretagne n’était plus en mesure de financer son secteur public à moins d’emprunter pour combler les déficits et de taxer les générateurs de richesse à tel point qu’ils risquent de décider d’aller s’enrichir ailleurs.
En Grèce, la réforme structurelle et radicale des dépenses publiques excessives a été uniquement rendue possible par la menace de faillite et sous une pression politique significative de la part de l’Union européenne et des marchés financiers. La réaction de l’opinion publique à ces réformes a pris la forme de grèves massives et d’émeutes dans les rues.
Dans les cas où les électeurs sont trop immatures pour regarder plus loin que le bout de leur nez et où les partis politiques ont peur de mettre en danger leurs propres intérêts pour le bien du pays, ce sont invariablement des entités externes non élues qui finissent par tirer la sonnette d’alarme et qui imposent le changement.
Dans la Grande-Bretagne des années 1970, c’est le Fonds monétaire international qui a dû intervenir pour dicter la politique économique à adopter à un gouvernement travailliste en très mauvaise posture.
Quel que soit le gagnant des élections législatives, il sera probablement soumis au même destin, bien que cette fois, le deus ex machina prendra sans doute la forme des marchés financiers. En tout cas, ce ne sera pas un jour de gloire pour la démocratie britannique.
Par Jonathan Ivinson avocat-fiscaliste chez Hogan & Hartson à Londres et Genève AVRIL10
EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Trappe à Dettes/ dette souveraine britannique : La terreur d’un scénario à la grecque (cliquez sur le lien)
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