Changes et Devises

Trappe à Dettes/ dette souveraine britannique : La terreur d’un scénario à la grecque

 La situation rend une telle hypothèse plausible. Mais les conséquences seraient évidemment sans commune mesure. 

 Le stress souverain grec pesant sur les marchés va certainement trouver une ou plusieurs solutions durant ces prochaines semaines. L’avantage de la Grèce, avouons le, étant que son économie est suffisamment petite pour être aidée à court terme par l’UE et le FMI. Mais qu’adviendrait-il si le risque souverain devait s’étendre au Portugal, à l’Espagne, à l’Italie et surtout au Royaume-Uni?

PLUS/MOINS DE DETTES EN SUIVANT :

a) Une dette abyssale

Pour mémoire, le Royaume-Uni avait fait appel au FMI en 1976 alors que son ratio d’endettement (dette/PIB) était de 45%. Les prévisions du FMI sont de 71% pour 2010 avec un déficit de 12%. La fameuse note souveraine de l’Angleterre pourrait donc rapidement perdre de sa splendeur. On constate dans un premier temps que le Royaume-Uni a moins de facilité à placer sa dette publique à l’étranger, en effet les investisseurs étrangers sont moins friands ces derniers temps d’emprunts d’Etats anglais (GIlts) qu’allemand par exemple (Bunds). Par ailleurs, le ratio dette sur revenu des ménages anglais est de 170% contre 70% pour la zone euro.

WSJ /Marché obligataire européen : L’engouement pour les Bunds pourrait durer (cliquez sur le lien)

 b) Qui va payer

Il y a de grosses incertitudes quant à savoir qui pourrait aider à financer le déficit budgétaire anglais sans l’aide de la banque d’Angleterre (BoE) qui a déjà acheté 220 bl euro de GIlts en 2009 soit l’équivalent du déficit budgétaire de l’an passé. D’autre part, une aide directe du FMI et/ou de l’Union européenne est très improbable, les montants dépassant largement ceux de la Grèce (aujourd’hui 300 milliards d’euro de dette + financement d’environs 100 miliards sur 5 ans + le déficit à payer contre 1000 milliards de livres de dette + financement d’environs 360 milliards sur cinq ans + le déficit à payer pour l’Angleterre).

Selon le directeur général du plus gros fonds obligataire du monde (Pimco), le Royaume Uni est «l’exemple le plus cruel d’exubérance irrationnelle du point de vue d’une économie nationale». C’est donc à des gros problèmes de financement, et c’est peu dire, que fait face l’Angleterre.

New Normal/Pimco : Bill Gross réitère sa mise en garde sur les obligations britanniques (cliquez sur le lien) 

c) La croissance négligée 

En étant peu axé vers l’industrie, le gouvernement anglais a pris le choix de négliger la croissance de ses outils de production pour ne mettre l’accent que sur la finance et les ménages. La période post-élections devrait voir une phase de resserrement budgétaire pour assurer la crédibilité de ses finances publiques. Pari court-termiste qui va aller au détriment de la croissance du pays et risque fort de le plonger à nouveau en récession. 

d) Déprécier la livre sterling? 

Des contraintes budgétaires encore plus drastiques sont inopportunes, comme nous le constatons en Grèce, car le peuple gronde. La solution la «moins pire» pour sortir de la crise fiscale anglaise pourrait être la dépréciation de la monnaie, solution non envisageable pour les pays de la zone euro. L’inflation comme solution est aussi difficile, car il y a surcapacité et absence de crédit. 

Il faut se souvenir que la livre était entrée dans le système monétaire européen (SME) en octobre 1990 avant d’être forcée d’en sortir le 16 septembre 1992. La dépréciation de la livre pourrait être une soupape pour relâcher un peu de pression et serait, en définitive, une solution assez rapide. Il ne faut cependant pas oublier que ceci n’est pas une solution à long terme car l’industrie anglaise est plus axée vers le haut de gamme. 

Il faudra donc surveiller tout particulièrement les premières annonces postélectorales sur les dépenses publiques. Une rechute surprise de l’économie pourrait aussi mettre le feu aux poudres et pousser les agences de notation à baisser leur rating après les avoir mis sous surveillance négative. 

Les atouts très spécifiques et historiques du gouvernement britannique, à savoir une sensibilité aux taux courts et un change flottant pourraient se retourner contre lui au deuxième semestre 2010. Que l’on soit sur une île grecque ou une île britannique les déficits budgétaires et publics seront toujours sur la plage.

John-F. Plassard Exane BNP Paribas Genève mai10

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE :  WSJ : La Banque d’Angleterre prise entre deux feux (cliquez sur le lien)

Keith Joseph, le théoricien du thatchérisme, par Jean-Marc Daniel 

  Les conservateurs britanniques vont peut-être retrouver le pouvoir, après treize ans d’opposition. Ils annoncent une rupture ; mais elle sera, clairement, moins nette que celle de 1979, quand Margaret Thatcher avait pris le pouvoir. Cette rupture-là avait été théorisée après la défaite des conservateurs, en 1974, au sein d’un think tank – the Centre for policy studies – dont le créateur et la tête pensante étaient Keith Sinjohn Joseph.

Keith Joseph était né à Londres le 17 janvier 1918. Son père était un homme d’affaires important qui avait fait fortune dans la construction et l’immobilier. A Oxford, il étudie vaguement le droit et pratique surtout le cricket, ce qui le conduit naturellement au métier d’avocat. Officier d’artillerie pendant la seconde guerre mondiale, il est grièvement blessé en Italie. Il défendra sa vie durant l’idée que tout doit être fait pour éviter la guerre ; devenu député conservateur en 1956, il vote d’ailleurs contre l’expédition de Suez.

Lorsque le 13 juillet 1962, Harold MacMillan (1894-1986), alors premier ministre, renouvelle le gouvernement conservateur, Keith Joseph est promu. Il devient alors une des figures du parti au sein duquel il incarne l’aile libérale, accusant les conservateurs de ne pas remettre en cause, lorsqu’ils accèdent au pouvoir, les mesures prises par les travaillistes.

Lui, propose une politique économique qu’il dit inspirée de Hayek, de Friedman et de l’ordo-libéralisme allemand.

Elle est construite sur quatre principes forts. Et d’abord la privatisation. Celle du secteur public issu des nationalisations travaillistes de la fin des années 1940 a la priorité.

Puis vient la lutte contre l’inflation qui nuit à la croissance économique. Elle nécessite d’équilibrer les finances publiques et de mener une politique monétaire restrictive.

 Le troisième point concerne la promotion du libre-échange, vu comme une tradition de l’économique britannique, à la source de ses meilleures périodes de croissance ; le pays doit développer ses avantages comparatifs et maintenir un taux de change élevé pour réduire le coût des importations.

 Enfin, le but de la politique économique n’est pas le plein-emploi en tant que tel mais la création de richesses.

Après la victoire des conservateurs en 1979, il n’est pas nommé chancelier de l’Echiquier mais ministre de l’industrie. Il joue néanmoins un rôle important de conseiller très écouté de Mme Thatcher – il est, selon les commentateurs, « the power behind the throne » (la puissance derrière le trône). Il défend une politique de hausse des taux pour réduire l’inflation et favoriser l’appréciation de la livre. Aux industriels qu’il reçoit dans le cadre de ses attributions ministérielles, il annonce que la période des dévaluations compétitives est finie. Et quand il change de portefeuille en 1981, il a déjà engagé les privatisations.

Désormais ministre de l’éducation, il propose d’augmenter les droits d’inscription à l’université et de les compenser par l’attribution de bourses et la mise en concurrence des facultés ; mais il rencontre l’opposition de son propre parti. Il quitte le gouvernement en 1986 et ne se représente pas aux élections de 1987. A sa mort, le 10 décembre 1994, Mme Thatcher, à laquelle John Major a succédé en 1990, lui rend hommage, confirmant qu’il avait été, pendant ses années au 10 Downing Street, l’homme clef du thatchérisme.

Jean-Marc Daniel est professeur à l’ESCP-Europe LE MONDE ECONOMIE | 03.05.10

3 réponses »

  1. Plan d’aide à la Grèce : l’Assemblée a adopté le volet français.
    Les députés ont examiné lundi soir le projet de loi de finances rectificative intégrant le prêt de 3,9 milliards d’euros destiné à la Grèce en 2010, et l’ont adopté dans la nuit, mardi à 1h20, par vote à main levée.
    Au total, la France doit prêter 16,8 milliards d’euros sur trois ans, a précisé la ministre de l’Economie Christine Lagarde, qui assistait à la séance.
    Si le prêt à la Grèce portera à 152 milliards d’euros le déficit public prévisionnel fin 2010, selon les prévisions gouvernementales, il ne devrait pas avoir de conséquences fiscales.

    (Dépêche Associated Press)

    J’adore cette dernière phrase : « Si le prêt à la Grèce portera à 152 milliards d’euros le déficit public prévisionnel fin 2010, selon les prévisions gouvernementales, il ne devrait pas avoir de conséquences fiscales… »

    … sauf si la Grèce est incapable de rembourser à la France ces 16 milliards 800 millions d’euros.

    Mon pronostic :

    – La France va prêter à la Grèce 16 milliards 800 millions d’euros.
    – La Grèce sera incapable de les rembourser.
    – Les contribuables français l’auront dans le c…
    – Vous avez aimé les emprunts russes ? Vous adorerez l’emprunt grec.

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