Commentaire de Marché

Konrad Hummler : Il y a de nombreux parallèles entre sauvetages bancaires et sauvetages d’Etats. Et ils envoient toujours de mauvais signaux.

 Konrad Hummler : Il y a de nombreux parallèles entre sauvetages bancaires et sauvetages d’Etats. Et ils envoient toujours de mauvais signaux.

    Les plans de sauvetage envoient de mauvais signaux. Que ce soit dans le cas de Bear Stearns ou de celui de la Grèce. L’associé de la banque privée Wegelin & Co. et auteur du commentaire d’investissement mensuel Konrad Hummler y voit de nombreux parallèles.

Konrad Hummler/Banque Wegelin : Commentaire d’investissement no 269 du 26 mars 10 (cliquez sur le lien)

 Il rappelle que l’absorption de Bear Stearns par JP Morgan a permis aux marchés de croire au «sauvetage» des banques et des créanciers au cours de l’été. Une promesse de garantie généreuse visant à éliminer les risques en tant que tels aurait dû préserver les autres participants au système financier d’une forte hausse des primes de risque. La faillite de Lehman a été une désillusion d’autant plus cruelle. Elle a contraint les Etats à une action de sauvetage explicite, extrêmement coûteuse, et à établir une garantie générale pour tous les créanciers de toutes les banques. Les 110 millions d’euros pour la Grèce cherchent à nouveau à éteindre un feu dès l’apparition des premières flammes, comme le sauvetage de Bear Stearns en mars 2008. L’Italie a le potentiel de devenir le cas «Lehman» du monde souverain. Ni l’euro, ni l’Union européenne n’y survivraient. Au lieu de garantir «l’ingarantissable», il serait préférable de compléter les règles de Maastricht par des dispositions fixant les procédures pour des participants au système euro en défaillance et leurs créanciers

 Michel Juvet : Vers un nouveau Bear Stearns? (cliquez sur le lien)

PLUS DE HUMMLER EN SUIVANT :

Malédiction des garanties sans fin

Le cas de la Grèce montre de manière exemplaire qu’oser sortir de la spirale d’endettement affaiblissant toujours plus d’Etats serait le moindre mal.

Les marchés financiers ont anticipé le fait qu’une solution pour la Grèce n’ira pas sans sacrifices pour les créanciers. Mais un nouveau flot de liquidités laisse espérer que les difficultés finiront par passer. Une recette déjà appliquée tout au long de la crise financière, au cours de laquelle Bear Stearns a donné la première alerte sérieuse. Les autorités de surveillance, les banques centrales et même les concurrents ont préféré le sauvetage de l’établissement, correspondant à un sauvetage des créanciers, respectivement de leurs avoirs.

Michel Juvet : Le plan de sauvetage grec est bon… pour les créanciers (cliquez sur le lien)

Une solution jugée crédible par les marchés, qui ont ainsi passé l’été 2008 dans le calme, avant de tomber en septembre dans une crise nettement plus sérieuse.

La fin de Lehman a conduit le système au bord de l’effondrement, et les mesures de sauvetage pour d’autres banques malmenées comme Citigroup, RBS, UBS ou la majorité des banques des Länder allemands ont coûté à la plupart des budgets de l’Etat au total entre 1000 et 2000 milliards de dollars. Les experts sont aujourd’hui plutôt unanimes: la faillite de Bear Stearns aurait été une meilleure solution. Elle aurait envoyé le bon signal au bon moment au marché: il n’y a pas de garantie de remboursement pour le créancier. On a préféré faire comprendre qu’un défaut total ou partiel sera complètement improbable, pour finalement choisir la mauvaise cible, Lehman, pour statuer l’exemple. Cette faillite a contraint à établir une garantie générale à tous les créanciers de toutes les banques avec des ressources financières publiques.

Mais ce qui a fonctionné tant bien que mal pour le système financier, avec des conséquences désastreuses pour les finances publiques, ne devrait plus s’appliquer de la même manière pour les débiteurs étatiques. Ce qui manque, c’est le créancier de dernier recours, aux capacités de supporter des charges sans limites. Ce constat a amené les marchés financiers à anticiper une restructuration de la dette (haircut), voire pire. Les hausses de rendement malgré l’annonce de plans de sauvetage ne peuvent pas s’expliquer autrement.

Certes, l’impact d’un haircut risque de s’étendre sur la dette d’autres pays au bilan peu solide, avec des conséquences substantielles.

On pourrait même argumenter qu’il aurait le potentiel de plonger l’Europe à nouveau dans une récession et d’ainsi la faire perdre prise avec l’économie mondiale.

Mais cette solution a également des avantages manifestes. L’abaissement de la montagne de dette donne une chance réelle aux pays concernés de s’en sortir en prenant des mesures crédibles, la symétrie des sacrifices rend les réformes moins dramatiques, améliorant les chances de leur mise en oeuvre. La co-responsabilité des créanciers correspond également à la logique du marché.

Pourquoi le créancier au courant de la disposition des critères de Maastricht interdisant les opérations de sauvetage de pays membres devrait-il être récompensé par un sauvetage? La possibilité devenue réelle d’un haircut, voire d’une faillite d’un budget d’Etat amènerait également des primes de risques conformes au marché au sein de la zone euro. Ce qui a l’avantage de récompenser les Etats au bilan sain.

Car qui sauvera les sauveteurs?

Le danger que le doute s’installe par rapport à la capacité d’assainir des Etats surendettés après le flux de milliards au bénéfice de la Grèce est manifeste. L’Italie a ainsi le potentiel de devenir le Lehman du monde étatique.

La comparaison entre Bear Stearns et la Grèce ne relève certainement pas du hasard, car le même déficit structurel ayant conduit à des problèmes difficiles, voire désastreux, semble les soustendre.

Au cumul de garanties supposées ou réelles s’est ajouté un autre élément, une sorte de garantie systémique, stipulant un environnement liquide dans pratiquement toutes les ramifications de l’univers financier moderne avec tous ses dérivés. Est liquide ce qui est qualifié comme tel, et cet attribut provient du fait que c’est liquide.

La garantie systémique était sans contenu, et elle l’est toujours.

Les technocrates perfectionneurs du système cherchant à établir une absence totale d’accident, à anéantir les risques, se trouvent sur la mauvaise voie. Même le concept le plus ingénieux n’arrive pas à couvrir toutes les éventualités.

Il est impossible de connaître la nature des placements d’un nouveau fonds de couverture des risques permettant de garantir qu’ils conservent leur valeur même dans des cas extrêmes. Finalement, les primes de risque inexistantes créent des distorsions au sein des marchés – les incitations pour les débiteurs comme les créanciers ayant conduit aux exagérations déclenchant la crise.

Un marché fonctionne bien lorsque le dénouement des risques est organisé de manière à ne toucher que ceux qui les ont créés.

Le régime favorisant des débiteurs à faibles structures et des créanciers lâches – les uns sauvés sans cesse, les autres au bénéfice d’une protection de déposant permanente – pénalise celui motivé par sa performance. Mais l’Europe est un continent de prétentions envers le collectif, qui sont même devenu sa religion de remplacement.

Avec une mentalité pareille, elle ne peut pas affronter la concurrence globale.

La Grèce aurait été une bonne occasion de se libérer de la malédiction des garanties à des conditions qui restent relativement favorables. Cela viendra certainement plus tard, mais cela coûtera plus cher. (Traduction/adaptation CA).

KONRAD HUMMLER Associé de la banque privée Wegelin & Co. mai10

BILLET PRECEDENT : Konrad Hummler : ses scénarios pour 2010 (cliquez sur le lien)

  

EN LIENS : Evolution des prix des CDS de quelques quelques pays Européens à risques (Grece, Portugal, Espagne , Royaume Uni  ) + classement CDS au niveau mondial

source :  http://ftalphaville.ft.com/blog/2010/05/05/220716/cds-report-not-just-academic/ (cliquez sur le lien)

source : http://www.bespokeinvest.com/thinkbig/2010/5/4/sovereign-debt-default-risk.html (cliquez sur le lien)

 EN COMPLEMENT : 

É-U: le Sénat dit non au sauvetage des banques par l’État

Le Sénat américain a adopté mercredi un amendement au projet de loi de réforme de la régulation financière, excluant les sauvetages de banques de Wall Street aux frais des contribuables comme ceux effectués lors de la crise de l’automne 2008. 

Les élus de la chambre haute ont approuvé ce premier amendement au projet de loi par 96 voix contre une. 

La mesure vise à interdire les sauvetages de banques jugées trop grandes pour faire faillite («too big to fail») qui auraient pu prétendre à des fonds publics en cas de difficulté, en raison de l’impact de leur possible faillite sur l’économie. 

Les sénateurs devaient également se prononcer sur une autre mesure pour la «liquidation ordonnée» des institutions financières qui ne peuvent se maintenir. 

Le sénateur démocrate Chris Dodd, président de la commission Bancaire, a annoncé un peu plus tôt dans la journée qu’il était parvenu à un accord avec le républicain Richard Shelby sur cette mesure. 

M. Dodd a indiqué qu’il avait donné son accord pour retirer du texte la création d’un fonds de 50 milliards de dollars, «prépayé» par les banques et qui serait utilisé en cas de difficulté. Ce projet avait été fortement décrié par les républicains. 

source afp mai10

5 réponses »

  1. Tout va très bien, madame la Marquise.

    La Bourse de New York chutait jeudi après-midi, le mouvement de baisse sur fond d’inquiétudes pour les dettes souveraines en Europe s’étant brusquement accéléré : le Dow Jones perdait 4,49 % et le Nasdaq 4,47 %.

    “C’est une panique boursière”, a constaté Gregori Volokhine, de Meeschaert New York.

    http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=9de1b7bb1c5150ffcd8a20b1001f7e81

  2. Wall Street finit en forte baisse après un mouvement de panique.

    La Bourse de New York a fini en nette baisse jeudi face aux craintes sur les dettes européennes, après un accès de panique qui a donné lieu à une dégringolade historique du Dow Jones : l’indice a finalement abandonné 3,27 % et le Nasdaq 3,43 %, selon des chiffres provisoires.

    http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=9de1b7bb1c5150ffcd8a20b1001f7e81

Laisser un commentaire