Déflation

Nicolas Baverez : D’Athènes à Paris

 D’Athènes à Paris, par Nicolas Baverez

  La crise grecque constitue la pointe émergée de problèmes plus vastes. La montée des risques souverains affecte tous les pays développés, qui n’ont enrayé en 2009 la menace d’une déflation mondiale qu’au prix d’une hausse moyenne de leur dette publique de 40 % du produit intérieur brut (PIB) : l’effondrement de la Grèce rappelle que la maxime selon laquelle un Etat ne peut faire faillite relève de la chimère intellectuelle.

Jean Pierre Petit : Le déclin économique de l’UE (I) (cliquez sur le lien)

Jean Pierre Petit : Le déclin économique de l’UE (II) (cliquez sur le lien)

PLUS DE DECLIN EUROPEEN EN SUIVANT :

La crise de liquidité se double d’une crise de solvabilité, et renvoie donc à la nécessité d’adapter les modèles économiques des pays du Nord à la mondialisation. Les difficultés se concentrent en Europe, qui cumule surendettement, vieillissement démographique (particulièrement préoccupant au regard d’engagements de retraite atteignant 440 % du PIB), faiblesse de la croissance potentielle, importance du chômage structurel, surévaluation de l’euro enfin.

Comme le soulignait l’économiste Jacques Rueff (1896-1978), il n’y a pas de déficits et de dettes publics sans pleurs.

Ils appauvrissent l’Etat et les citoyens.

Ils bloquent la croissance, qui est quatre fois inférieure dans les pays dont la dette dépasse 90 % du PIB que dans ceux où elle est inférieure à 30 %.

 Ils privent la politique économique de marge de manoeuvre.

Ils remettent en question l’indépendance des nations.

Les pays européens les plus fragiles ne s’y sont pas trompés, qui ont engagé des plans de rigueur massifs : coupe de 50 milliards d’euros des dépenses publiques en Espagne ; gel du salaire des fonctionnaires, hausse des impôts et privatisations au Portugal ; plans d’austérité diminuant prestations sociales et salaires des fonctionnaires en Irlande.

La France est très vulnérable.

Jean Pierre Petit : Trappe à Dettes / Au tour de la France (cliquez sur le lien)

Sa dette publique approchera 100 % du PIB en 2012, avec un déficit structurel (6,2 % du PIB), des dépenses (56 % du PIB) et des prélèvements (47 % du PIB) record. Son modèle repose sur le seul moteur d’une consommation alimentée par les transferts sociaux (35 % du PIB), et donc financée par la dette publique, ce qui va de pair avec la faiblesse des gains de productivité (0,7 %) et de la croissance potentielle (1 %), comme avec le niveau élevé du chômage.

Tous ces traits rapprochent la France de la Grèce et soulignent l’urgence d’une stabilisation de sa dette sauf, comme en 1983, à la voir menacée d’une intervention du Fonds monétaire international (FMI). L’inaction de la France en matière de désendettement public ne serait pas moins irresponsable et coûteuse que le retard de l’Europe pour traiter la crise financière de la Grèce.

La France peut s’inspirer des réformes du Canada (dette en baisse de 38 points de PIB de 1996 à 2007), de l’Australie (- 28 points de 1995 à 2008) ou de la Suède (- 36 points de 1996 à 2007).

Nicolas Baverez est économiste et historien

LE MONDE ECONOMIE | 10.05.10 |

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