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Nicolas Baverez /Retraites/France : l’état d’alerte

Nicolas Baverez  /France/Retraites : l’état d’alerte

  Comment sauver notre système de retraite ? Quelle urgence ? Quelles réformes ? Quelles nouvelles ressources ? Entretien avec Nicolas Baverez

Douce France : La retraite à 63 ans avec 45 ans de cotisation couvrent la moitié du déficit de 2050 (cliquez sur le lien)

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Le Nouvel Observateur/FranceCulture. Le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) estime entre 40 et 49 milliards le trou à combler en 2020, puis entre 72 et 115 milliards en 2050, ce qui ferait s’écrouler notre système s’il était maintenu en l’état. Ces scénarios sont basés sur des prévisions de taux de chômage qui varient entre 4,5% et 7%. Sachant que le COR se fonde sur une prévision d’augmentation de la productivité entre 1,5% et 1,8% par an, souscrivez-vous à ces sombres prévisions ?

Nicolas Baverez. – Le rapport du COR repose sur un point fixe qui constitue une excellente nouvelle : la démographie, clé décisive pour les retraites. L’espérance de vie augmentera jusqu’à 84 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes en 2050. Le vieillissement entraîne cependant une difficulté majeure : il y avait 4 actifs pour 1 retraité en 1960 ; il y en a 1,8 aujourd’hui ; il y en aura 1,2 en 2050.

Deuxième certitude : le déficit s’élève à 32 milliards d’euros en 2010, donc 10% du montant des retraites. Et ça, c’est insupportable, parce que la survie de la répartition a pour condition l’équilibre entre les cotisations perçues et les pensions versées. Le déséquilibre, c’est la spoliation des générations futures.
Les projections économiques du COR sur le chômage et la productivité, elles, ne relèvent plus de la certitude. Elles sont organisées autour de deux indicateurs : le taux de chômage et les gains de productivité. Les deux scénarios retenus pour le chômage – taux de 4,5% à 7% – sont nettement optimistes : il faut remonter à 1977 pour trouver un chômage de 4,5%. Au cours des trente dernières années, le chômage en France a été en moyenne supérieur à 8,5% de la population active.
Pour les gains de productivité ont été choisies deux hypothèses de 1,5% et 1,8%. Or ils ont diminué de 3,1% dans les années 1980 à 0,7% par an au cours des dernières années. C’est deux fois moins que l’hypothèse basse du COR, qui là encore n’est en rien catastrophiste.
La réforme des retraites est donc urgente. D’abord parce qu’un système de répartition est insoutenable avec 32 milliards d’euros de déficit : les Allemands l’ont compris dont le système de retraite, comparable au nôtre, est à l’équilibre. Ensuite parce qu’il faut tenir compte de la crise des risques souverains qui est partie de Grèce mais qui touche toute l’Europe. Les engagements de retraite (l’ensemble des droits accordés) représentent 550% du PIB en France, nettement moins qu’en Grèce (875% du PIB) mais nettement plus que la moyenne de l’Union (440% du PIB). La France n’est pas dans la situation de la Grèce, mais se trouve sur la même trajectoire si elle ne parvient pas à reprendre le contrôle d’une dette qui approchera 100% du PIB en 2012 et dépassera 120% du PIB dans la décennie en l’absence de réformes.

N. O./F.-C.Quels sont pour vous les meilleurs moyens de réformer le système de retraite et sur quels leviers faut-il agir prioritairement ?

N. Baverez. – La répartition ne peut servir de boussole que si le système s’équilibre. Aujourd’hui les retraites représentent en France 12,8% du PIB, soit beaucoup plus que dans les pays développés, en Suède par exemple où elles absorbent 7,7% du PIB.

 A l’intérieur du système actuel, il existe trois leviers : le niveau des pensions ; l’âge légal et la durée de cotisation ; le niveau des cotisations. Qui n’est pas de 25% mais de 29% du salaire. Ensuite, on peut envisager des réformes du système : basculement vers la retraite par points ; fusion des régimes du privé et de la fonction publique, du régime général et des retraites complémentaires. En Europe se sont succédé trois âges de réforme des systèmes de retraite. Dans les années 1970 et 1980, le choix fut d’augmenter les taux de cotisation, ce qui a provoqué une hausse du chômage et de l’exclusion, et de multiplier des mesures très coûteuses de préretraite. Dans les années 1990, on a privilégié le rééquilibrage et un lien plus direct entre les cotisations et les droits ouverts. Et puis, dans les années 2000, se sont imposées les réformes de structure. L’exemple allemand est très révélateur. En 2001, avec l’Agenda 2010 et les réformes Harz, le taux de remplacement a été diminué de 70% à 67%. En 2005, les Allemands ont fusionné toutes leurs caisses de retraite, y compris les régimes spéciaux. En 2009, a été décidé le report de l’âge légal de 65 à 67 ans. De cette histoire et de ces comparaisons émergent deux leçons. Il n’y a pas de Grand Soir des retraites, qui ne peuvent se réformer que de manière progressive. Il convient de jouer sur de multiples leviers.
Premier levier : le niveau des pensions. La France reste le seul pays développé où un retraité dispose d’un niveau de vie supérieur de 4% à celui d’un actif et où le revenu mensuel moyen d’un retraité est supérieur de 10% à celui d’un actif. Le taux de pauvreté atteint 4% pour les plus de 65 ans mais 20% pour les jeunes, qui subissent par ailleurs un taux de chômage de plus de 25%. Il est donc légitime de s’interroger sur le niveau des pensions, qui fait l’objet pour l’instant d’un tabou.
Deuxième levier : l’âge légal et la durée de cotisation. Partout en Europe et dans le monde développé, l’âge légal est compris entre 65 et 67 ans. La première mesure du plan d’ajustement grec porte d’ailleurs sur le report d’ici à 2015 de l’âge minimum de la retraite à 60 ans et de l’âge légal à 65 ans avec la nécessité de 40 annuités. A fortiori si l’on décide de ne pas toucher au niveau des pensions, il n’y a pas d’alternative au relèvement de l’âge légal et de la durée de cotisation.

 Troisième levier : la hausse des cotisations ou des impôts sur laquelle il convient de faire preuve d’une grande prudence. Les cotisations représentent 29% des salaires contre 18,5% en Grèce et 19,1% en Allemagne : toute augmentation joue contre l’emploi. Le déficit de 32 milliards est hors de proportion avec les recettes de l’impôt sur le revenu (50 milliards), a fortiori avec le bouclier fiscal (600 millions) et les éventuelles hausses d’impôts devront être affectées en priorité au désendettement.

Un autre levier doit être actionné : une politique active d’emploi des seniors (taux d’emploi de 38% en France, contre 70% en Suède, 62% aux Etats-Unis et 54% en Allemagne).

N. O./F.-C.– Il existe de fortes inégalités entre catégories de retraités. La pension des retraités de la fonction publique est calculée sur la base des six derniers mois de leur carrière, celle des salariés du privé sur leurs meilleures vingt-cinq années. Les retraités du privé demeurent pénalisés plus lourdement que ceux du public pour carrière incomplète, alors même qu’ils sont exposés au chômage, pas ceux du public.

 
N. Baverez.Le sociologue Gosta Esping-Andersen a dressé une typologie des Etats-providence : les libéraux qui privilégient la capitalisation en matière de retraites ; les sociaux-démocrates dont le principe est l’universalité et un financement largement assis sur l’impôt ; et puis les systèmes corporatistes, notamment en France et en Allemagne, qui sont fondés sur des statuts, financés par des cotisations et cogérés par les syndicats. Les systèmes corporatistes sont les plus difficiles à réformer, compte tenu de leur opacité, du poids des droits acquis, des intérêts et des lobbies professionnels. De plus ils sont souvent très inégalitaires, car construits autour des statuts et non de l’emploi.

 L’inégalité la plus évidente se situe entre secteur public et privé. Le taux de remplacement dans le secteur public est de 69%, contre 52% pour un cadre du privé. Et il est faux de dire que les primes ne sont pas intégrées dans le calcul des retraites du public, car les exceptions se sont multipliées au fil des ans. Enfin, les régimes spéciaux survivent, avec par exemple des cheminots prenant leur retraite à 52 ans et demi. A cela vient s’ajouter une inégalité plus fondamentale liée à l’espérance de vie, très supérieure pour les fonctionnaires. Les salariés du privé cotisent plus, pour des retraites inférieures et une durée de vie plus courte. Une autre source d’inégalité existe entre les actifs et les retraités, dont le niveau de vie est supérieur à celui des actifs. Le principal déséquilibre concerne les transferts entre générations, puisque la dette reporte sur des jeunes, moins nombreux et probablement moins riches, le coût des pensions d’aujourd’hui. Nous les plaçons dans la situation intenable de devoir payer trois fois : au titre de la répartition ; de la dette accumulée pour les pensions du passé ; de l’épargne qu’ils devront constituer face à la faillite du système.

N. O./F.-C.Le fait de financer les retraites par l’endettement fait peser une charge indue sur les générations futures. Allonger la durée de cotisation, est-ce légitime dans un pays comme la France où le marché du travail est organisé de manière à en exclure à la fois les moins de 25 ans et les moins de 55 ? Ne faudrait-il pas commencer par essayer d’inciter les employeurs à embaucher des seniors ?

N. Baverez. – L’emploi des seniors s’inscrit dans la sortie de la société industrielle et des Trente Glorieuses qui voyaient se succéder trois âges de la vie bien dessinés : formation ; emploi à temps plein et à vie ; retraite. Aujourd’hui, la vie est beaucoup plus longue et ces trois âges s’entremêlent. D’où la hausse nette de l’emploi des seniors qui va de pair avec celle de l’espérance de vie et avec le relèvement de l’âge de départ à la retraite. En France, depuis les réformes de 2003 qui ont augmenté le nombre d’annuités nécessaires, l’âge effectif de départ dans le secteur privé s’est élevé pour atteindre 61,8 ans. La meilleure manière de faire travailler les seniors consiste donc à augmenter l’âge de départ à la retraite. Avec comme condition un accompagnement par de fortes politiques de formation favorisant la reconversion dans des deuxième ou troisième carrières, car l’emploi qu’on exerce après 60 ans est différent de celui qu’on occupe à 30 ans. La Finlande a ainsi réussi à améliorer de 35% à 53% le taux d’emploi de ses seniors en dix ans, ce qui montre que cela est parfaitement possible. On touche là au coeur de la réforme des retraites, qui se trouve au croisement de l’indispensable maîtrise de la dette publique et du redressement de la compétitivité de la France.

Gilles Anquetil, François Armanet mai10

Nicolas Baverez

Avocat, essayiste, Nicolas Baverez est éditorialiste au « Point» et chroniqueur au «Monde». Il a publié de nombreux ouvrages dont « la France qui tombe. Un constat clinique du déclin français» et « En route vers l’inconnu ». Dernier ouvrage paru : « Après le déluge. La grande crise de la mondialisation » (les trois chez Perrin).

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2 réponses »

  1. Cher Nicola speculer sur la retraite en 2050
    dans 100ans nous sommes tous mort dissait Keyns ,le seul chose sensé,bien qu’il a dit dans le style lapalice.
    Dans 40 ans bon les jeunes seront encore là.
    Parler des retraits dans l’an 2050.
    Je suis venu en France en 1964 en somme pour apprendre un peu de français vu que je n’avais aucun aptitude de apprendre les langues autre que au pays même.
    7 mois en RFA (pour mon école d’ingénieur de Haarlem) l’allemand ne faisait plus de mystères.
    Pourquoi pas la même chose en France.
    Visiblement les choses ne sont pas aussi évidentes vu que je suis toujours là.
    Mon stage en RFA, m’avais laissé une impression impérissable.
    L’arrivé sur de chantiers d’ascenseurs Roux- Combaluzier Ascenseurs, pour construire des ZAC et des ZUP à Rosny sous bois je pensais d’être débarqué sur la lune.
    Bon la comparaison n’est pas justifiée entre l’industrie de machines d’imprimerie et le chantier de construction.
    46 ans plus tard je constat que rien n’a changé.
    L’Allemagne a un excédent commercial de 200 Milliards la France un déficit de 80 Milliards différentielle de 280 M en 2008
    Quand on parle de 2050 donc dans 40 ans ça fait €11200,- d’écart.
    J’aurais 107 ans pourquoi pas, ma voisine vient de mourir à 104 après un casse se fémur et malgré la réparation la médecine est venu au bout avec les antidouleurs style morphine vu son euphorie quelques heures avant sa départ définitif.
    Pas de problème nous serions sous les bottes des allemands et hollandais ou autres anglo-saxons
    Parce que avec un tel écart on peu acheter tout la France et de Navarre
    Et notre retrait sera comme pour eux, 67 ans ou même plus.
    Parce que il n’est pas pensable que le Grecs partent à 55ans les français à 57 et les Boches à 67 sans compter les 35 heures et autres délisses syndicales.
    En fin il vaut mieux avoir les Schleus ou Dutch chez soi que d’autres envahisseurs tiers-mondistes et islamisé.
    La France est en grand parti construit par des Francs, Visigoths, Vandales et autres Allemands, vikings. En somme des germains.
    Visiblement leurs descendants vont rencontrer des problèmes avec leurs ascendants.
    Carel Wijngaards

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