Commentaire de Marché

Philippe Simonnot : L’égout monétaire collecteur

Philippe Simonnot : L’égout monétaire collecteur

  La monnaie européenne est cette fois vouée à l’inflation. A coup sûr. Faute de porte de sortie prévue pour les pays membres.

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En acceptant le 10 mai de faire ce qu’il avait toujours refusé de faire, monétiser les dettes publiques d’Etats impécunieux, Jean-Claude Trichet a signé la mort de l’euro, ou du moins de l’euro dont il rêvait, c’est-à-dire une monnaie à peu près digne de ce nom et indépendante des pouvoirs politiques. Le gouverneur de la Banque centrale européenne ressemble aujourd’hui à la chèvre de M. Séguin. Il a résisté toute la nuit avec moult gémissements pour à la fin tendre son coup à la dent du grand méchant loup. Toute une carrière glorieuse couronnée par un renoncement en rase campagne. Et voici l’euro devenu égout collecteur de papiers d’Etat bons à mettre au cabinet, comme on disait au Grand Siècle.

Faut-il qu’ils aient eu peur, les eurocrates qui nous gouvernent? Faut-ils qu’ils aient frissonné d’angoisse, les banquiers qui ont avalé des obligations de réputation si certaine ? Et bien sûr, ils pourront toujours dire qu’on les y a forcés. Derrière le quasi-défaut de la Grèce, se profilaient l’Espagne et le Portugal. «Too big, too fail». C’est le raisonnement qui a été appliqué jusqu’à maintenant aux banques. On aurait bien laissé tomber la Grèce si dans sa chute elle ne risquait pas d’entrainer la Péninsule Ibérique. Et pourquoi pas la France ? Des Etats trop gros pour cesser leurs paiements. Rétrospectivement, au vu des mesures «historiques» qui ont été prises sous la pression de Nicolas Sarkozy, on se dit que le risque de contagion jusqu’à nous était bien réel en dépit des démentis officiels, et que la «note» de la France sur les marchés financiers était réellement dégradable.

Dès sa naissance, et avant même sa naissance, l’euro a été frappé d’irréversibilité. On avait tellement peur que tel ou tel pays participant à cette aventure veuille en sortir que l’on exigeait de chacun, à chaque étape, des engagements irrévocables. Et donc, pas de porte de sortie, non plus, une fois que la nouvelle monnaie serait lancée, dont on attendait tant de merveilles économiques et financières, sinon politiques. Les fabricants de cette monnaie ô combien artificielle sont pris au piège de leur propre ruse. Et donc obligés à une fuite en avant. Et nous avec eux. Pauvres de nous.

Une fois encore, et ce n’est pas le moins scandaleux de cette affaire, la finance exulte. Une fois encore, des banques ont été sauvées qui ne méritaient pas de l’être. Une fois encore, l’exubérance irrationnelle des marchés a été rationalisée, après coup, par les banques centrales et les gouvernements qui agissent derrière elles. Une fois encore, l’irresponsabilité a payé.

L’euro est mort. Vive l’euro, c’est-à-dire une monnaie désormais vouée à l’inflation, seule façon dont les Etats remboursent leurs dettes quand ils ne peuvent plus lever d’impôts ou d’emprunts supplémentaires. L’ « euthanasie « du rentier par la hausse des prix et la baisse de la valeur réelle des retraites, on a déjà vu cela. Le problème, c’est que le rentier vit aujourd’hui plus longtemps qu’il y a un siècle et qu’il sera plus difficile à éliminer.

Philippe Simonnot Atelier de l’Economie contemporaine mai10

EN COMPLEMENTLa BCE, banque poubelle?

La banque centrale européenne vient de racheter pour 16,5 milliards d’euros d’obligations d’Etat. C’est peu au regard des 2.000 milliards de son bilan, mais ce n’est qu’un début… Et à elle seule, la dette grecque pèse 300 milliards….

Les rachats d’obligations de pays de la zone euro en difficulté vont-ils transformer la Banque centrale européenne (BCE) en « bad bank », une banque poubelle? 

Pour plusieurs économistes, dont l’influent Chief Economist de la Deutsche Bank, ce risque est bien réel. « Le marché craint que la BCE ne soit utilisée comme bassin de décantation et que son bilan ne se détériore car certains des États dont la BCE achète actuellement des obligations peuvent faire faillite, malgré le soutien qu’on leur apporte« , avertit Thomas Mayer dans un entretien publié hier dans le quotidien Franfurter Allgemeine Zeitung.

La BCE a acheté la semaine dernière pour 16,5 milliards d’euros d’obligations, un montant très limité au regard des 2.000 milliards que représente l’ensemble de son bilan. Mais ces rachats ne font que commencer et la banque centrale ne s’est fixé officiellement aucun plafond en la matière.

Des achats d’emprunts massifs exposeraient la BCE à un défaut ou une restructuration de la dette grecque qui représente 300 milliards d’euros. Dans l’hypothèse, qui n’est toujours pas définitivement écartée, d’une restructuration, les pertes auxquelles s’exposeraient les banques centrales de la zone euro seraient donc bien supérieures aux 5,7 milliards d’euros que leur ont coûtés la faillite de Lehman Brothers. Il faudrait alors que les Etats de la zone euro – et les contribuables – épongent les pertes si les réserves des banques centrales s’avéraient insuffisantes…

Un scénario extrême qui peut être évité si les rachats d’emprunts « toxiques » restent limités en volume et dans le temps, comme le suggère Thomas Mayer.

C.M. echo mai10

  Commentaire du WOLF : La banque centrale a joint le geste à la parole, en forme de doigt du déshonneur,  en commençant à acheter lundi passé des emprunts grecs, portugais, irlandais et espagnols. On évoque généralement des achats se chiffrant à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Il est à souligner que ces acquisitions sur le marché secondaire constituent un subside supplémentaire pour l’industrie bancaire qui achète à prix cassé aux investisseurs ce qu’elle peut revendre à prix fort à la BCE (via la Bundesbank, la Banque de France, etc.). La BCE n’estévidemment pas dupe, mais elle espère ainsi normaliser le marché de la dette gouvernementale. Moralité : A la table de la dette , quand c’est le Bankster qui régale c’est le contribuable qui trinque…. 

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : La solution de l’inflation, ou la politique champagne! (SUR LEXCELLENT BLOG ICONOMIE) (cliquez sur le lien)

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