Agences de Notation

Nos dirigeants politiques européens, ces «junk bonds» en puissance

Ne cherchez plus à comprendre pourquoi, à chaque crise financière, nos dirigeants politiques s’empressent de jeter à la vindicte populaire les très décriées agences de notation !

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Il est vrai que ces instituts spécialisés dans l’évaluation financière de la qualité de crédit des émetteurs de dettes, qu’elles soient souveraines ou corporate (émises par des entreprises), sont loin d’être irréprochables en termes d’anticipation ou de réactivité. Mais faut-il pour autant les tenir pour responsables de tous nos maux, et leur reprocher leur incapacité, en 2000, face au mur de la dette dressé sur fond de bulle Internet, en 2007, face à l’empilement d’actifs dits toxiques dans les bilans bancaires et, en 2009, devant des comptes publics grecs ou ibériques, en capilotade sinon falsifiés, à alerter à temps. Il est vrai qu’il y a de quoi s’étonner aussi, dès lors que l’on découvre contre toute attente qu’un émetteur est au bord du gouffre, de les voir sans le moindre état d’ me tirer sur l’ambulance et dégrader sans ménagement le moribond comme pour lui faire définitivement rendre gorge.

Mais crier au loup avec les politiques pour dire qu’il est désormais urgent de les mettre définitivement hors d’état de nuire sous prétexte qu’elles jouent les pompiers pyromanes au plus fort des crises est un peu trop facile aussi. Pourtant, nos dirigeants politiques européens à l’unisson ont tous cédé à cette facilité.

Pourquoi??

Sans doute par peur de se retrouver un jour, à leur tour, notés sans concession sur le crédit politique qu’ils inspirent non pas au citoyen ou à leur propre électorat, mais à une agence d’évaluation digne de ce nom et faisant, comme pour la notation financière, autorité en la matière.

Par les temps qui courent, on ne donnerait à l’évidence pas plus cher de la note du Premier ministre grec, Georges Papandréou, que de celle de la chancelière allemande, Angela Merkel, voire du président Nicolas Sarkozy. Le premier, pour avoir tenté de masquer l’état de ses finances publiques, est totalement démonétisé aux yeux de la planète financière. Aussi, dans l’échelle de la notation des agences, aurait-il été depuis bien longtemps ravalé au rang de junk bond, ou «?obligation pourrie?», avec une note tombée non pas en deçà de BBB– chez Standard & Poor’s et Fitch ou à Baa3 chez Moody’s, mais tout simplement à D, c’est-à-dire en défaut pour tromperie de son opinion publique et de ses partenaires de l’Union européenne.

Quant à M me  Merkel, après avoir été placée depuis des mois sous surveillance par les agences pour son incapacité à jouer la carte de la solidarité avec les canards boiteux de l’Union et à mettre notre monnaie unique à l’abri des turpitudes financières de certains de ses membres, elle aurait vraisemblablement fait les frais de dégradations en série jusqu’à être classée dans la catégorie des non investment grade qui précède celle des junk bonds . D’autant que la chancelière, en décidant sans la moindre concertation d’interdire les ventes à découvert dites nues en territoire allemand, a définitivement entamé son crédit politique cette semaine.

Nicolas Sarkozy, quant à lui, en prétendant dans la foulée vouloir «?ériger dans notre Constitution un rempart contre les déficits?», alors que la France n’a de leçon à donner à personne sur le sujet, gagnerait à restaurer son crédit acquis sur la scène internationale dans le traitement de la crise bancaire et monétaire voilà plus d’un an. Sans quoi, son rating déjà «?sous perspective négative?» pourrait s’en trouver rapidement dégradé.

bruno segré 21/05/10 – INVESTIR

ON LIRA AVEC BEAUCOUP DINTERET : Frau Merkel, Démolissez le Mur ! (BLOG ICONOMIE) (cliquez sur le lien)

COMMENTAIRE DU WOLF

  Piqués au vif par les rétrogradations des notes grecques, espagnoles et portugaises, Paris, Berlin et La Haye réclament une régulation supplémentaire des agences de notation. Très justement portées au pilori pour leur réaction trop tardive face à l’éclatement de la crise financière, leur indulgence face aux subprimes et leur manque d’anticipation face aux problèmes d’Enron, Worldcom ou Parmalat, voilà donc les agences de notation montrées du doigt pour leur réaction trop franche.

Ces mêmes politiques se sont-t-ils émus de la dégradation de la note de l’américain Ambac, un des plus grands rehausseurs de crédit, de 11 niveaux en une fois l’été dernier ?

Par rapport à la Grèce, dont la note a été baissée très progressivement sur 16 mois, il y avait pourtant davantage matière à s’offusquer. Ne nous leurrons pas. Dans un marché où les trois plus gros acteurs se partagent 90% de l’activité, tant que le principe de l’émetteur-payeur sera d’application, les conflits d’intérêts seront inévitables.

Demain comme aujourd’hui, l’investisseur devra considérer la notation comme un avis… et non comme une garantie. Si la création d’une agence européenne publique indépendante peut paraître une solution pour les conflits d’intérêts avec les émetteurs privés, la question de son financement et de sa crédibilité en dehors de l’UE reste posée. Et pour ce qui est de l’émetteur public, nous ne voyons pas en quoi cela réduirait les conflits d’intérêts, au contraire ! La sphère publique étant la reine du conflit d’intérêt et du clientèlisme tout azimut…

N’oublions pas que si nous en sommes là, c’est parce que la Grèce a délibérément maquillé ses comptes pendant des années.

Les marchés ne font aujourd’hui que corriger une situation qui, n’en déplaise au monde politique, a échappé à l’autorité publique européenne. La Grèce est responsable, l’Europe a failli dans sa mission de contrôle, le citoyen européen est appelé à la rescousse… S&P, Moody’s et Fitch n’ont joué que leur rôle de thermomètre. Or ce n’est pas en jetant le thermomètre par la fenêtre que la température du patient fiévreux diminue !

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