Etats-Unis

Ste­ven Hor­witz : Démocratie, déficit et Dettes…

Ste­ven Hor­witz  : Démocratie, déficit et Dettes… 

  Ste­ven Hor­witz, pro­fes­seur d’éco­no­mie à la St Law­rence Uni­ver­si­ty (USA) in­vite à re­lire l’ou­vrage de Bu­cha­nan et Wag­ner, « De­mo­cra­ty in De­fi­cit ». Ce livre ex­plique com­ment Keynes est par­ve­nu à jus­ti­fier que l’Etat uti­lise le bud­get na­tio­nal comme un outil de ges­tion de l’éco­no­mie. Est-ce­la qui nosu a conduit au ma­rasme bud­gé­taire atuel?

Alors que les dé­fi­cits pu­blics et les dettes pu­bliques ex­plosent un peu par­tout dans les dé­mo­cra­ties, il faut sans doute re­lire ce grand clas­sique de James Bu­cha­nan (Prix Nobel d’éco­no­mie en 1986) et Ri­chard Wag­ner sur la ma­croé­co­no­mie des choix pu­blics, « De­mo­cra­cy in De­fi­cit: The Po­li­ti­cal Le­ga­cy of Lord Keynes » (La dé­mo­cra­tie en dé­fi­cit: le legs po­li­tique de Keynes). Lu par énor­mé­ment d’étu­diants et d’uni­ver­si­taires il y a 25 ans aux USA, une part im­por­tante de sa ma­tière est en­trée dans l’ADN in­tel­lec­tuel des éco­no­mistes, par­fois à leur insu.

PLUS DE BUCHANAN ET WAGNER EN SUIVANT :

C’est l’un de ces livres qui peuvent pro­fon­dé­ment chan­ger la façon dont les gens pensent l’éco­no­mie, et dans ce cas, la ma­croé­co­no­mie et la po­li­tique bud­gé­taire.

L’hé­ri­tage de Keynes

Bu­cha­nan et Wag­ner y font va­loir que l’hé­ri­tage de Keynes a, que ce soit voulu ou non, dis­sout l’an­cienne « consti­tu­tion bud­gé­taire » ta­cite, par la­quelle les hommes po­li­tiques trai­taient le bud­get na­tio­nal en grande par­tie comme le bud­get d’un mé­nage. La dette n’était jus­ti­fiée que pour deux rai­sons fon­da­men­tales: la guerre ou autres si­tua­tions d’ur­gence et les dé­penses d’in­ves­tis­se­ment à long terme qui né­ces­si­taient des coûts ini­tiaux im­por­tants. Ces dettes de­vaient être rem­bour­sées dès que pos­sible, car l’en­det­te­ment à long terme était consi­dé­ré comme à la fois éco­no­mi­que­ment im­pru­dent et im­mo­ral.

Pour­quoi im­mo­ral?

Parce que son coût est un far­deau pour les gé­né­ra­tions fu­tures à qui on ne de­mande pas leur avis sur ces dé­penses.

Le key­né­sia­nisme a chan­gé tout cela en bâ­tis­sant une jus­ti­fi­ca­tion in­tel­lec­tuelle pour pré­sen­ter le bud­get de l’État comme un outil de ges­tion de l’éco­no­mie du pays plu­tôt qu’une contrainte sous la­quelle opèrent les hommes po­li­tiques. Le key­né­sia­nisme sou­te­nait que, lors des ré­ces­sions, les dé­fi­cits bud­gé­taires pou­vaient sti­mu­ler la de­mande glo­bale et abou­tir à la re­prise éco­no­mique, tan­dis qu’en pé­riode de crois­sance les ex­cé­dents per­met­traient à la fois d’em­pê­cher la crois­sance ex­ces­sive et de rem­bour­ser la dette. Cette idée, la « fi­nance fonc­tion­nelle », est sym­pa­thique sur le ta­bleau d’une classe, mais elle a un dé­faut ma­jeur.

Entrent en scène Bu­cha­nan et Wag­ner. Ce qu’en­seigne la théo­rie du « pu­blic choice », c’est que nous ne pou­vons pas igno­rer les vé­ri­tables pro­ces­sus po­li­tiques par les­quels la po­li­tique éco­no­mique est mise en œuvre. Dans le jar­gon de l’éco­no­miste, ces pro­ces­sus doivent être « en­do­gé­néi­sés »: ils doivent faire par­tie de la théo­rie elle-même. Af­fir­mer que l’État doit gérer le bud­get de la façon que les key­né­siens le pro­posent n’est pas la même chose que de dire qu’il peut ou pour­ra le faire. Nous de­vons donc nous de­man­der si, dans le cadre des in­ci­ta­tions créées par nos ins­ti­tu­tions po­li­tiques, la fi­nance fonc­tion­nelle est dans l’in­té­rêt des po­li­ti­ciens.

Bu­cha­nan et Wag­ner ré­pondent que non. Les hommes po­li­tiques aiment les dé­fi­cits parce que les dé­penses pu­bliques leur rap­portent des voix, alors qu’aug­men­ter les im­pôts leur coûte des voix. Ils sont tou­jours à la re­cherche de voix: ces in­ci­ta­tions et dés­in­ci­ta­tions exercent ainsi leur in­fluence que l’éco­no­mie soit en ré­ces­sion ou en pé­riode de forte crois­sance. Les ex­cé­dents des pé­riodes de crois­sance sont in­com­pa­tibles avec ces in­ci­ta­tions. On com­prend alors le bilan des bud­gets des États-Unis de­puis les an­nées 1930: à quelques rares ex­cep­tions, que des an­nées avec dé­fi­cit bud­gé­taire, et qui a aug­men­té de ma­nière spec­ta­cu­laire sur la der­nière dé­cen­nie. Les États-Unis n’ont bien sûr pas été en ré­ces­sion tout ce temps!

Pré­dic­tions justes

Une fois dé­truit ce « ca­de­nas sur le garde-man­ger », les po­li­ti­ciens ont com­men­cé à se gaver.

Dès le début, leur ca­pa­ci­té à ac­cu­mu­ler les dé­fi­cits et la dette a été li­mi­tée par la ré­ti­cence de la banque cen­trale amé­ri­caine, la Fed, à co­opé­rer et par les restes de l’éta­lon-or en­core en place dans les an­nées 1940 et 50. Mais avec l’aban­don de l’or en 1971 et avec les chan­ge­ments dans les prin­cipes di­rec­teurs de la Fed, il n’y avait plus de garde-fous mo­né­taires sur le bud­get fé­dé­ral et peu pour re­te­nir l’ap­pé­tit des po­li­ti­ciens à la re­cherche de votes. Déjà en 1977, Bu­cha­nan et Wag­ner pré­di­saient que les dé­cen­nies à venir ver­raient une aug­men­ta­tion des dé­fi­cits, une dette plus im­por­tante, et peut-être une in­fla­tion si­gni­fi­ca­tive si la Fed ve­nait à ra­che­ter la dette crois­sante.

Ces pré­dic­tions sur la mon­naie ont été pour ainsi dire assez justes. La dette to­tale de l’État amé­ri­cain est dé­sor­mais de bien au-des­sus de douze mille mil­liards de dol­lars. Bu­cha­nan et Wag­ner étaient scan­da­li­sés par les dé­fi­cits an­nuels de quelques di­zaines de mil­liards, mais le dé­fi­cit du simple mois de fé­vrier était de 220 mil­liards de dol­lars! L’ave­nir que Bu­cha­nan et Wag­ner en­vi­sa­geaient il y a près de 35 ans s’est ma­té­ria­li­sé. Heu­reu­se­ment au­jourd’hui, nous n’avons pas en­core vu l’in­fla­tion qu’ils crai­gnaient, mais la ré­cente ex­pan­sion de la base mo­né­taire et des pou­voirs de la Fed – y com­pris, pour la pre­mière fois, la pos­si­bi­li­té d’ache­ter di­rec­te­ment des titres du Tré­sor – sug­gèrent que l’in­fla­tion éle­vée n’est sans doute pas si loin.l

Cet ar­ticle a été pu­blié ori­gi­nel­le­ment en an­glais sur http://www.freemanonline.org. En col­la­bo­ra­tion avec www.unmondelibre.org

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Zone Euro :Eclatement de la bulle keynésienne (cliquez sur le lien)

1 réponse »

  1. Ce qui pose clairement la question des contre-pouvoirs et la nécessité d’une vision qui ne soit pas uniquement celle du court-terme quand la dette engage un pays pour 50 ans comme c’est le cas aujourd’hui pour certains emprunts de l’Etat français.

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