Idées Courtes, Idées Fausses

Le vieillissement est le plus grand succès de l’humanité

Le vieillissement est le plus grand succès de l’humanité

Le bénéfice économique de l’augmentation de l’espérance de vie depuis 1970 a été évalué à 73 000 milliards de dollars pour les Etats-Unis. Or chaque jour, l’espérance de vie s’accroît de 5 heures…

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Chaque jour, l’espérance de vie s’accroît de 5 heures. Les 24 heures se transforment en 29 heures. Les implications de cette augmentation de l’espérance de vie dépasseront celles du changement climatique ou du terrorisme, nous déclarait le professeur Thomas Kirkwood, directeur de l’institut du vieillissement à Newcastle, la semaine dernière lors d’un voyage de presse d’Axa.

Le vieillissement est perçu comme une mauvaise nouvelle dans les médias parce que le financement public des retraites est de plus en plus fragile. Mais l’augmentation de l’espérance de vie est en soi une excellente nouvelle, «une véritable success story», le plus grand succès de l’humanité, selon l’expert. Le bénéfice économique de l’augmentation de l’espérance de vie depuis 1970 a été évalué à 73 000 milliards de dollars pour les Etats-Unis.

Les idées fausses sur le vieillissement sont légion, selon Kirk­wood. On affirme par exemple que le processus de vieillissement est déterminé biologiquement. L’organisme serait donc programmé pour mourir. En réalité, il est programmé pour la survie.

 Toutefois au fil du temps, les dégâts s’accumulent et favorisent la maladie et le vieillissement. La biologie nous apprend que l’absence et le raccourcissement des télomères (région à l’extrémité du chromosome) provoquent la perte rapide d’informations génétiques nécessaires au fonctionnement cellulaire. Le processus est influencé par le stress, l’environnement, le style de vie et l’alimentation. Quant au code génétique, il est responsable d’un quart du vieillissement.

Deuxième idée fausse, le vieillissement serait un déclin irréversible qu’il ne serait pas possible de modifier. Or il est bien plus facile à gérer qu’on ne le pensait. L’espérance de vie va ralentir sa progression, mais «d’ici 2100, je pense que nous aurons ajouté 10 ou 20 ans aux valeurs actuelles, qui sont de 84 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes», selon l’expert.

L’espérance de vie continue d’augmenter le long d’une droite qui refuse obstinément de changer de forme et de plier l’échine. Jusqu’aux années 1960, l’espérance de vie progressait grâce à la diminution de la mortalité des enfants et des jeunes. Par la suite, les conquêtes ultérieures ont été obtenues par la baisse de mortalité des personnes adultes et âgées.

Il est également faux, selon Thomas Kirkwood, d’affirmer que le vieillissement correspond à une phase spécifique de la vie. C’est un processus qui débute dès la naissance. Vivre, c’est vieillir.

Enfin, il est complètement faux d’affirmer que l’augmentation de longévité crée un fardeau intolérable pour la société. Au contraire, la croissance économique va en profiter. De nouveaux services sont à créer.

Les travaux sur le vieillissement se marient mal avec les solutions de placement proposées par les banques et les assurances. S’il reste 30 ou 40 ans à vivre au moment de la retraite, est-il correct de suivre leurs conseils et de supprimer à 65 ans la part des actifs à risque tels que les actions?

L’augmentation de l’espérance de vie joue des mauvais tours à certains investisseurs. On se rappelle qu’en 1965, Jeanne Calment, à l’âge de 90 ans et sans héritier, avait vendu sa maison en viager à son notaire, alors âgé de 47 ans, qui avait accepté de lui payer mensuellement 2500 francs. Le notaire paiera ce montant jusqu’à sa mort en 1995. Ensuite, sa femme a continué de payer. Elle aussi est décédée avant l’ex-doyenne de l’humanité. Tous deux ont versé plus de deux fois le prix de la maison de Jeanne Calment, décédée à 122 ans en 1997.

Il est dangereux de porter une appréciation personnelle sur la santé d’une personne âgée. Une étude de l’institut de Newcastle sur 1000 résidents de plus de 85 ans de cette cité britannique a produit des résultats étonnants: 78% de ces octogénaires ont qualifié leur santé de bonne (34%), très bonne (32%) ou excellente (12%).

 Thomas Kirkwood en déduit que la qualité de vie reste souvent bonne pendant de longues années. La période difficile est souvent très réduite. La recherche médicale devrait précisément porter son effort sur la réduction des «mauvaises années», assombries par les maladies et une forte baisse des capacités fonctionnelles. N’est-il d’ailleurs pas surprenant que des budgets considérables soient consacrés à la recherche sur les cancers et qu’il n’existe pratiquement pas d’instituts sur le vieillissement? En effet, la plupart des cancers ont un facteur commun: l’âge.

«Le passage à la retraite s’accompagne systématiquement d’une détérioration de la santé et de la situation financière», selon Thomas Kirkwood. Faut-il donc forcer les individus à partir le plus vite possible à la retraite? Au moment où la gauche défile dans la rue contre le relèvement de l’âge de la retraite, la science souligne les risques liés à une retraite précoce. Selon Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, «si les gens prennent leur retraite plus tard, ils ont moins besoin d’épargner et peuvent donc consommer un peu plus».

Si l’on admet enfin que l’augmentation de l’espérance de vie est un progrès, encore faut-il s’y préparer. Un homme et une femme de 60 ans ont aujourd’hui une probabilité de 25% que l’un d’entre eux dépasse les 100 ans. Leur stratégie d’épargne sera-t-elle adaptée? De nombreux services ne sont-ils pas à réinventer? L’assurance vie aussi doit se réformer. Ses critères de sélection sont appropriés à 30 ans (tabac), mais n’ont plus de sens pour des clients de plus de 70 ans quand les risques se définissent plutôt en termes de mobilité et de mémoire.

Par Emmanuel Garessus le temps mai10

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