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Vaclav Klaus: « La zone euro ne s’effondrera pas »

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Vaclav Klaus: « La zone euro ne s’effondrera pas »

Le très eu­ros­cep­tique pré­sident de la Tché­quie ex­plique pour­quoi il n’a ja­mais cru à l’in­té­rêt de l’euro. Néan­moins, il pense quand même que la mon­naie unique eu­ro­péenne va tra­ver­ser la tem­pête, même si cela coû­te­ra cher.

PLUS DE COUT POLITIQUE EN SUIVANT :

En tant que cri­tique de longue date de l’idée d’une mon­naie unique eu­ro­péenne, je ne me ré­jouis pas des pro­blèmes ac­tuels de la zone euro qui me­nacent la sur­vie même de l’euro. Avant d’exa­mi­ner les évé­ne­ments en­tou­rant la crise de la dette grecque, je dois four­nir au moins une dé­fi­ni­tion pra­tique du mot « ef­fon­dre­ment ». Dans le contexte de l’euro, il y a au moins deux in­ter­pré­ta­tions qui viennent à l’es­prit.

La pre­mière sug­gère que le pro­jet de zone euro ou le pro­jet de créa­tion d’une mon­naie com­mune eu­ro­péenne a déjà échoué en n’ap­por­tant pas les ef­fets po­si­tifs qu’on at­ten­dait de lui. La créa­tion de la zone euro a été pré­sen­tée comme un avan­tage éco­no­mique in­dis­cu­table à tous les pays dis­po­sés à re­non­cer à leur propre mon­naie exis­tant de­puis des dé­cen­nies ou des siècles. Des études qua­si-scien­ti­fiques, ap­pro­fon­dies mais ten­dan­cieuses, avaient été pu­bliées avant le lan­ce­ment de la mon­naie unique. Ces études pro­met­taient que l’euro per­met­trait d’ac­cé­lé­rer la crois­sance éco­no­mique et de ré­duire l’in­fla­tion, et in­sis­taient tout par­ti­cu­liè­re­ment sur le fait que les États membres de la zone euro se­raient pro­té­gés contre toutes sortes de per­tur­ba­tions éco­no­miques dé­fa­vo­rables ou de chocs exo­gènes.

L’écart s’est creu­sé

Rien de tel ne s’est passé. Après la créa­tion de la zone euro, la crois­sance éco­no­mique de ses États membres a ra­len­ti par rap­port aux dé­cen­nies pré­cé­dentes, creu­sant ainsi l’écart entre la vi­tesse de la crois­sance éco­no­mique dans les pays en zone euro et des grandes éco­no­mies comme les Etats-Unis et la Chine, des pe­tites éco­no­mies en Asie du Sud et de cer­taines par­ties du monde en dé­ve­lop­pe­ment, ainsi que des pays d’Eu­rope cen­trale et orien­tale qui ne sont pas membres de la zone euro.

De­puis les an­nées 1960, la crois­sance éco­no­mique dans les pays ac­tuel­le­ment dans la zone euro s’est ra­len­tie et l’exis­tence de l’euro n’a pas in­ver­sé cette ten­dance. Selon les don­nées de la Banque cen­trale eu­ro­péenne, la crois­sance éco­no­mique an­nuelle moyenne dans les pays en zone euro était de 3,4% dans les an­nées 1970, de 2,4% dans les an­nées 1980, de 2,2% dans les an­nées 1990 et seule­ment 1,1% entre 2001 à 2009, la dé­cen­nie de l’euro. Un ra­len­tis­se­ment sem­blable ne s’est pas pro­duit ailleurs dans le monde.

Pas de conver­gence

La conver­gence at­ten­due des taux d’in­fla­tion des pays de la zone euro elle-même n’a pas eu lieu

. Deux groupes dis­tincts de pays se sont for­més dans la zone euro: un avec un faible taux d’in­fla­tion et avec un taux d’in­fla­tion plus élevé (Grèce, Es­pagne, Por­tu­gal, Ir­lande et quelques autres pays).

Nous avons éga­le­ment consta­té une aug­men­ta­tion des dés­équi­libres com­mer­ciaux à long terme. D’un côté, il y a des pays avec une ba­lance com­mer­ciale où les ex­por­ta­tions dé­passent les im­por­ta­tions et, de l’autre, les pays qui im­portent plus qu’ils n’ex­portent. Ce n’est pas par ha­sard que ces der­niers pays ont éga­le­ment des taux d’in­fla­tion plus éle­vés. La créa­tion de la zone euro n’a donné lieu à au­cune ho­mo­gé­néi­sa­tion des éco­no­mies des États membres.

En s’ac­cen­tuant, la crise fi­nan­cière et éco­no­mique mon­diale a dé­voi­lé tous les pro­blèmes éco­no­miques dans la zone euro; elle n’en est pas la cause.

Cela n’a pas été une sur­prise pour moi. La zone euro, qui com­prend 16 pays eu­ro­péens, n’est pas la « zone mo­né­taire op­ti­male » telle que les théo­rèmes éco­no­miques élé­men­taires nous disent qu’elle de­vrait être. L’an­cien membre du Conseil exé­cu­tif et éco­no­miste en chef de la Banque cen­trale eu­ro­péenne, Otmar Is­sing, a sou­li­gné que la créa­tion de la zone euro a été prin­ci­pa­le­ment une dé­ci­sion po­li­tique. Cette dé­ci­sion n’a pas tenu compte du fait de sa­voir si tout ce groupe de pays se prê­tait réel­le­ment au pro­jet de mon­naie unique. Tou­te­fois, si la zone mo­né­taire exis­tante n’est pas la zone mo­né­taire op­ti­male, il est in­évi­table que ses coûts d’éta­blis­se­ment et de main­tien dé­passent ses avan­tages.

Le choix des mots « éta­blis­se­ment » et « main­tien » n’est pas un ha­sard. La plu­part des com­men­ta­teurs éco­no­miques ont été sa­tis­faits par la fa­ci­li­té et le ca­rac­tère ap­pa­rem­ment peu coû­teux de la pre­mière étape (la créa­tion de la zone mo­né­taire com­mune). Cela a contri­bué à don­ner la fausse im­pres­sion que tout al­lait bien avec le pro­jet de mon­naie unique eu­ro­péenne. Ce fut une er­reur qu’au moins cer­tains d’entre nous ont fait ob­ser­ver, de­puis la nais­sance même de l’euro. Mal­heu­reu­se­ment, per­sonne ne nous a écou­tés.

Je n’ai ja­mais contes­té le fait que le taux de change des pays qui al­laient adhé­rer à la zone euro re­flé­tait plus ou moins la réa­li­té éco­no­mique en Eu­rope au mo­ment où l’euro est né. Ce­pen­dant, au cours de la der­nière dé­cen­nie, la per­for­mance éco­no­mique des membres in­di­vi­duels de la zone euro a di­ver­gé et les ef­fets né­ga­tifs de la « ca­mi­sole » d’une mon­naie unique sur les dif­fé­rents États membres sont de­ve­nus vi­sibles. Lorsque le « beau temps » (au sens éco­no­mique) a pré­va­lu, aucun pro­blème vi­sible n’a émer­gé. Ce­pen­dant, une fois le « mau­vais temps » ar­ri­vé, le manque d’ho­mo­gé­néi­té entre les membres de la zone euro s’est très clai­re­ment ma­ni­fes­té. En ce sens, j’ose dire que, en tant que pro­jet qui pro­met­tait de consti­tuer un avan­tage éco­no­mique consi­dé­rable à ses membres, la zone euro a échoué.

Les coûts ca­chés de l’euro

Les non-ex­perts et les po­li­ti­ciens (plu­tôt que les éco­no­mistes) trou­ve­ront plus d’in­té­rêt dans la ques­tion de l’ef­fon­dre­ment de la zone euro en tant qu’ins­ti­tu­tion. Ma ré­ponse est qu’elle ne s’ef­fon­dre­ra pas. Tant de ca­pi­tal po­li­tique a été in­ves­ti dans l’exis­tence de l’euro et son rôle de « ci­ment » qui lie l’UE sur la voie de la su­pra­na­tio­na­li­té est tel que dans un ave­nir proche, la zone euro ne sera sû­re­ment pas aban­don­née. Elle conti­nue­ra, mais à un prix ex­trê­me­ment élevé qui sera payé par les ci­toyens des pays de la zone euro (et, in­di­rec­te­ment, par les Eu­ro­péens qui ont gardé leur propre mon­naie).

Le prix du main­tien de l’euro sera une faible crois­sance éco­no­mique dans la zone euro. La crois­sance molle en zone euro se tra­dui­ra par des pertes éco­no­miques dans d’autres pays eu­ro­péens, comme la Ré­pu­blique tchèque, et dans le reste du monde. Le prix élevé de l’euro sera plus vi­sible dans le vo­lume des trans­ferts fi­nan­ciers, qui de­vront être en­voyés aux pays de la zone euro tou­chés par les pro­blèmes éco­no­miques et fi­nan­ciers les plus im­por­tants.

Le mon­tant d’ar­gent que la Grèce re­ce­vra dans un ave­nir proche peut être di­vi­sé par le nombre d’ha­bi­tants zone euro et chaque per­sonne peut fa­ci­le­ment cal­cu­ler sa propre contri­bu­tion. Tou­te­fois, le « coût d’op­por­tu­ni­té » ré­sul­tant de la perte d’un taux de crois­sance po­ten­tiel­le­ment plus élevé sera beau­coup plus dou­lou­reux. Pour­tant, je ne doute pas que pour des rai­sons po­li­tiques, ce prix élevé de l’euro sera payé et que les ha­bi­tants la zone euro ne pour­ront ja­mais sa­voir com­bien l’euro leur a vrai­ment coûté.

La Ré­pu­blique tchèque n’a pas fait d’er­reur en évi­tant d’être membre de la zone euro à ce jour. Et nous ne sommes pas le seul pays avec ce point de vue. Le 13 avril 2010, le « Fi­nan­cial Times » a pu­blié un ar­ticle de feu le gou­ver­neur de la Banque cen­trale po­lo­naise Sla­wo­mir Skr­zy­pek, un homme que j’ai eu l’hon­neur de très bien connaître. Skr­zy­pek a écrit son ar­ticle peu avant sa mort tra­gique dans l’ac­ci­dent d’avion qui a em­por­té un cer­tain nombre de di­gni­taires po­lo­nais près de Smo­lensk, en Rus­sie. Dans cet ar­ticle, Skr­zy­pek écri­vait: « En tant que non-membre de l’euro, la Po­logne a été en me­sure de tirer pro­fit de la flexi­bi­li­té du taux de change du Zloty d’une ma­nière qui a contri­bué à la crois­sance et ré­duit le dé­fi­cit du compte cou­rant, sans im­por­ter d’in­fla­tion. » Il ajou­tait que « l’his­toire de­puis dix ans de la perte de com­pé­ti­ti­vi­té des membres pé­ri­phé­riques de la zone euro a été une leçon sa­lu­taire ». Il n’est pas né­ces­saire d’ajou­ter da­van­tage.

Passage de Crise : Quelques facteurs qui ont fait toute la différence (cliquez sur le lien)

Va­clav Klaus, pré­sident de la Tché­quie mai10

La ver­sion ori­gi­nale de cet ar­ticle a paru dans l’heb­do­ma­daire tchèque « Eko­nom ». Tra­duc­tion pu­bliée en col­la­bo­ra­tion avec le Cato ins­ti­tute et www.unmondelibre.org.

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