Agences de Notation

Nouriel Roubini/Stephen Mihn : Economie de crise , une introduction à la Finance du futur

Nouriel Roubini/Stephen Mihn : Economie de crise , une introduction à la Finance du futur   

      Il y a dix ans, ses prédictions lui avaient valu le sobriquet de « Docteur Catastrophe ». Désormais, il est « l’homme qui a prévu la crise », celui qui dès 2006, devant un parterre sceptique d’experts du FMI, a détaillé avec précision ce qui attendait les Etats-Unis et l’économie mondialisée. Nouriel Roubini, puisqu’il s’agit de lui, revient aujourd’hui sur le devant de la scène avec son nouveau livre, « Economie de crise, une introduction à la finance du futur » (Lattès). Dans cet ouvrage, il analyse avec acuité les événements passés, élabore quelques scénarios pour le futur et se livre à un ensemble de préconisations pour éviter qu’une crise aussi violente se reproduise à l’avenir. Voici, en extraits, les réformes urgentes qu’il appelle de ses vœux.       

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Extraits de « Economie de crise, une introduction à la finance du futur », Editions Lattès      

    Les rémunérations des traders     

  L’une des manières de remettre les choses en ordre consisterait à créer des enveloppes budgétaires pour les bonus qui ne seraient pas calculées à partir des rendements à court terme mais seraient fondées sur un horizon de long terme (trois ans environ). Au lieu de récompenser ses employés pour leurs paris gagnants individuels, la firme établirait la moyenne de leurs performances sur plusieurs années. Imaginons que les paris risqués d’un trader génèrent des rendements anormalement élevés lors d’une année donnée et des pertes tout aussi anormales l’année suivante. Dans le système actuel, ce trader touchera un joli bonus la première année et rien la seconde. Si l’on se fondait sur plusieurs années, les pertes annuleraient les profits et le trader ne recevrait rien du tout. (…)          

Il existe une solution plus diabolique au problème de la rémunération : ne pas verser d’argent ou d’actions aux traders et aux banquiers, mais un certain nombre des titres ésotériques qu’ils mitonnent dans leurs laboratoires. Ils recevraient par exemple une petite tranche des CDO qu’ils ont fabriqués. Les traders seraient payés au moyen des actifs toxiques à la production desquels ils ont contribué. S’ils devaient faire face aux conséquences de leurs actes, ils se montreraient peut-être un peu plus prudents. »      

  La titrisation          

. Essayez de penser à ce qui compose un CDO au carré typique. Commencez par une douzaine de prêts individuels différents, qu’il s’agisse de prêts immobiliers commerciaux, de prêts immobiliers résidentiels, de prêts automobiles, d’effets sur cartes de crédit, de prêts finançant de petites activités, de prêts étudiants ou de prêts aux entreprises. Transformez-les en asset-backed security (ABS). Prenez cet ABS et associez-le à quatre-vingt-dix-neuf autres ABS de façon à en avoir cent. Cela, c’est votre CDO. Prenez à présent ce CDO et associez-le à quatre-vingt-dix-neuf CDO différents qui reposent tous sur leur propre mélange d’ABS et d’actifs sous-jacents. Faites le calcul : en théorie, l’acquéreur de ce CDO au carré est supposé avoir une idée de la qualité de dix millions de prêts sous-jacents. Ce n’est bien sûr pas le cas.       C’est pour cette raison que des titres comme les CDO au carré -que l’on surnomme à présent Chernobyl Death Obligations- doivent être fortement réglementés ou, à défaut, interdits. Sous leur forme actuelle, ils sont trop éloignés des actifs dont ils tirent leur valeur et sont à peu près impossibles à standardiser. Leur complexité les autorise moins à transférer le risque qu’à le dissimuler sous couvert de stratégies ésotériques et trompeuses. »              

Les agences de notation    

 « Comment les agences de notation pourraient-elles être réformées ? Il faudrait au strict minimum leur interdire d’offrir des services de conseil. Elles devraient exister dans un but unique : noter des instruments de dette. Bien que la SEC ait adopté des règles interdisant aux agences de notation de conseiller les entreprises qu’elles notent, cette interdiction est extraordinairement difficile à faire respecter. C’est pourquoi la SEC devrait interdire toute activité de conseil aux agences de notation.           

 Il serait également bon d’ouvrir ce domaine privilégié à la concurrence. Une telle proposition aurait été difficile à justifier voilà dix ans, quand la réputation collective des trois grandes agences était intacte ; il en va autrement aujourd’hui.      

Mais il est malheureusement très difficile pour de nouveaux entrants d’obtenir de la SEC le label NRSRO : les entreprises concernées doivent avoir exercé une activité de notation depuis plusieurs années et avoir un grand nombre de clients importants. Or il est difficile d’avoir des clients importants sans avoir été introduit dans le cercle magique. Pour répondre à ce problème, la SEC doit baisser les barrières à l’entrée afin que cette industrie connaisse une concurrence accrue et se rapproche du fonctionnement du marché libre. (…)            

Une réforme plus complète encore consisterait à contraindre les agences de notation à revenir à leur modèle économique initial dans lequel les acheteurs de titres de dette -et non les émetteurs de ces titres- payaient pour obtenir une évaluation. »       

Les Produits Dérivés              

Nous devons d’abord remédier à l’insuffisance de transparence des produits dérivés. Il est exact que certains produits dérivés sont depuis longtemps échangés de gré à gré sans que cela pose problème -c’est le cas des swaps de taux d’intérêt et des swaps de devises classiques- et qu’il pourrait continuer d’en être ainsi. Mais il en va tout autrement des CDS : ils doivent être mis au jour et soumis à une stricte régulation par la SEC et la CFTC. (…)    Les dérivés de crédit les plus ésotériques devraient être enregistrés auprès d’une maison de compensation unique. De telles institutions existent déjà pour des formes plus simples de produits dérivés : l’Options Clearing Corporation gère par exemple un certain nombre de produits dérivés liés aux actions et aux matières premières. (…)          

Dans certains cas, cela vaut la peine d’interdire totalement certains produits dérivés ou d’en restreindre drastiquement l’usage. Les régulateurs devraient par exemple envisager d’interdire les contrats de CDS. L’une des règles principales de l’assurance veut que la partie qui souscrit une police d’assurance ait un « intérêt assurable ». La plupart des contrats de CDS passent outre cet usage. »      

  Les capitaux propres des banques              

« La manière dont Bâle II définit et hiérarchise les capitaux propres devra être modifiée. Au lieu de retenir la définition du Tier 1 pour évaluer les capitaux propres d’une banque, il faudrait utiliser une mesure plus précise connue sous le nom de Tangible Common Equity (TCE). Le TCE ne retient que les actions ordinaires dans l’évaluation des capitaux propres, contrairement à la définition du Tier 1 qui inclut les actions ordinaires et les actions privilégiées. Le TCE constitue donc une définition plus prudente des capitaux propres dont dispose une banque. C’est une manière plus réaliste d’évaluer la santé d’une banque confrontée à une situation de crise. (…)    On pourrait adopter une manière différente d’évaluer les capitaux propres appelée « provisionnement dynamique ». Au lieu d’obliger les banques à détenir un pourcentage fixe de capitaux propres (comme les 8% imposés par les accords de Bâle), un système dynamique l’autoriserait à varier dans le temps. Lors des années d’expansion, les exigences de capitaux propres seraient plus fortes ; elles diminueraient si la situation se détériorait. Une forme de provisionnement dynamique a déjà été mise en œuvre par les banques espagnoles ; bien qu’il ne s’agisse pas là d’une panacée, il pourrait valoir la peine de généraliser ce système au moyen d’un nouvel accord de Bâle. »     

source jdn juin10        

 BILLET PRECEDENT : Nouriel Roubini : L’Europe annonce la «deuxième phase de la crise financière» (cliquez sur le lien)            

 
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