Pourquoi les Suisses pensent-ils que l’herbe est plus verte chez eux que dans le champ du voisin? par Marie-Hélène Miauton
Les Suisses jugent leur pays prospère et estiment qu’il va le rester. C’est du moins ce qu’ils ont répondu à l’étude Sophia, réalisée annuellement par l’Institut d’études économiques et sociales M.I.S Trend, et diffusée par L’Hebdo lors du Forum des 100. Au sortir d’une crise économique sans précédent, cet optimisme peut paraître déplacé. Sachant qu’il est partagé aussi bien par les leaders d’opinion que par la population, il ne saurait découler d’une mauvaise information ni d’une naïve inconscience. Cherchons donc à en comprendre les mécanismes.
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Les médias ont tant parlé de cette crise, décrite comme la plus grande depuis 1929, que la population s’est préparée à un cataclysme qu’elle n’a pas vu venir. Elle a été, comme disent les Vaudois, déçue en bien, un peu comme pour la grippe A(H1N1) qui devait faire des ravages mais qui est passée inaperçue. Nul ne s’en plaint sauf qu’à trop crier au loup, on finit par ne plus y croire, alors même que la crise des finances publiques européennes succède dangereusement à celle de la finance internationale…
Outre cette réaction pragmatique à la surenchère médiatique, les Suisses se sont aussi comparés aux pays voisins. Nul doute que la crise a réellement frappé les Allemands et encore plus les Français, en raison des revers de leur industrie automobile particulièrement. Dès lors, les Suisses (de souche ou d’adoption, faut-il le préciser), qui ont déjà tendance à se juger privilégiés, ont rajouté une large couche d’autosatisfaction sur les préexistantes. L’étude Sophia montre des élites et une population convaincues que, dans la plupart des domaines, tout va mieux ici qu’ailleurs, inversant le fameux proverbe affirmant que l’herbe est toujours plus verte dans le champ du voisin: qualité des institutions politiques, du marché du travail, du dynamisme économique, de la démocratie, de la sensibilité environnementale…
Cette confiance dans la valeur collective du pays explique en grande partie la méfiance réitérée des interviewés envers un processus d’adhésion à l’Union européenne. Au-delà les comparaisons qu’ils établissent entre les qualités de vie respectives ici et à l’étranger, les leaders et la population craignent une atteinte à la démocratie et aux droits populaires, de même qu’une altération des institutions politiques et, dès lors, un délitement de la cohésion nationale. Contrairement à l’idée reçue que ce serait le souci égoïste de leur porte-monnaie qui retient les Suisses de rejoindre l’UE, 44% seulement pensent que la puissance économique du pays serait diminuée en cas d’adhésion et 25% que son rayonnement international en pâtirait.
La Suisse et le chaos de l’Europe (cliquez sur le lien)
C’est donc une inquiétude d’ordre politique qui motive les opinions, confirmée par une corrélation patente dans l’étude: les tenants de l’UE décrient les institutions suisses qu’ils trouvent désuètes et impuissantes, alors que les opposants à l’adhésion les jugent foncièrement positives, même s’ils ne se privent pas de dire que les affaires récentes qui ont secoué le pays furent mal gérées. Il s’agit donc bien d’une histoire d’amour!
Par Marie-Hélène Miauton le temps juin 10
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