Europe

Dans le piège de la dette par Beat Kappeler

Dans le piège de la dette par Beat Kappeler

 Nul besoin d’être doué en mathématiques pour mieux comprendre le prochain cours des dettes des Etats. Il faut simplement être sobre.

Nouriel Roubini : La dette / un Piège mortel (cliquez sur le lien)

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Pourquoi, d’abord, le Traité de Maastricht était-il arrivé aux limites de 3% de déficit étatique par rapport au produit intérieur, et à 60% de dettes par rapport à celui-ci?

 C’était une formule mathématique destinée à rendre les dettes gratuites! Car on partait d’un niveau des taux d’intérêt sur les dettes de 5%. Un Etat endetté à raison de 60% de son produit intérieur avait alors une charge des intérêts sur le produit intérieur de 5% sur 60%, donc de 3%. Si le produit intérieur augmentait, en termes nominaux, par une légère inflation et par une petite croissance combinées de 3% par an, les rentrées de l’Etat augmentaient par la même proportion; il pouvait payer les intérêts sans faire des économies et la dette n’augmentait pas plus que le produit intérieur. Le bonheur parfait! Le nirvana des politiciens.

Or tous ces éléments ont déraillé, aux Etats-Unis comme en Europe. Les dettes dépassent largement les 60%, la charge en termes absolus et relatifs mange plus que les fameux 3% du produit intérieur. Elle les dépasse d’autant plus que certains Etats n’arrivent plus à se financer pour seulement 5% de taux d’intérêt: la Grèce devrait payer plus de 10% si elle arrivait à obtenir de l’argent privé. Et le troisième terme important, la croissance s’est évanouie. Les dettes ne sont plus stables, elles augmentent mathématiquement, en termes absolus et en relation au produit intérieur. Le piège de la dette est ouvert.

Si les Etats concernés commencent à économiser sous la pression de l’Allemagne et du Fonds monétaire international, ils entreront en décroissance pour plusieurs années. Leurs moyens de s’en sortir diminueront encore.

Un deuxième calcul sobre est réalisé par les observateurs des marchés américains et anglais.

Si un pays comme la Grèce comprime son déficit de 13% du produit intérieur à une proportion qui correspond aux intérêts à payer, elle fera allègrement faillite. Pour la Grèce, cette charge des intérêts sera bientôt d’environ 8% du produit intérieur. Elle ne comprimera son déficit qu’à ce niveau seulement – toujours mirobolant – et, sous la pression populaire, elle arrêtera de payer les intérêts. A ce moment, les sacrifices seront terminés, car sans la charge des intérêts, le budget public est en équilibre. Le pays et son gouvernement pourront vivoter sans s’endetter du tout, sans se soucier des investisseurs passés ou présents. L’Espagne et le Portugal jouiront de la même possibilité. Mais plus ils s’approcheront de ce refuge providentiel, moins les investisseurs leur prêteront. C’est le nord de l’Europe et le FMI qui prendront une énorme déculottée en se substituant aux investisseurs actuels.

Les discours des politiciens européens sur les «marchés irrationnels» ou «la spéculation» versent dans la psychologie et dans la morale. Or les financiers ne font que les calculs selon la règle des trois.

Pour les Etats-Unis, la situation est légèrement différente. Il y a d’abord Barack Obama, qui peut permettre le forage en mer arctique ou faire un déficit d’Etat pareil à celui de la Grèce sans que personne ne lui en tienne rigueur. Les marchés ne demandent un taux d’intérêt sur les dettes d’Etat de dix ans que de 3,3% seulement. Les investisseurs fuient les placements en Europe, ce qui fait baisser les taux d’intérêt aux Etats-Unis. Mais un jour, le piège de la dette s’ouvrira à cause d’un déficit énorme et d’une dette de plus de 100%. En Europe comme aux Etats-Unis, les banques centrales seront forcées d’acheter la dette publique afin de comprimer les taux d’intérêt, donc de gruger les épargnants et les investisseurs. Le Prix Nobel Paul Krugman vient de le pronostiquer au Forum économique suisse à Interlaken . Le financier suisse Felix Zulauf, de renommée internationale, prévoit alors la catastrophe finale, la refonte monétaire. Les banques centrales, bourrées de titres insolvables, forceront le public à troquer la monnaie existante dans une relation de 2 à 1 (par exemple) pour une nouvelle dénomination. Donc si la politique n’économise pas, les mathématiques entrent dans le jeu.

Beat Kappeler Le Temps juin10

BILLET PRECEDENT : Les Américains et leurs tuyaux par Beat Kappeler (cliquez sur le lien)

 
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