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Energie : La révolution des gaz de schistes secoue les prix jusqu’en Suisse

Energie :  La révolution des gaz de schistes secoue les prix jusqu’en Suisse

La société romande Gaznat a vu ses ventes plonger de 20%. Un recul en partie lié à la baisse des prix mondiaux, provoquée par les gisements aux Etats-Unis

Les gisements de gaz dits «non conventionnels» («shale gas» ou gaz de schistes) mis en exploitation aux Etats-Unis sont en train de révolutionner la scène énergétique mondiale. Ses conséquences sont ressenties jusque chez Gaznat.

PLUS/MOINS DE GAZ DE SCHISTES EN SUIVANT :

La société assurant l’approvisionnement de la Suisse romande a indiqué en juin à Lausanne que son chiffre d’affaires avait plongé de 20% l’an dernier pour atteindre 504 millions de francs. Une décrue brutale en partie expliquée par la conjoncture difficile, qui l’a conduit à vendre 2,7% de volumes de gaz en moins en 2009.

Un surplus de gaz liquéfié…

Mais cette baisse des recettes s’explique également par une décrue des prix européens, en partie provoquée par l’afflux de gaz de schistes – ou de méthane de houille – en provenance du Texas ou de l’Oklahoma. Une contagion nouvelle sur un marché qui restait, il y a cinq ans, peu mondialisé: la majorité des approvisionnements se faisant par gazoducs – avec des tarifs fixés par des contrats de long terme – l’Amérique, l’Europe ou le Japon demeuraient des îles gazières.

Le développement d’un marché international du gaz liquéfié (GNL), en partie grâce au Qatar qui fait partir des méthaniers vers les côtes américaines comme celles de l’Asie a rompu cet isolement. Et aujourd’hui, les besoins moindres des Etats-Unis en gaz liquéfié se répercutent sur les prix de toutes ces régions. Grâce aux gisements non conventionnels, les Etats-Unis «sont devenus les premiers producteurs de gaz devant la Russie et pourraient se muer en exportateurs de gaz liquéfié», prévient Anne-Sophie Corbeau, spécialiste de l’Agence internationale de l’Énergie (AIE). Déjà, le producteur Cheniere vient d’annoncer la transformation d’un site texan de regazéification de gaz importé par méthaniers en… usine de liquéfaction destinée à exporter du gaz non conventionnel. Ceci va grossir des «capacités de liquéfaction mondiales qui vont croître de 50% d’ici à2013», pointe l’analyste de l’AIE.

… fait pression sur les prix

Ce surplus de gaz liquide – qui représente déjà plus du quart du commerce gazier mondial – fait pression sur les prix européens. Ces derniers mois, il a fait chuter les cours sur le marché libre – ou «spot» – sur lequel se traite le gaz échappant aux contrats d’approvisionnement de long terme.

Une mutation qui se répercute sur des acheteurs comme Gaznat. Le marché européen a vu apparaître «une bulle gazière», témoigne René Bautz, directeur général de la société romande. Selon lui, le creusement de l’écart entre les prix «spot» et ceux des contrats de long terme «relance la discussion sur l’indexation sur le cours du pétrole de ces contrats et sur les volumes d’achat minimaux imposés». Déjà, de gros clients du russe Gazprom, comme l’allemand EON, auraient obtenu plus de «flexibilité» sur les prix, souffle Anne-Sophie Corbeau.

Ceci permet aux plus petits acteurs, comme Gaznat, d’acheter plus de gaz – 20% l’an dernier – sur le marché «spot». Pour cela, la société romande a renforcé ses équipes de négoce et contribué à la création de la plateforme SwissEnergy Trading.

Fracturer la roche pour en extraire le gaz

Le gaz conventionnel repose dans des gisements souterrains en grès ou de calcaire très poreux, ce qui facilite la remontée du gaz à travers un seul puits vertical.

Le gaz dit non conventionnel se cache dans des formations géologiques peu poreuses et s’étendant sur de grandes surfaces. Choisir le lieu de forage devient plus complexe et la mise en place de techniques de pointe devient nécessaire: Par exemple des forages à l’horizontale, accompagnés d’injection de liquides spéciaux destinés à fracturer la roche.

Par Pierre-Alexandre Sallier le temps juin10

EN LIEN i La distribution des cartes gazières (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE ET RAPPEL LEXCELLENT COMMENTAIRE D’OLIVIA, fidele lectrice et contributrice de ce blog:

Sortie du documentaire « Gasland » le 21 juin 2010 :

Sur un sujet proche qui va faire de plus en plus parler de lui (voir l’exploitation de pétrole non conventionnel selon des techniques similaires dans le bassin parisien par la société Hess Oil France (HOF) filiale à 100% de l’américain Hess : potentiel « brut » 65 milliards de barils de pétrole !)

http://www.enerzine.com/10/9865+de-la-prospection-petroliere-dans-le-bassin-parisien+.html

les gisements de gaz de schiste qui ont la particularité d’être présents à peu près partout dans le monde, souvent dans des zones à densité de population élevée, vont faire l’objet d’une exploitation de plus en plus importante et posent plusieurs problèmes qui peuvent parfois être lourds de conséquences, évoqués entre autres dans un documentaire qui sera diffusé le 21 juin prochain (« GasLand »). Extrait :

http://www.youtube.com/watch_popup?v=dZe1AeH0Qz8

Pour mémoire, les Etats-Unis sont devenus en 2009 le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie, une percée en grande partie due à l’exploitation de ces gisements prisonniers sous la roche parfois à près de 3.000 mètres de profondeur. Ils sont contenus dans des roches sédimentaires argileuses très compactes et très imperméables qui renferment au moins 5 à 10% de matière organique. Ils font partie des types de gaz non conventionnels parce qu’ils ne peuvent pas être exploités avec les modes de production classiques. Ils sont aujourd’hui produits en grande quantité aux Etats-Unis où ils représentent 12% de la production de gaz contre seulement 1% en 2000. A part quelques pays qui n’ont pas de bassins sédimentaires on peut trouver des shales gas à peu près partout. En Europe, le Consortium Gash vise à établir d’ici trois ans une cartographie des ressources européennes.

Les réserves mondiales représenteraient plus de 4 fois les ressources de gaz conventionnel. De quoi, si on arrivait à les exploiter, changer la donne de la géopolitique gazière.

La production s’est développée aux Etats-Unis en partie grâce à l’amélioration des techniques d’extraction ces dernières années, en particulier le forage horizontal et la fracturation hydraulique des roches qui permet d’augmenter la perméabilité à proximité des puits, les fluides ne migrant pas naturellement dans les argiles.

Les gas shale étant dispersés dans la roche imperméable, il faut forer de très nombreux puits et fracturer la roche. Le puits produit quelques années puis est abandonné et un nouveau puits est foré quelques centaines de mètres plus loin. La fracturation de la roche suppose par ailleurs d’injecter de grandes quantités d’eau à haute pression et du sable.

L’accroissement de la production outre-Atlantique a été favorisée au début par des incitations fiscales. Le faible coût des forages, un droit de propriété des particuliers étendu au sous-sol ainsi qu’une réglementation environnementale bien moins contraignante, associées aux avancées technologiques, expliquent cet engouement.

L’impact environnemental n’est pas neutre puisque la fracturation hydraulique utilise une grande quantité d’eau. Cette eau doit être ensuite traitée car elle est souvent salée et peut contenir des métaux lourds, du benzène, méthane et autres produits toxiques, à des concentrations parfois 1500 fois supérieures aux normes de sécurité. Il y a parfois des risques de contamination de nappes phréatiques quand ce n’est pas du gaz qui sort directement des robinets d’eau des particuliers ! comme le souligne le reportage. Par ailleurs, la multiplication des forages et des réseaux de « pipes » affectent les paysages, ce d’autant plus que la zone de drainage autour des puits étant faible, il peut y avoir un puits tous les 500 mètres. Même si l’impact sur l’environnement n’est pas le même aux Etats-Unis qui possèdent de grands espaces inoccupés qu’en Europe, c’est un sujet qui fait de plus en plus débat et qui devrait conduire au développement de techniques plus rationnelles et respectueuses de l’environnement.

L’exploration des shale gas n’a commencé que récemment en Europe mais elle suscite beaucoup d’intérêt de la part des compagnies pétrolières. Les bassins les plus intéressants sont situés en Europe du Nord et de l’Est et plus au sud, notamment en France dans le bassin du sud-est. Total vient d’obtenir un permis d’exploration dans la région de Montélimar. Des permis ont aussi été pris en Suède par Shell, en Allemagne par ExxonMobil, en Pologne par presque tous les majors ainsi qu’en Lituanie. En tenant compte des contraintes environnementales, les coûts de production des shale gas européens risquent d’être plus élevés qu’aux Etats-Unis. Reste donc à démontrer qu’ils peuvent être
produits de façon économique et durable en accord avec les populations. Leur développement généralisé va toutefois probablement prendre du temps

4 réponses »

  1. Le Québec est aussi dans la mire des gazières. Un petit village riverain appelé Saint-Marc-sur-Richelieu tente de stopper un forage dont le puits sera sur des terres agricoles.

    Voici leur blog: http://mobilisationgazdeschiste.blogspot.com/

    D’autres puits apparaissent dans la Vallée du Saint-Laurent. Aucune loi n’encadre encore l’industrie gazière et le forage par fracturation hydraulique au Québec. Tout est à craindre.

    Article d’un journal local de Saint-Marc aujourd’hui: http://monteregieweb.com/main+fr+01_300+Les_citoyens_devant_la_CPTAQ.html?ArticleID=650003

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