Commentaire de Marché

Commentaire du Wolf : La Hongrie cas isolé ou symptome d’une région malade

Commentaire du Wolf : La Hongrie cas isolé ou symptome d’une région malade

  La dramatisation de l’état des finances hongroises par quelques membres de la nouvelle majorité politique a affolé les marchés financiers. Après la tempête àl’Ouest, faut-il désormais craindre un nouveau séisme à l’Est ?

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Maladresse et déséquilibres

Noircir la situation héritée du gouvernement sortant est de bonne guerre. Mais attirer l’attention sur ses problèmes budgétaires dans le climat actuel de chasse aux déficits trop pléthoriquesest assurément politiquement  très maladroit mème si économiquement juste.. Surtout lorsque ceux-ci sont réels ! Mais comme d’habitude en Europe toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire !!!

Dès 2006 en effet – avec un déficit public de 9,3% – les autorités hongroises n’ont plus eu d’autre choix que de mener une douloureuse politique d’austérité.

Au niveau de l’activité économique par exemple, cela s’est traduit par une chute de la croissance de 4% en 2006 à 0,6% seulement en 2008 !

Quant aux finances publiques, si la rigueur a permis de ramener le déficit à 3,8% en 2008, la crise financière a hélas compliqué la donne.

Faillite de Lehman Brothers et pénurie mondiale de liquidités obligent, la Hongrie a alors été victime de la défiance des marchés, provoquant lepassage des taux d’intérêt de la dette étatique de 8 à plus de 12% et un plongeon du forint de 30% par rapport à l’euro…

Quant à l’arrêt de l’octroi de crédits aux entreprises et aux ménages, il a lui provoqué un effondrement de la demande intérieure.

Résultat, la Hongrie a vu son PIB se contracter de 6,3% en 2009 et son déficit public repartir à la hausse, à 80% du PIB : paradoxe déflationiste conduisant à une augmentation des charges de la dette publique

Et aujourd’hui, même si l’aide coordonnée du FMI, de l’Union européenne et de la Banque mondiale a permis de maintenir le pays à flot, les problèmes n’ont pas pour autant été résolus.

Car en plus de l’ardoise publique, le pays doit aussi digérer l’important endettement du secteur privé. Une mission d’autant plus délicate que 70% de la dette privée et 40% de la dette publique sont libellés en devises étrangères.

Hongrie versus Grèce

La principale différence avec la Grèce est que la Hongrie peut stimuler ses exportations par sa devise faible, le forint. La Grèce, qui fait partie de la zone euro, ne dispose pas de cette possibilité.

Une autre différence significative est que les problèmes de la Grèce sont liés à ses finances publiques et ceux de la Hongrie au niveau élevé de sa dette privée. Près de 25% des ménages hongrois détiennent des prêts et des crédits hypothécaires libellés en franc suisse et en euro. A l’époque de leur conclusion, cela leur permettait de payer des intérêts beaucoup plus faibles, mais depuis 2008, les paiements mensuels ont fortement augmenté en raison de la dépréciation du forint vis-à-vis de l’euro et du franc suisse. Le forint s’est fortement replié par rapport à l’euro et au franc suisse, comme en 2008. En 2008, un plan de sauvetage du FMI, de l’Union européenne et de la Banque mondiale de 20 milliards d’euros avait sauvé la Hongrie de la faillite.

Hongrie version moulinette FMI

Sauveur de dernier ressort de créanciers ( banksters )égarés le FMI opère toujours selon la mème recette maintenant éprouvée et qui vise à retrouver une balance commerciale excédentaire… 

L’économie hongroise est dominée par les exportations, essentiellement à destination de l’Union européenne. Les exportations génèrent plus de 70% du PIB. Parmi ces dernières, 80% sont destinées aux pays de l’Union européenne. Cette dépendance rend le pays vulnérable eu égard aux inquiétudes des marchés à propos de l’économie européenne, à la crise des dettes souveraines et aux réductions de dépenses envisagées par les gouvernements. La faiblesse du forint est bien sûr positive pour les exportations, mais elle pénalise les ménages endettés en euro ou dans d’autres devises étrangères. La Hongrie affiche toutefois un surplus sur le compte courant de sa balance des paiements. Cet excédent devrait se maintenir grâce à la faiblesse des dépenses de consommation….Voilà qui répond parfaitement à l’orthodoxie du FMI

Conséquences à l’Ouest

Les récents déboires hongrois ont contaminé l’ensemble des Bourses européennes et le marché des changes où l’euro est tombé à son plus bas niveau depuis 4 ans à 1,19 dollar. Il faut savoir en effet qu’une crise de la dette en Hongrie serait loind’être anodine, le système bancaire y étant largement entre les mains de banques européennes fortement exposées à un marché du crédit hongrois en déliquescence depuis la récession et la chute de la devise. Sans compter que le système financier européen est lui aussi exposé à travers le marché obligataire et les achats massifs d’obligations d’Etat et de sociétés par les banques européennes. Autrement dit, une crise profonde en Hongrie entraînerait de lourdes pertes pour les banques européennes et traumatiserait à nouveau un secteur toujours convalescent.

Contagion à l’Est

Paradoxalement, la crise hongroise devrait avoir moins d’impact sur ses voisins les plus proches, lasituation dans les pays de l’Est étant globalement plus favorable que celle de la Hongrie, et même de la plupart des autres pays européens.

L’endettement public y est en effet réduit – de 15% du PIB en Bulgarie à 51% en Pologne, et ne provoque donc pas les mêmes inquiétudes.

De plus, même si les autres économies de l’Est ressentent les secousses de la Hongrie, cela ne se fait pas forcément de manière négative.

La faiblesse des devises de l’Est due aux turbulences hongroises renforce en effet la compétitivité à l’exportation de ces pays.

Et comme ils n’ont pas cédé, comme la Hongrie, au chant des sirènes d’un endettement bon marché en devises étrangères, cela n’a pas d’impact négatif sur l’endettement domestique.

En réalité, la seule vraie menace se situe au niveau de la distribution du crédit. Car en restreignant l’accès aux marchés financiers et en réduisant la liquidité bancaire, une grave crise en Hongrie pourrait également conduire à un rationnement ducrédit dans les autres pays de l’Est.

En définitive, la situation économique et financière apparaît donc plus favorable à l’Est qu’à l’Ouest, et même la Hongrie, vilain petit canard de la région, est loin de présenter une situation aussi précaire que celle de la Grèce.

Une dépendance rédhibitoire

Notons toutefois que si l’arrimage de l’Europe de l’Est à l’Union européenne a permis à cette régionde se redresser, il constitue, dans le contexte actuel, un handicap. Tributaire, financièrement et commercialement, des flux en provenanced’Europe de l’Ouest, l’Europe de l’Est est directement touchée par la crise de la dette et les mesures d’austérité à l’Ouest. Or, c’est précisémentcette dépendance vis-à-vis de grands pays européens en panne qui, bien plus que des faiblesses locales surtout concentrées en Hongrie, pénalisera la croissance de cette région.

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