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Comment payer les promesses électorales? L’exemple belge

Comment payer les promesses électorales? L’exemple belge 

À défaut de faire ce qui est nécessaire pour tous, les partis politiques font plaisir à leur groupe d’électeurs. Deux chercheurs de l’Itinera Institute constatent ainsi que les promesses avancées par les partis seraient bien difficile à financer si elles étaient concrétisées…Toute ressemblance avec d’autres partis existants dans d’autres pays  est bien entendu fortuite…

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Notre système de vote proportionnel et l’éclatement des familles politiques produisent des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d’une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher.

Avec plus de neufs partis politiques distincts au pouvoir, la politique devient un jeu des politiques où la défense de groupes d’intérêt particuliers prédomine sur la poursuite de l’intérêt général. À défaut de faire ce qui est nécessaire pour tous, on fait plaisir à son groupe d’électeurs. On s’isole ainsi toujours plus de la réalité d’ensemble en cherchant la division pour bien marquer son territoire, là où la coopération serait nécessaire pour nous sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons.

Une parfaite illustration de ce phénomène se retrouvait dans les programmes des partis politiques pour les élections du 13 juin prochain. À l’instar de beaucoup de pays européens, nous vivons une crise budgétaire grave avec une perte de contrôle, depuis 2009, de nos finances publiques sous la forme d’un double effet boule de neige.

L’endettement belge

Premièrement, sous l’effet de l’accroissement massif de notre dette en vue d’amortir la crise, notre taux d’endettement est aujourd’hui un des plus élevés d’Europe juste après la Grèce et l’Italie, mais loin devant le Portugal et l’Espagne.

Les charges d’intérêt aujourd’hui supérieures à 12 milliards d’euros augmentent maintenant plus vite que notre revenu national et face à la menace pressante d’une sanction des marchés financiers et une dégradation de la notation de la dette publique belge, elles risquent de poursuite leur accroissement.

Trappe à Dettes : Un match Belgique-Grèce (cliquez sur le lien)

Deuxièmement, sous l’effet du vieillissement et des départs massifs à la pension, notre système de sécurité sociale accumule d’importants déficits récurrents de 3,5 milliards d’euros par an. La moitié de ce montant est prise en charge par le pouvoir fédéral et contribue ainsi à creuser le déficit public. Les dépenses sociales augmentent plus vite que notre revenu national, provoquant dès lors un second effet boule de neige sur nos finances publiques.

Ce n’est que le début puisque dans les années à venir, ce déficit menace de se creuser davantage suite à l’accélération des départs à la pension et à la croissance des dépenses de soins de santé de 4,5 % par an hors inflation. C’est un double cercle vicieux: le vieillissement creuse le déficit, le déficit creuse la dette et le coût de la dette creuse le déficit. Selon le Bureau du Plan, les déficits annoncés pour les cinq prochaines années s’élèvent à 20 milliards d’euros par an, et cela même avec une croissance forte supérieure à 2 % par an.

Pour répondre à cette crise budgétaire, le Bureau du Plan propose un effort budgétaire total de 65 milliards d’euros sur 5 ans pour retrouver l’équilibre budgétaire en 2015, et pouvoir ensuite dégager des surplus pour financer les coûts du vieillissement. Concrètement, cela revient à trouver chaque année plus de 22 milliards d’euros supplémentaires, sous forme de réduction de dépenses, de gains d’efficience ou d’augmentation d’impôts.

Fausse solidarité

Dans ce contexte, nous pourrions feindre de nous étonner du silence, voire des dénégations, des politiques du sud et du nord du pays, de gauche comme de droite, face à cette crise budgétaire préoccupante. Mais la réalité n’appelle pas au pessimisme mais bien au réalisme. Pourtant, ni les uns ni les autres, par réalisme électoral sans doute, n’ont intérêt à heurter les sensibilités d’une population de pensionnés qui n’a jamais été aussi importante (plus de 2 millions) et aussi active politiquement. Face à cette situation, chaque parti a rendu son verdict qui est celui du maintien, aussi longtemps que possible, des avantages sociaux au nom de la solidarité. Mais c’est une fausse solidarité qui a oublié ses enfants. En outre, en plus du maintien des dépenses existantes, il y a une véritable surenchère de nouvelles dépenses.

En s’intéressant de plus près au contenu des programmes électoraux, il est en effet possible d’effectuer le recensement des mesures pour lesquelles il n’y avait aucun doute quant à la nécessité de fournir des moyens financiers supplémentaires.

Au nord, on a ainsi pu constater que le CD & V ne proposait pas moins de 32 nouvelles dépenses (dont 30 sans financement direct), le SP.a 55 (dont 41 sans financement direct), la N-VA 26 (dont 17 sans financement direct), l’Open VLD 21 (dont 16 sans financement direct) et Groen! 66 (dont 40 sans financement direct). Au Sud, le cdH ne propose pas moins de 59 nouvelles dépenses (dont 56 sans financement direct), le PS 55 (et aucun financement direct), Ecolo 28 (dont 26 sans financement direct) et le MR 31 (dont 27 sans financement direct).

Financement flou

Derrière ces nouvelles propositions de dépenses des partis francophones, se cache une volonté d’accroître le pouvoir d’achat du citoyen via la réduction de cotisations sociales, la revalorisation des pensions, le rehaussement du revenu minimal, l’augmentation des allocations familiales et l’augmentation d’allocations sociales accordées à certaines personnes. Or l’électeur n’est pas dupe et il sait que ces promesses ne pourraient aboutir sans peine, vu la situation économique actuelle et les défis à assumer dans le futur.

Pour nous rassurer, les partis francophones nous présentent alors, de manière générale et évasive dans leurs programmes, des moyens de financement issus de la lutte contre la fraude fiscale, la taxation sur les transactions financières spéculatives et la contribution du secteur nucléaire. Ces espoirs seront-ils à la hauteur des promesses? Il y a des doutes, surtout quand il faut constater la façon dont certains partis évitent d’aborder la réalité et d’apporter des remèdes chiffrés et réalistes aux difficultés budgétaires d’aujourd’hui et de demain. D’ailleurs, rien que le nombre de lignes dans les programmes à ce sujet est là pour appuyer ce propos.

Même si la peur d’effrayer leur électorat et de manquer leur opération séduction les tenaille, les partis politiques n’ont d’autres choix que de s’apprêter à affronter la réalité. Les jeunes générations risquent sinon d’être sacrifiées pour une solidarité vieillissante qui se fait politiquement sans elle et économiquement contre elle. Mais l’injustice suscite l’injustice, et cette génération sacrifiée ne tardera pas à faire sentir son mécontentement, et pourrait bien un jour menacer de se désolidariser d’un système de sécurité sociale dont elle ne pense plus pouvoir bénéficier à son tour au bout du compte.

Isabelle Martin et Jean Hindriks, Itinera Institute mai10

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