B.R.I. (Banque des Règlements Internationaux)

L’endettement public et ses dangers ignorés par Henri Schwamm

L’endettement public et ses dangers ignorés

Une dépense immodérée menace la solvabilité de l’Etat et limite la croissance potentielle. Mais elle rend également la tâche des autorités monétaires plus difficile.

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Faut-il que la situation soit grave pour que la Banque des Règlements Internationaux (BRI), dans son 80e rapport annuel, lance une mise en garde aussi sévère: «Les Etats (Etats-Unis compris) doivent réduire absolument leurs déficits et les banques centrales ne doivent pas trop tarder à relever leurs taux, car les effets collatéraux des remèdes prescrits contre la récession mondiale pourraient déclencher une nouvelle crise»!

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Dans bon nombre de pays avancés, la dette publique suit une trajectoire intenable. Une dépense immodérée menace la solvabilité de l’Etat, limite la croissance potentielle et entraîne une détérioration du niveau de vie. Elle rend également la tâche des autorités monétaires plus difficile pour maîtriser l’inflation.

Trois facteurs fondamentaux peuvent entraîner à terme un recul de la croissance économique potentielle et une dégradation du niveau de vie:

 la hausse des paiements d’intérêt, l’exacerbation de la concurrence dans le placement des titres et l’affaiblissement de la politique budgétaire.

 Le risque d’évincement des dépenses productives (destinées aux infrastructures, à l’éducation et à la santé, par exemple) est réel et un alourdissementde la fiscalité, source de distorsion, est à craindre.

Une dette publique plus élevée fera concurrence à d’autres instruments, dont les titres émis pard’autres Etats, dans les portefeuilles privés. Cette concurrence, conjointement avec une augmentation des primes de risque de défaillance et d’inflation, peut provoquer une hausse des taux d’intérêt réels, qui aura pour conséquence une contraction équivalente du stock de capital privé. Un niveau plus élevé d’endettement risque aussi de limiter la portée et l’efficacité de la politique budgétaire. L’intensification de la volatilité macroéconomique qui en découlerait freinerait probablement l’accumulation de capital.

Enfin, la détérioration persistante des soldes budgétaires pourrait compliquer la tâche des banques centrales, soucieuses de maintenir l’inflation stable à un bas niveau. Le gonflement de la dette publique incite davantage à tolérer une accélération inattendue de l’inflation, qui réduit la valeur réelle de la dette. Les investisseurs, constatant l’échec persistant des pouvoirs publics à combler le déficit budgétaire, pourraient finir par se montrer réticents à détenir des titres d’Etat.

Si la dette ne pouvait plus être renouvelée, la banque centrale serait contrainte, pour éviter le défaut de paiement pur et simple du pays, d’acheter des obligations d’Etat, et donc de laisser croître la masse monétaire.

Ces risques soulignent l’urgence de mesures crédibles en vue de réduire le déficit budgétaire dans les pays endettés. Les pays dont la dette publique est élevée et augmente rapidement, et dont la solvabilité a été mise en question, n’ont d’autre choix que d’agir immédiatement.

Tout retard constitue en soi une menace pour le système financier et la reprise économique.

Deux grandes options s’offrent pour assurer une viabilité durable des finances publiques.

La première est d’encourager une augmentation de la productivité globale et de la concurrence potentielle en prenant des mesures propres à réduire les dépenses non productives, à modifier la structure des régimes fiscaux et à mettre en oeuvre des réformes sur les marchés du travail et des biens. Grâce à de telles mesures prises rapidement, les marchés garderaient confiance et les taux d’intérêt pourraient être maintenus à un bas niveau, ce qui faciliterait du même coup la réduction des déficits budgétaires actuels.

La seconde est de développer la taille de la population active par rapport à la population âgée: en encourageant l’immigration ou en augmentant le taux de participation au marché du travail, surtout pour les femmes et pour les travailleurs les plus âgés (silver workers). Une solution efficace et durable consiste à favoriser un allongement de la vie active des salariés. Un report de l’âge de la retraite atténue la nécessité d’augmenter les impôts.

Des impôts élevés faussent l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail et pèsent plus lourdement sur les jeunes générations.

Ces mesures risquent d’avoir, à  bref délai, des effets négatifs sur la croissance de la production. Ces coûts initiaux possibles seront largement compensés par les avantages plus durables d’une baisse des taux d’intérêt réels, d’une plus grande stabilité du système financier et d’une amélioration des perspectives de croissance économique.

Renoncer aux mesures de resserrement budgétaire exposerait les pays concernés à une perte soudaine de confiance du marché – ce qui serait bien pire.

HENRI SCHWAMM  Université de Genève juil10

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