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Stress Test Banksters : Des tests de résistance peu éprouvants

 Stress Test  Banksters : Des tests de résistance peu éprouvants

La montagne a finalement accouché d’une souris, les tests de résistance n’ayant été nullement éprouvants pour les banques européennes. Une étude de Goldman Sachs, publiée avant les résultats, tablait sur l’échec de 10 banques, avec un déficit total de fonds propres de 38 milliards d’euros. En fait, seules sept établissements ont raté le test, avec un besoin global de capitaux propres estimé à 3,5 milliards d’euros. Les banques ayant échoué aux tests comprenaient 5 établissements espagnols, 1 banque allemande, et 1 grecque. Ces résultats ont peu de chances d’inspirer une grande confiance aux investisseurs, mais la véritable épreuve aura lieu dans les prochains jours lorsque le marché mettra à profit ces révélations, notamment sur l’exposition aux obligations souveraines, pour tirer ses conclusions sur la santé individuelle des banques.

PLUS/MOINS DE STRESS EN SUIVANT :

Le faible taux d’échec n’est guère surprenant au vu de la simplicité des critères du test. Certes, il est difficile d’ergoter sur les hypothèses macroéconomiques, le scénario « adverse » étant plus exigeant que ne s’y attendait le marché, lui-même. Ce scénario incluait une récession en double creux, avec une contraction de l’économie – peu probable mathématiquement – de 0,2% cette année, et une croissance de 0,1% seulement l’an prochain. Mais si les tests de résistance ont recommandé de fortes augmentations des probabilités de défaut et d’hypothèses de pertes, ils n’ont pas remis en question les hypothèses actuelles de défaillance des banques dans leur scénario de base, que le marché soupçonne fortement d’être trop optimistes.

Plus important, le scénario du choc souverain – qui évaluait l’impact d’un accroissement de la volatilité sur le marché des emprunts souverains, et était le principal point de mire des investisseurs avant la publication – s’est avéré sans intérêt. Ce test ne s’est intéressé qu’aux actifs détenus sur le cahier de cotation, ignorant les carnets de banque où se concentre la majeure partie de l’exposition des banques aux obligations souveraines. Les décotes appliquées aux emprunts souverains étaient également très faibles. Dans le scénario adverse, le rendement des emprunts à 5 ans de la Grèce a atteint 13,64%, ce qui équivaut à une décote de 23% par rapport aux prix de décembre 2009. Pourtant, au plus fort de la crise grecque, les rendements des obligations à 5 ans sont montées jusqu’à 17%.

En outre, le taux de fonds propres requis était faible. Ce scénario visait un ratio Tier 1 de 6% – ce qui est peu élevé étant donné que les banques européennes affichent en moyenne un ratio de fonds propres Tier 1 de 10% – au lieu de se focaliser sur les capitaux propres core Tier 1, de plus grande qualité, comme l’aurait préféré le marché. Les tests de résistance menés aux Etats-Unis en 2009 exigeaient des banques d’atteindre un ratio de fonds propres core Tier 1 supérieur à 4%, dans des conditions difficiles.

Malgré tous ces éléments, ce serait toutefois une erreur de considérer ces tests de résistance comme étant une perte de temps. L’exercice a pour principale vertu d’avoir fait entièrement la lumière sur l’exposition des banques européennes aux obligations souveraines à la fois sur le carnet de banque et le cahier de cotation, laquelle sera disséquée par les analystes, en mesure désormais d’appliquer leurs propres décotes. Les investisseurs peuvent également saluer la diffusion d’informations sur l’exposition, plus large, de 27 banques espagnoles à l’immobilier, qui répond à des inquiétudes majeures. Le marché est néanmoins susceptible à présent d’exercer des pressions sur les banques sous-capitalisées individuellement, ce que les régulateurs ont évité de faire.

-Simon Nixon, Wall Street Journal juil10

EN COMPLEMENT : Un stress test n’est jamais rien d’autre qu’un stress test

Oscar Bernal, économiste chez ING 

Parmi les 91 banques examinées par le Comité des Superviseurs Bancaires Européens, seules 7 ont échoué le fameux stress test, c’est-à-dire qu’elles verraient leur Tier 1 tomber en dessous du seuil de 6% retenu pour le test. Si le minimum réglementaire se situe à 4%, il est néanmoins vrai qu’en cas de stress les marchés tendent à se montrer bien plus exigeants concernant le niveau de capitalisation des banques.

A ce titre, il est intéressant de remarquer qu’en augmentant le seuil de réussite du test – disons à 8%, ce qui correspond au minimum réglementaire généralement attendu par le marché en ce qui concerne les futurs accords de Bâle III – ce ne seraient pas moins de 39 banques qui auraient échoué.

Néanmoins, l’écrasante majorité des banques européennes ont réussi le test, ce qui soulève des interrogations concernant les hypothèses des scénarios envisagés ainsi que sur la crédibilité des résultats. Beaucoup a été écrit depuis vendredi à ce sujet.

En substance, les principales objections qui ont été avancées sont au nombre de quatre :

1. Les scénarios envisagés ne seraient pas assez « durs » ;
2. L’hypothèse d’un défaut souverain a été exclue;
3. Les dépréciations sur la dette souveraine ne concerne que le compte de trading (alors que la dette publique détenue par les banques l’est majoritairement jusqu’à maturité);
4.Le test se concentre sur le niveau de capitalisation et exclut le risque de liquidité.

Malgré que ces objections soient légitimes, je ne pense pas que l’on puisse rejeter les résultats du test d’un simple revers de la main. Tout d’abord, le scénario de stress peut certes apparaître comme relativement modéré.  Mais, compte tenu des chiffres du PIB du premier trimestre de l’année et de ce que l’on peut attendre pour le second (la Commission Européenne table sur 0,4%, ce qui semble assez pessimiste), la croissance au second semestre devrait être en moyenne de -0,4% à -0,5% par trimestre pour atteindre une contraction de 0,2% sur l’ensemble de l’année. Cela resterait assez éloigné des chutes du quatrième trimestre de 2008 et du premier trimestre de 2009 (où le PIB avait reculé respectivement de 1,9% et 2%), mais cela demeurerait quand même très mauvais.

Par ailleurs, il faut souligner que le scénario de stress envisage pour deux années consécutives une combinaison explosive entre pressions déflationnistes et augmentation généralisée des taux d’intérêts en Europe, ce qui correspondrait à une situation où, concrètement, les banques centrales auraient perdu, du moins partiellement, la capacité d’influencer les taux d’intérêts par leur politique monétaire. 

Défaut souverain

Concernant l’hypothèse d’un défaut souverain et le fait que les dépréciations sur la dette ne concernent que les seuls comptes de trading, il ne faut pas oublier non plus que les gouvernements de la Zone euro ont crée le « European Financial Stability Facility » précisément pour limiter ces risques.

Ce mécanisme peut collecter des fonds jusqu’à hauteur de 440 milliards d’euros sur les marchés avec la garantie des Etats membres pour ensuite accorder des prêts aux Etats en difficulté. Ce mécanisme ne serait clairement pas suffisant pour aider l’ensemble des pays européens « à risque » simultanément.

Mais ce qui semble devoir compter ici est plus le signal que la mise en place d’un tel mécanisme véhicule, à savoir l’existence d’une volonté en Europe de ne pas laisser un défaut souverain survenir. Cela dit, il semble clair également qu’en cas de défaut de paiement sur sa dette de l’un des pays de la Zone euro, celle-ci basculerait dans son ensemble dans une dimension bien éloignée du cadre d’application du stress test. A cet égard, on peut difficilement blâmer les autorités européennes d’avoir écarté cette éventualité.

Enfin, en ce qui concerne la liquidité, la BCE ainsi que d’autres banques centrales européennes n’ont pas hésité à en injecter massivement dans le marché interbancaire lorsque les taux ont explosé. Il n’y a pas de raison objective pour laquelle les banques centrales se détourneraient de cette stratégie si des tensions vives devaient réapparaître sur le marché monétaire. A cet égard, n’oublions pas que, à l’heure actuelle, la BCE s’est virtuellement substitué au marché monétaire pour ce qui concerne le refinancement à court terme du secteur bancaire en Zone euro.

Pas d’enthousiasme débridé

Les marchés semblent ne pas avoir réagi avec un enthousiasme débridé à la publication des résultats. Cela était prévisible. Néanmoins, on ne peut exclure le fait que les banques qui n’ont réussi le test que de justesse puissent être mise quelque peu sous pression.

Mais, ce qui semble être le plus important est de garder à l’esprit qu’un stress test n’est rien d’autre qu’une évaluation de ce qui se passerait « si ». Il semble à ce titre déraisonnable que les scénarios de stress deviennent un benchmark, comme cela est parfois le cas. En attendant, même si elle n’est pas très vigoureuse, la reprise continue en Europe et dans la Zone euro.

Oscar Bernal
Economiste ING
Maître de conférences aux FUNDP
Chercheur visiteur à l’ULB

Stress tests: Alors, heureux?

Les résultats des tests de résistance sont donc connus depuis vendredi soir. Les analystes ont mis a profit le week-end pour se pencher sur leurs implications. Voici des morceaux choisis d’études réalisées par de grandes banques. On commence avec Barclays Capital et son analyse intitulée « Happy Now? ».

 

–>Les analystes ne s’attendent pas à un fort rebond en Bourse des valeurs bancaires comme ce fut le cas après les stress tests américains. Les circonstances économiques ne sont pas les mêmes. Les stress tests US ont coincidé avec des signes de reprises économiques, ce qui ne fut pas le cas cette fois.

–>Dans l’ensemble Barclays estime que ces tests sont crédibles et qu’ils ont surtout été réalisés, non pas pour rassurer le marché des actions, comme ce fut le cas aux USA, mais plutôt dans une perspective de financement (marché de la dette)

–>Tableau: classement des banques cotées selon le Tier 1. On notera le bonne performance de Dexia qui figure en troisème position.

Barclays tableau

–>Barlcays relève que si le seuil du ratio « equity Tier 1 » de 4% utilisé lors des tests US avait été appliqué en Europe quatre banques (parmi les cotées) auraient été recalées dont KBC.

–>L’élément le plus important à retenir de ces tests, ce ne sont pas les résultats mais le nouvel éclairage apporté sur le risque souverain, souligne Barclays.

–>Les coûts de financement vont-ils baisser ? C’est sans doute la question clé estime Barclays qui note que la pression est surtout structurelle : il n’y a pas assez de fonds disponibles. Les banques européennes ont 1.500 milliards d’euros de dettes qui arriveront à maturité  en 2012.

–>Danske Bank pointe trois faiblesses liées au “choc souverain” des tests. Pour rappel, un des trois scénarios élaborés pour tester les bilans bancaires comporte des décotes (« haircuts ») sur des titres de la dette souveraine de plusieurs pays, ce que l’on appelle le « choc souverain ».

Les faiblesses en question sont :

1. Les pertes de trading sur la dette souveraine sont modestes voire même inexistantes dans certains cas. Cela est du au fait qu’une grande partie de celle-ci est détenue dans le « bank book » et donc est supposée être détenue jusqu’à maturité. A titre d’exemple, la dette grecque est détenue à près de 90% dans les « bank books ».

2. La décote utilisée dans le « choc souverain » n’est pas si stressante que ça. Dans la cas de la Grèce (23%), par exemple, elle est proche de ce qu’impliquent les rendements obligataires actuellement affichés.

3. Plutôt que des « haircuts » (décote) sur la dette souveraine, ce scénario aurait du comprendre le défaut pur et simple d’un pays de la zone euro. Ce à quoi le CEBS, l’organisme qui a organisé ces tests, a répondu qu’il n’était pas question de permettre la mise en défaut d’un pays.

–>La bonne surprise liée à la publication des tests de résistance concerne la transparence en matière de risque souverain. A part quelques banques allemandes, tous les établissements ont fait la lumière sur leur portefeuille ce qui permet au marché d’avoir suffisamment d’informations pour calculer l’impact d’un défaut souverain.

–>Danske Bank estime que ces tests sont modérément positifs mais qu’ils ne vont pas bouleverser la donne dans le court terme. Elle s’interroge aussi sur le sort des banques qui ont réussi l’examen de justesse et pointe l’importante dépendance en Europe entre la confiance dans le secteur bancaire et celle dans  l’avenir des finances publiques.

–> Tableau: Les banques les plus vulnérables.

 

 

–>JP Morgan Casenove salue le flux des informations publiées dans le cadre des tests ce qui lui permet d’affiner ses propres analyses.

–>Elle a ainsi tenu compte des décotes dans le « banking book » et pas seulement dans le « trading book » comme les stress tests l’ont fait. Dans ce cas de figure, sur les 35 banques qu’elle suit, 13 finissent sous le seuil d’un Tier 1 de 6%.  Pour 2011, cela correspond à un déficit en capital de 8,7 milliards d’euros dont 4,2 milliards rien que pour quatre banques grecques.

–>Pour JP Morgan Cazenove, ces tests sont aussi une occasion manquée. Les pays concernés auraient dû en profiter pour encourager leurs banques à augmenter leur capital. Pour deux raisons :

1. Le ratio Tier 1 restera faible en 2011 (à 7,4% selon ses propres calculs).
2. Démontrer aux investisseurs, côté dette, la capacité à accéder aux marchés des capitaux.

–>Cette occasion manquée de démontrer cette faculté de faire appel aux marchés des capitaux est d’autant plus dommageable que le secteur bancaire va faire face dans les deux années à venir à d’importantes échéances en matière de refinancement

Stéphane Wuille echo juil10

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