Cycle Economique et Financier

Attention aux récessions à répétition ! par Michael Boskin

Attention aux récessions à répétition ! par Michael Boskin

L’optimisme engendré par la reprise à l’issue de la crise financière et de la récession fait place à une évaluation plus tempérée des défis à court, moyen et long terme auxquels va être confrontée l’économie, tant au niveau mondial qu’aux niveaux nationaux.

Un peu partout on craint une période prolongée de ralentissement qui pourrait s’accompagner d’une croissance négative, des difficultés prolongées dans la lutte contre le chômage et la persistance d’incertitudes quant à l’avenir économique. Parfois on redoute quelque chose de plus inquiétant, une « décennie perdue » avec de multiples récessions à l’image du Japon, ou pire encore, une dépression (que les dirigeants politiques et les intellectuels gardent en réserve à titre d’argument qui pourrait justifier la prolongation de l’intervention massive de l’Etat dans l’économie pour les années à venir).

Mais les rechutes économiques à répétition sont-elles si inhabituelles lors des crises économiques ? Il faudrait répondre à cette question avant de tenter de relancer l’économie à court terme par des mesures répétitives et coûteuses, susceptibles d’assombrir les perspectives à long terme.

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La récession mondiale a été grave, sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale, si ce n’est peut-être au début des années 1980, quand le taux de chômage en Amérique a grimpé à 10,8% en raison de la désinflation qui a suivi une hausse des prix supérieure à 10% à la fin des années 1970. Entre le début de la crise en décembre 2007 et la fin apparente de la récession à l’été 2009, le PIB en termes réels a baissé de 3,8% aux USA.

Tous les autres pays du G7 (le Japon, l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume-Uni) ont également traversé de graves récessions durant cette période. La plupart des pays nouvellement développés à revenus moyens (notamment le Brésil, la Corée du Sud, Singapour et Taiwan) ont connu momentanément des difficultés encore plus importantes. Le ralentissement a été tel et a duré si longtemps que l’on a parfois utilisé le terme de dépression avant de parler de « Grande récession ».

Comment définit-on une récession ? Cela varie d’un pays à l’autre, les instituts de statistique en donnent des définitions différentes et par conséquent ne les datent pas de la même manière. Aux USA, ce sont des organismes privés indépendants à but non lucratif qui font ce travail, ce qui lui ôte tout caractère partisan.

On qualifie de « pic » le point où une économie cesse de croître et de « creux » celui où elle cesse de se contracter. La période comprise entre le moment où elle recommence à croître et celui où elle atteint le niveau du pic précédent s’appelle la « reprise ». La période qui suit est « l’expansion ».

Les économistes définissent la fin d’une récession par la reprise de la croissance. L’économie tombe au fond d’un puits et dès qu’elle commence à s’en extraire – même s’il faut du temps pour qu’elle revienne à son niveau précédent – ils estiment que la récession est terminée. Il n’est donc pas étonnant que l’opinion publique ait une optique différente et considère qu’une récession est terminée seulement au moment où l’économie revient à la « normale », autrement dit quand les revenus augmentent et le chômage diminue.

En règle générale, deux trimestres consécutifs de baisse du PIB en termes réels constituent une récession. Mais nombre de récessions ne suivent pas cette règle, ainsi que le montrent les crises de 1974-1975 et de 2001 aux USA. En complément du PIB en termes réels, il faut prendre en compte le chômage, les revenus, le commerce, la profondeur, la durée et la diffusion de la crise dans l’ensemble de l’économie. 

Dater une récession est parfois affaire de discernement. L’Amérique a connu une récession brusque, mais de courte durée en 1980, suivie par une autre, plus longue et très marquée en 1981-1982. Beaucoup d’économistes estiment qu’il s’agit d’un événement de toute première importance et c’est sans doute vrai dans un contexte historique plus large.

Mais entre les deux il y a eu une phase de croissance suffisante pour considérer qu’il s’agissait de deux récessions différentes. Et comme dans cet intervalle  il y a eu également le passage de la présidence de Carter à celle de Reagan, du point de vue politique il était logique de les distinguer. De la même manière, selon les organismes officiels, la récession récente a débuté en décembre 2007, mais ils auraient pu tout aussi bien dater son début de l’été 2008, car il y a eu une phase de croissance entre ces deux dates.

Les récessions doubles ne sont pas une exception. Si en se basant sur le PIB réel on définit une récession double comme une période comportant une première phase assez longue pour être considérée comme une récession, suivie par un redémarrage et peu après par une récession franche, la période 1980-1982 aux USA correspond indubitablement à une récession double. Si de manière plus générale on la définit comme une succession de phases de croissance et de déclin, la période 1973-1975 aux USA avec 8 trimestres de croissance et de déclin en termes de PIB réel était une récession quadruple.

Ce sont des événements relativement fréquents. A peu prés à la même époque, l’Allemagne a connu une récession double et le Royaume-Uni une récession quadruple. Au début des années 1980, le Royaume-Uni, le Japon, l’Italie et l’Allemagne ont connu une récession double. En  2001 l’Amérique a traversé une récession double, assez courte et d’ampleur modérée. La crise actuelle a connu une phase de récession double, un plongeon au début de 2008 suivie d’une certaine croissance et un nouveau plongeon, profond et prolongé celui-là, et à nouveau la croissance. Si l’économie s’effondre à nouveau – ce qui est tout à fait plausible – nous aurons probablement une récession triple, plutôt qu’une deuxième récession bien marquée.

L’Histoire montre que dans la plupart des cas une économie qui sort d’une récession subit une rechute, généralement moins grave que l’épisode initial. Depuis la Deuxième Guerre mondiale l’Amérique a connu des récessions doubles, triples et quadruples ; et bien d’autres pays ont traversé des épreuves similaires. Malgré toute une série de mesures de relance keynésiennes qui ont fait de lui le pays le plus endetté au sein des économies avancées, le Japon a traversé trois récessions lors de sa « décennie perdue », à partir du début des années 1990.

On constate maintenant une tendance à une légère croissance mondiale (aux USA son taux est de l’ordre de 3%, soit la moitié de ce qu’il est généralement après des récessions marquées), mais l’Histoire montre que l’on peut s’attendre à un nouveau déclin économique avant le retour à une croissance soutenue.

 Project Syndicate, JUIL 2010

3 réponses »

  1. 1/Une  » croissance négative » c’est une « décroissance ».
    2/Pour clarifier votre propos quelques graphiques annotés auraient été le bien venu.

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