Commentaire de Marché

L’avenir dissimulé de l’économie américaine par Martin Feldstein

L’avenir dissimulé de l’économie américaine par Martin Feldstein

  Les perspectives économiques américaines sont mauvaises, mais jusqu’à quel point ? Les prévisions ne permettent malheureusement pas de le dire.

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 Par les temps qui courent, il est courant de lire des prévisions prétendant que l’économie américaine connaitra une croissance annuelle de 3% cette année. Mais que signifie cela ?

Le prévisionniste ne dit pas qu’il ou elle pense vraiment que la croissance sera précisément de 3%. Tous les prévisionnistes reconnaissent que la croissance effective pourrait être inférieure ou supérieure au chiffre avancé. Il y a un éventail de possibles taux de croissance, et le prévisionniste ne nous communique qu’une des éventualités envisagées.

Mais si le prévisionniste « s’attend » à un taux de croissance de 3%, cela signifie-t-il qu’il est aussi probable que le taux soit au-dessus des 3% qu’au dessous des 3% ? – le “médian,” selon lui, de l’éventail des possibilités ? ou cela peut-il vouloir dire qu’il pense qu’il est plus probable que le taux de croissance sera plus proche de 3% (la valeur « modale »), même s’il estime qu’il est fort probable que ce soit moins que cette valeur que plus ?

De nombreux prévisionnistes estiment qu’il y a une forte probabilité pour que l’économie s’effondre au cours des 12 prochains mois – un effet de double creux dans le processus de croissance. Ils peuvent soutenir cet argument et persister à prévoir une croissance à 2% pour les 12 mois à venir comme étant une probable éventualité, soit le « médian » de leur ventilation de probabilités.

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Tout décisionnaire, quel qu’il soit, dépendant des prévisions – un homme d’affaire, un investisseur ou un responsable politique – a besoin de connaître la probabilité d’un taux de croissance très bas ou très élevé, ainsi que la prévision médiane. Mais cette information reste voilée.

Certaines enquêtes de prévisions donnent une ventilation des prévisions envisagées par les différents individus sur lesquels porte l’enquête. On pourrait y lire que la prévision moyenne de vingt prévisionnistes différents est de 2,8%, les cinq prévisions les plus hautes étant de 3,2% et les cinq plus basses, inférieures à 2,5%. C’est une information utile, mais cela n’indique rien sur la conviction de chacun des prévisionnistes par rapport à l’éventualité d’une croissance inférieure à 1% ou même négative.

Des données américaines récentes ont visiblement rehaussé la probabilité d’un essoufflement et d’un déclin de l’économie dans les douze prochains mois. La raison principale de ce pessimisme accru est que les plans de relance du gouvernement qui ont contribué à une hausse des dépenses depuis 2009 arrivent à leur terme. Alors qu’ils touchent à leur fin, les dépenses ont décliné. 

Ces plans de relance n’ont pas rempli leur rôle « d’amorce de pompe » attendu. Ils ont créé une première étincelle, mais cette étincelle ne semble pas avoir pris. Par exemple, une prime à l’achat d’un véhicule a entrainé une augmentation du PIB au troisième trimestre 2009, avec plus d’un tiers de cette augmentation imputable à la production de véhicules. Mais maintenant que ces subventions ont été supprimées, les niveaux de ventes comme ceux de production ont baissé. Une récente enquête de consommateurs a révélé le plus bas taux d’intention d’achat de voiture en plus de 40 ans.

Alors que le taux de croissance annuelle était au premier trimestre de cette année de 3% du PIB, une grande part de ce résultat reflète le niveau d’accumulation d’inventaire – dont une part était sans nul doute une accumulation non désirée provoquée par des ventes décevantes. Si l’on exclue l’accumulation d’inventaire, la hausse des ‘ventes fermes’ n’était que de 0,8% annualisé au premier trimestre  – et de 0,2% comparé au quatrième trimestre de 2009. 

Les chiffres du deuxième trimestre ont profité d’une poussée de l’immobilier due à la prime accordée à tout acheteur d’un bien immobilier et qui prenait fin en avril. Mais que va-t-il se passer au troisième trimestre, et au-delà, maintenant que cette mesure a pris fin ?

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Il serait téméraire d’envisager l’éventualité d’un double creux dans l’économie pour le reste de l’année, mais nombre d’entre nous pensons fortement que les chances sont bien réelles pour un tel repli. Malheureusement, ces prévisions sur ce qui pourrait advenir demeurent dissimulées.

Martin Feldstein, professeur en économie à l’université Harvard, a présidé le Bureau des conseillers économiques du président Ronald Reagan et dirigé le Bureau national pour la recherche économique. 

 Project Syndicate, juil 2010

BILLET PRECEDENT : Martin Feldstein : Euro / chronique d’une crise annoncée (cliquez sur le lien)

2 réponses »

  1. Inutile de se perdre dans des calculs de probabilité, la dépression est là et sa cause, aux US comme en Europe, a ses origines dans les années 80. Le processus est aussi mécanique qu’un moteur à explosion moderne. Délocalisations continues des industries, donc des emplois principalement ouvriers mais pas seulement, puis plus récemment des services, donc des emplois bien payés – Chômage de masse – paupérisation des classes moyennes – baisse des investissements et de la consommation – baisse du pib – baisse de rentrée de TVA – baisse des dépenses d’Etat aggravée par la baisse des impôts entrepris depuis 30 ans aux US. Faillites en série y compris et surtout des états conduisant à des licenciements massifs – cercle infernal à quatre temps, comme je vous le disais. Une seule incertitude, la date de l’explosion. Un seul remède, diabolisé par les irresponsables aux commandes, un protectionnisme dur pour un retour des productions et des emplois.

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