Cycle Economique et Financier

Une interprétation hâtive du BDI pourrait ignorer certains facteurs par Jeannette Williner

Une interprétation hâtive du BDI pourrait ignorer certains facteurs par Jeannette Williner

BALTIC DRY INDEX : Sa baisse annonce-t-elle forcément la version la plus pessimiste de l’évolution économique?

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Le graphique du BDI (Baltic Dry Index) semble suggérer un superbe head & shoulders. Personne n’en parle, donc cette impression est sûrement erronée. Pourtant certains vrais techniciens n’hésitent pas à dire que le BDI a du plomb dans l’aile. C’est le moins que l’on puisse constater. Passé de 4000 à 1700 en deux mois, le BDI n’a pas été touché positivement par les Titanic de fèves de cacao.

L’ennui est que le S&P 500 suit en général cet indicateur. Faut-il apporter quelques éléments modérateurs à cette interprétation?

Jusqu’à très récemment, les statistiques américaines relatives aux matériaux pondéreux étaient toujours au beau fixe. Et puis, soudainement, bien que les chiffres sur douze mois continuent d’être largement positifs, la courbe a fléchi suivant ainsi une demande affaiblie pour les matières premières de base alors que les statistiques avaient bien tenu le coup lors de la fermeture de plusieurs points de fabrication d’automobiles.

 Les analystes constatent que les prévisions à long terme pour la demande de matières premières restent excellentes et ne peuvent être ignorées. Cependant, beaucoup d’incertitudes demeurent.

 Le minerai de fer est un cas à part et influencetrop les esprits. Encore que les perspectives pour ce dernier et pour le troisième trimestre soient en légère décélération d’après M.Mittal qui anticipe malgré tout une bonne année 2010. En juin 2010, les groupes miniers angloaustraliensont transmis aux sidérurgistes leurs nouveaux prix: + 23 % sur le minerai de fer au troisième trimestre. La hausse aura donc été de 150% par rapport aux douze mois d’avril 2009 à mars 2010. Les producteurs ont-ils eu de la chance? Ou, les incertitudes des marchés ont-elles fait le travail?

D’un autre côté, les métaux non ferreux connaissaient au même moment une forte baisse. Qu’en est-il aujourd’hui? Le cuivre, l’aluminium se retrouvent au même prix. Le nickel est encore plus bas alors que le zinc et le plomb ont progressé d’environ 10%. Bien sûr par rapport à leur plus haut de l’année (en janvier) la baisse reste très importante: pour le zinc on a passédes environs de 2600 à 1900, après une reprise depuis le niveau de 1600. Pour le plomb, le cheminement est du même ordre en pourcentage.

Bien sûr il est tentant de croire que la consommation chinoise ne connaîtra aucun ralentissement.

Evident aussi que la taxation des superprofits des entreprises minières ne peut que pousser les prix àla hausse. Mais si jamais les craquements (légers compte tenus des objets construits) que l’on perçoit dans l’immobilier chinois se concrétisaient? Personne n’y croit.

Pourtant le freinage européen devient tout à fait irréfutable et l’amollissement de la croissance européenne ne va pas se transformer tout de suite en reprise.

La baisse du BDI annonce-t-elle la version la plus pessimiste de l’évolution économique? D’un autre côté, sa reprise ne serait pas forcément le reflet d’une activité économique plus soutenue et d’une demande plus forte sur le front des matières premières. Les ordres de construction annulés, des mises à la ferraille de matériel vieillissant et la congestion des ports pourraient être les vrais responsables.

Mais par ailleurs les nouveaux navires sont très nombreux et il est bien connu qu’une offre élargie ne contribue pas au redressement des prix. Certes en 2010 l’annulation de commandes, conséquence d’unmanque de liquidités, réduiront les statistiques en fin d’année.

Pourtant le tonnage disponible est très élevé et notamment en «capesize » grand vracquier trop important pour passer le canal de Suez (Suezmax) ou celui de Panama (Panamax).

 L’évolution négative du BDI pourrait être attribuée à cette abondance. En fait ce ne serait plus l’économie qui aurait des problèmes mais les armateurs.

Il est normal que devant un tonnage disponible en augmentation les prix du fret soient en baisse. En 2008, les Capesize armés se payaient quotidiennement à l’année 111.500 dollars. En 2010, on est dans la moyenne de 2009 au moment présent. Si l’on prend un prix de 30000 dollars, même s’il peut sembler bas, il est indispensable de le rapprocher des coûtsd’exploitation quotidiens de l’ordre de 8000 dollars. Cela laisse tout de même de l’argent aux armateurs…moins qu’avant bien sûr.

En compensation, si l’on se réfère aux statistiques de Clarkson, les coûts de construction ou les bateaux d’occasion (5 ans), sont à des prix qui ont très fortement reculé jusqu’à être divisé par trois. A l’heure actuelle les armateurs qui ont résisté à la tentation d’acheter dans les sommets constatent que les prix de construction sont abordables et surtout que récupérer des commandes abandonnées par des concurrents moins prudents est encore plus avantageux:  mais là il s’agit d’une course aux bonnes affaires très difficile à mener à bien. Malgré tout, certains chantiers navals vont certainement disparaître ce qui, à terme, renchérira à nouveau les prix. Ce contexte peut tempérer la foi que l’on éprouvait à l’égard du BDI, mais seulement la tempérer car cet indicateur de tendance reste fiable si l’on prend le temps d’ajuster les tonnages et les prix.

 L’ensemble restera infuencé par la croissance économique et surtout par celledes Etats-Unis. On ne peut imaginer le développement intérieur chinois se substituant au premierclient. Et celui-ci risque encore de connaître des temps difficiles: les derniers chiffres relatifs à l’immobilier, moteur important de laconsommation ne suggèrent aucune stabilisation des prix. Attendre une analyse plus pointue du BDI est judicieux: il est important de savoir de quoi on parle exactement. La réalité risque toutefois de ne pas déceler de très bonnes surprises._

JEANNETTE WILLINER Analyste indépendant juil10

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Commentaire du Wolf / Baltic Dry Index : la lourde chute d’une idole (cliquez sur le lien)

 

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