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L’apport de la concurrence fiscale par Henri Schwamm

L’apport de la concurrence fiscale par Henri Schwamm

L’ETAT N’EST PAS SEULEMENT UNE PUISSANCE RÉGALIENNE. IL EST AUSSI UN PRESTATAIRE DE SERVICES. LA CONCURRENCE FISCALE PROTÈGE DONC LE CITOYEN CONTRE UNE IMPOSITION EXCESSIVE.

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La Fondation Friedrich August von Hayek, qui a été créée en 1999 à l’occasion du centenaire de la naissance du grand économiste britanniqued’origine autrichienne et qui a son siège à Freiburg im Breisgau, organise chaque année un concours d’essais dont le lauréat est cette année le jeune juriste allemand Sandro Nücken, spécialisé en droit fiscal. Son essai est paru dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 30 juillet dernier. Il traite des rapports entre la concurrence fiscale et la liberté. Comme on pouvait s’y attendre, il y est beaucoup question de la Suisse.

Les uns diabolisent la concurrence fiscale parce qu’elle mettrait en danger l’existence de l’Etat Providence, les autres la considèrent comme une panacée dans la mesure où elle mettrait un frein aux excès de l’activité de l’Etat et lutterait avec succès contre toutes les formes d’entrave à la liberté. Cette deuxième fonction de la concurrence fiscale est souvent ignorée en Europe, déplore Sandro Nücken, à la différence de ce qui se passe aux Etats-Unis, où elle occupe une place centrale dans le débat.

On peut voir la concurrence fiscale à l’oeuvre sur le plan national (dans les Etats authentiquement fédéraux tels que le Canada, la Suisseou les Etats-Unis, mais pas en Allemagne, où le Bund domine fiscalement les Länder) et international (où manque malheureusement une instance législative et judiciaire centrale quipourrait jouer le rôle de régulateur). L’OCDE et l’Union européenne ont forgé des concepts distinguant la concurrence fiscale «acceptable»et «loyale» de celle qui serait «dommageable» et «déloyale».

Comment concrètement la concurrence fiscale protège-t-elle la liberté, se demande le jeune lauréat. Dans le langage courant, on désignepar liberté la possibilité offerte à toute personne de choisir sans contrainte entre différentes possibilités et de décider en toute indépendance. A côté de la liberté individuelle, il y a la liberté collective (des organisations, des institutions et des Etats). Les Etats sont libres de choisir le système fiscal qui leur convient. Et ils doivent le rester.

Dans une économie de marché, la concurrence incite les humains à mettre en oeuvre leurs capacités individuelles et leur savoir propre et à acquérir le plus rapidement possible un maximum de connaissances nouvelles. Hayek voyait dans la concurrence un processus de découverte.

La concurrence fiscale est le processus qui permet à la meilleure solution de s’imposer.

Un système fiscal efficace induit une allocation optimale des ressources et profite du même coup à la croissance économique. Vue sous cet angle, la concurrence fiscale garantit la liberté d’action financière de l’Etat. Tout pays peut tester, s’il le souhaite, un nouveau système fiscal. S’il échoue, il limite les dégâts. La communauté internationale n’en subit pas les conséquences.

Et s’il réussit? Le mécanisme concurrentiel, disait déjà Hayek, est une sorte d’obligation impersonnelle. Il force tous ceux dont le revenu dépend du marché à prendre les nouveautés à leur compte. Il amène ainsi les autres Etats à modifier volontairement leur comportement pour pouvoir intégrer les améliorationsdans leur système.

Au bénéfice de la concurrence fiscale, les citoyens peuvent choisir le système fiscal national qu’ils préfèrent en votant au besoin avec leurs pieds (voting by feet), selon l’expression de Charles Tiebout, c’est-à-dire en changeant de domicile fiscal. Ils jettent leur dévolu sur l’offre de biens et de services qui leur semble la plusavantageuse pour un «prix fiscal» donné. En signifiant ainsi qu’ils ne sont pas d’accord avec la politique fiscale de leur gouvernement, ils renforcent leur pouvoir politique de citoyen.

Les Etats – ou les Cantons dans le cas de la Suisse – peuvent se livrer, il est vrai, à un véritable travail de séduction auprès de nouveaux contribuablespotentiels. Mais ils font preuve aussi d’une attitude ouverte envers leurs administrés.

Ils ne traitent pas le contribuable comme un être soumis à l’obligation de payer l’impôt et de s’occuper lui-même de toutes les formalités administratives, mais comme un client.

L’Etat n’est pas seulement une puissance régalienne, il est aussi un prestataire de services. La concurrence fiscale protège donc le citoyen contre une imposition excessive. Elle oblige aussi l’Etat à se contenter de moins de recettes, par conséquent à dépenser moins et à intervenir moins à tort et à travers dans le marchéet dans la vie des gens. Elle fait enfin qu’après mûre réflexion, l’Etat doive se fixer des priorités et veiller scrupuleusement à atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

HENRI SCHWAMM Université de Genève aout10

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