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Les vertus de l’austérité pour relancer l’économie

Les vertus de l’austérité pour relancer l’économie

 Rarement l’opposition entre les politiques économiques menées des deux côtés de l’Atlantique n’a été aussi diamétrale qu’à l’heure actuelle. Les Etats européens consacrent leurs efforts à la diminution de la dette publique.

Mais les Etats-Unis, où le déficit public atteindra 10% du PIB cette année, s’apprêtent à lancer un nouveau plan de relance financé par le gouvernement. La possibilité de créer des liquidités pour diminuer le poids de la dette par la dévaluation du dollar et le statut de réserve de ce dernier à l’échelle mondiale, équivalant à une quasi-garantie que les bons du Trésor trouvent preneur, semblent donner toute liberté aux Etats-Unis d’accumuler des dettes colossales.

PLUS/MOINS DE RELANCE EN SUIVANT :

Outre-Atlantique, les plans de relance ont certes permis de générer une croissance du PIB au deuxième semestre 2009 d’une vigueur surprenante. Mais aujourd’hui, le consommateur américain, qui compte pour environ 70% de l’activité économique, a d’autres préoccupations que de se remettre à acheter. S’il n’est pas lui-même forcé à diminuer sa propre dette, le chômage stable à un niveau élevé (9,5%) et la baisse des salaires réels l’incitent plutôt à épargner, comme le montre le taux record (6,4%) atteint en juin. Les indicateurs économiques pointent vers un ralentissement de la croissance au deuxième semestre 2010.

L’inévitable réduction des dépenses

L’Europe et les Etats-Unis ressemblent actuellement à des laboratoires pour deux courants ayant dominé la pensée économique au fil des dernières années.

L’école autrichienne refusant tout plan de relance qui ne fait qu’emprunter sur la croissance future, privilégiantau contraire la diminution des dépenses de l’Etat pour stimuler la compétitivité des entreprises.

Et les idées de Keynes, qui ont connu une formidable renaissance mondiale avec les plans de sauvetage des banques, stipulant que les rentrées fiscales à plus long terme seront nettement supérieures aux montants que les gouvernements consacrent aux programmes de relance de l’économie.

L’évolution récente est déjà en train de bouleverser les priorités entre les deux modèles. En faveur d’une réduction des dépenses publiques, recette prévalant actuellement en Europe, où les indicateurs économiques restent positifs, pointant vers une accélération de la croissance. Les Etats-Unis, en revanche, toujours fidèles à des plans de relance de l’économie financés par le gouvernement, connaissent actuellement un ralentissement de l’activité.

Une majorité d’économiste revoit les prévisions à la baisse.

Mais le réflexe du consensus est toujours intact, comme la promesse keynésienne: puisque la croissance reste trop anémique, il faut qu’une nouvelle intervention des pouvoirs publics tente de la redynamiser.

A ceux reprochant que ces mesures ne cessent d’augmenter la dette publique, les partisans répondent que les taux des bons du Trésor se trouvent actuellement à des niveaux très bas, montrant ainsi que la demande des investisseurs ne s’est pas affaiblie du tout. Le cas échéant, la Fed peut décider de manière tout à fait souveraine si elle souhaite faire marcher la planche à billets, à un taux d’inflation historiquement bas.

Malgré tous ces arguments rassurants, le malaise au sujet de la dette américaine est en train de croître.

Les Etats-Unis sous l’impact de la dette (cliquez sur le lien) 

Que serait-il de ce que certains rapprochent d’un système de Ponzi gigantesque, au fonctionnement comparable à celui de Madoff, si les banques centrales asiatiques arrêtaient de racheter les titres de dette des Etats-Unis?

L’inflation ainsi que les taux prendraient très vite l’ascenseur. Un scénario que le fameux investisseur Warren Buffett semble loin d’exclure, puisqu’il a raccourci la duration moyenne de son portefeuille de bons du Trésor.

Toujours plus d’économistes commencent à reconnaître que les programmes de réduction des dépenses publiques ne pèsent pas forcément sur la croissance. Une action déterminée de ce côté-ci du budget, tout particulièrement en ce qui concerne les transferts (prestations fournies par l’Etat sans contrepartie financière), peut au contraire rassurer par rapport aux intentions de l’Etat d’augmenter les revenus.

Une hausse des impôts, notamment de celui sur le revenu, restant évidemment le pire scénario pour l’économie. Le président de la BCE Jean-Claude Trichet l’a affirmé fin juin déjà: «Les politiques inspirant la confiance (il préfère d’ailleurs parler de plans de retour progressif à la sagesse plutôt que de plans d’austérité) vont renforcer et non gêner la reprise.»

L’économiste David Kohl de Julius Bär souligne qu’un «engagement fiable envers l’endettement public pourrait stimuler la consommation privée, surtout dans des pays ayant un taux d’épargne privé élevé (France, Allemagne, Belgique, Suède et Suisse), mais aussi des pays aux taux d’endettement exceptionnellement élevés ou dont l’endettement a brusquement augmenté (Japon, Royaume-Uni, Grèce ou Espagne)». Outre-Atlantique, évoquer la confiance en tant qu’élément constitutif d’une reprise de la croissance économique fait plutôt sourire. Mais même le consommateur américain favoriserait probablement un peu moins la constitution de réserves par l’épargne s’il pouvait être certain de ne pas devoir faire face, à terme, à des impôts en hausse._L’endettement toujours plus important résultant de l’application à répétition de recettes keynésiennes crée un climat d’insécurité fiscale

Les Etats-Unis se divisent sur la façon d’endiguer le chômage

Malgré les plans de relance et un taux d’intérêt proche de zéro, de nombreux indicateurs sont en rouge. Alors que l’administration Obama maintient le cap d’aides publiques pour relancer l’économie, de nombreux économistes préconisent un plan d’austérité, comme en Europe

Les Etats-Unis vont-ils plonger dans une double récession?

La question se pose avec insistance depuis que plusieurs clignotants ont viré au rouge, voire au rouge vif, ces dernières semaines. Ce n’est pas que l’économie américaine se contracte. Elle a enregistré un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de 2,6% au deuxième trimestre 2010, comme au précédent. Selon le Fonds monétaire international (FMI), il atteindra 3,3% pour l’année, loin des –2,4% de 2009.

Double dip /Vers une nouvelle récession aux États-Unis ? (cliquez sur le lien)

L’inquiétude vient de l’incapacité de l’économie à créer des emplois malgré les 3000 milliards de dollars injectés dans divers plans de relance depuis deux ans ainsi qu’un taux d’intérêt proche de 0%, aussi depuis deux ans. Vendredi dernier, les statistiques ont confirmé un taux de chômage à 9,5% en juillet (contre 4,6% deux ans plus tôt), et la création de seulement 71 000 emplois, contre 90 000 prévus. En même temps, la confiance des consommateurs a baissé, comme les ventes au détail, les ventes de logements et les commandes industrielles.

Autre point tout aussi sombre, l’endettement qui, selon des chercheurs de l’Université de Fribourg (Allemagne), est pire qu’en Grèce. Le déficit budgétaire grec se monte à 11,5% du PIB alors qu’aux Etats-Unis, il a atteint 12,2%.

Trappe à Dettes : Des économistes lancent un cri d’alarme sur la dette américaine (cliquez sur le lien)

 Le taux de rendement des titres américains évolue certes en baisse depuis le début de l’année, mais il est en hausse par rapport à 2008. La dette à 10 ans rapporte 2,8% aujourd’hui, contre 2,1% en décembre 2008, au moment où la crise des subprime balayait les Etats-Unis.

Un débat s’est ouvert sur la pertinence des mesures prises à ce jour par l’administration Obama. Economistes et stratèges se battent d’abord sur l’ampleur de la crise actuelle et ensuite sur les mesures nécessaires pour remettre le pays sur les rails.

Une école de pensée menée par Nouriel Roubini, professeur à l’Université de New York et connu pour ses vues contrarian, constate que la reprise est artificielle, basée sur les plans de sauvetage de divers secteurs (finance, automobile, construction) et par des plans de relance coûteux. «Dans le meilleurs des cas, la conjoncture évoluera en «U» en évitant le «W» qui représente le double plongeon», vient-il d’écrire…

 Dans le creux de la reprise par Nouriel Roubini (cliquez sur le lien)

 L’autre école est moins pessimiste. Interrogé par CNN, David Wyss, chef économiste de Standard & Poors, estime à 20% les probabilités d’une double récession. Il fait ­remarquer que «la situation n’est certes pas rose, mais l’Américain moyen a tout de même plus de confiance cet été qu’il y a une année».

New Normal/Pimco : une chance sur quatre d’entrer dans une période de déflation (cliquez sur le lien)

L’administration Obama veut maintenir le cap – augmenter les aides publiques aux secteurs en difficulté, notamment les petites et moyennes entreprises et les industries exportatrices. Washington a ainsi prévu 18 milliards de dollars de soutien aux entreprises qui créent des emplois.

La relance ou l’austérité

Par ailleurs, le Congrès s’apprête à voter un budget d’aide de 26 milliards de dollars pour les Etats. Les républicains qualifient cette mesure de «bribe électorale» en marge des élections de mi-parcours de novembre. «Le peuple américain ne veut plus de plan de relance. Ces dépenses vont servir à la réélection des candidats démocrates», a critiqué John Boehner, le chef de file des républicains au Congrès, cité par Bloomberg.

Des économistes conservateurs soutiennent que l’Etat américain vit au-dessus de ses moyens et devrait désormais adopter un budget de rigueur en coupant dans les dépenses publiques et en augmentant les recettes par plus d’impôts. Ils se réfèrent aux économies malades en Europe, qui viennent d’adopter des plans d’austérité pour redresser leurs finances publiques.

Dans le même registre, le professeur Ken Rogoff plaide pour une politique dite de l’offre, et non de la demande, pour notamment améliorer la productivité aux Etats-Unis afin de gagner des parts de marché.

L’ère des rendements décroissants ? par Kenneth Rogoff (cliquez sur le lien)

 Selon les chiffres publiés mardi, la productivité des entreprises américaines a baissé au deuxième trimestre, pour la première fois depuis fin 2008.

Prudence sur le découplage européen

Quel retournement! Il y a seulement trois mois, l’Europe s’embourbait dans la crise de l’euro et risquait de replonger en récession. De leur côté, les Etats-Unis reprenaient de la vigueur. Les Américains demandaient aux Européens de vite régler leurs problèmes pour éviter toute contagion.

Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Au fil des statistiques publiées ces trois dernières semaines, l’Europe a montré qu’elle bouge encore. Son redressement a surpris jusqu’à la Banque centrale européenne, qui s’en est réjouie la semaine passée. En Allemagne, la confiance des entrepreneurs est au plus haut depuis… 1994! La Suisse, elle, continue de cultiver son exception, comme attestent les bons chiffres de la consommation publiés (cliquez sur le lien)hier par le Seco.

Pendant ce temps, la croissance américaine fléchit. Pire, Des économistes ont calculé (en lien sur l’excellent calculated risk)que, contrairement à toutes les récessions depuis la Deuxième Guerre mondiale, celle de 2007 tarde à être suivie de créations d’emplois.

Ce découplage européen demeure toutefois fragile. Car si les Etats-Unis replongent, l’Europe finira par le sentir.

Reste un point commun entre les deux régions: elles sont arrivées au bout de leurs plans de relance. Le déséquilibre des finances publiques impose d’autres choix pour redémarrer durablement la machine que le seul soutien à la demande.

source agefi+le temps aout10

3 réponses »

  1. Une des craintes de certains stratèges et économistes est d’ailleurs de voir les Etats-Unis suivre l’exemple du Japon : une entrée dans une « ère glaciaire », marquée par la déflation et une croissance durablement en deçà de son potentiel.

    http://www.lesechos.fr/info/marches/020715052794-la-fed-prete-a-racheter-de-la-dette-publique.htm

    Comme le Japon.

    Les Etats-Unis sont en train d’évoluer comme le Japon.

    Les Etats-Unis sont en train d’entrer dans l’ère glaciaire.

    Mettons nos chandails en laine : il va faire froid.

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