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La France en domino vacillant par Beat Kappeler

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Cette semaine, deux millions de Français dans la rue refusaient toute idée d’équilibre dans les comptes de leurs retraites. Le déficit des comptes publics en général est déjà de 8% par rapport au produit intérieur brut (PIB); la dette représentera 85% du PIB à la fin de l’année. Aucune mesure d’économies sérieuse dans ces comptes n’est arrêtée. La banque JP Morgan lançait donc un avertissement, avant-hier: la France est en danger. Cela corrobore les craintes que j’avais depuis un certain temps déjà, alors parlons-en.

Pour ce qui est du blocage d’une réforme des rentes, les Suisses, à vrai dire, n’ont rien à reprocher aux Français. Car lors de la votation de mars dernier, ils ont repoussé la baisse du taux de conversion des rentes, rendu pourtant nécessaire du fait de la longévité accrue. Mais il n’y a pas danger en la demeure, car la loi permet d’abaisser directement les rentes, jusqu’au minimum légal, en dernier ressort, et certaines caisses commencent déjà à en parler.

Mais, en ce qui concerne les comptes publics en général, la dette suisse ne représente que la moitié de celle de la France. Les risques pour la France et, partant, pour la zone euro, sont évidents. Selon le Fond monétaire international (FMI), les comptes ne reviendront pas à 3% de déficit avant 2015. Les déficits courants pousseront donc la dette jusqu’à 100% du PIB. A ce moment, les taux d’intérêt seront selon toute vraisemblance supérieurs, la dette sera donc plus grande et plus onéreuse. Si les investisseurs en obligations étatiques rechignent, les taux pourront prendre l’ascenseur assez rapidement.

Si, dans un cas extrême, la France devra puiser dans le fonds gigantesque de 750 milliards d’euros qui avait été monté au printemps pour de telles occasions, un mécanisme néfaste se déclencherait. Car un pays qui puise dans ce fonds ne peut plus faire partie des pays qui le garantissent. Cela veut dire que l’Allemagne se retrouverait toute seule, pratiquement, à le garantir. Comme il faut l’unanimité cependant pour faire bénéficier un pays de la zone euro d’une partie de ce fonds, l’Allemagne refuserait probablement à l’Italie, et à plus forte raison à la France, de s’en servir. Car ce serait trop lourd financièrement, et suicidaire devant l’électorat. En conséquence, le fonds des 750 milliards n’est que de l’air chaud. Pour l’instant, d’ailleurs, il est encore pratiquement vide, et il faudrait chercher ces milliards sur les marchés obligataires au pire des moments.

Toutes ces réflexions sombres seraient balayées par une croissance économique et par des exportations vigoureuses. Mais la France peine à l’exercice, surtout en comparaison avec l’Allemagne (et avec la Suisse).

La banque française Natixis retient quatre critères de bonne santé économique, à savoir des exportations vers les pays émergents et dynamiques, des ménages pas trop endettés, le financement solide des entreprises et des comptes étatiques sans besoin d’assainissement. Sauf pour les ménages, la France ne remplit aucun de ces critères, l’Espagne aucun, les Pays-Bas et la Suisse tous les critères, l’Allemagne trois. Le bilan extérieur de la France alourdira donc les problèmes. Ce manque de compétitivité explique les dettes de l’Etat tout autant que le déficit des rentes. Car l’Etat en question doit soutenir des chômeurs, des firmes, et il n’a pas de rentrées fiscales suffisantes.

Disons-le crûment: tous les observateurs économiques à l’extérieur de l’Europe continentale le voient, en parlent, mais les politiciens européens se bercent d’illusions. Les problèmes sont bien plus têtus, bien plus profonds.

Pour illustrer le problème de fond, prenons les apprentis suisses de Schindler et de Bühler AG (Uzwil). Ils passent quelques mois en Chine. Par contre, les petits gars dotés d’un baccalauréat français étudient la psychologie; leur nombre est le plus élevé d’Europe.

Mitterrand voulait un taux de 80% de baccalauréats, il voulait les 35 heures et la retraite à 60 ans. Martine Aubry exécutait, à l’époque [en tant que ministre du Travail]. Son père Jacques Delors instiguait l’euro, ce carcan qui empêche la France de dévaluer et de se sauver. Quelle famille!

Beat Kappeler/Le temps sep10

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