Changes et Devises

Trappe à Dettes : Hongrie, l’étau se resserre…

Le franc suisse fort continue d’étrangler les ménages hongrois

60% des emprunts souscrits par des particuliers sont en francs suisses. En deux ans, la devise helvétique s’est appréciée de 50% face à la monnaie locale, le forint. 1,7 million de ménages hongrois sont pris au piège….

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La transformation du franc en or ne met pas seulement des bâtons dans les roues aux industriels suisses vendant leurs produits à l’étranger. En Hongrie, des centaines de milliers de ménages suivent avec crainte l’évolution de la valeur de la devise helvétique. Leur avenir financier en dépend: les trois cinquièmes des prêts bancaires accordés aux particuliers hongrois restent libellés en francs, selon la banque centrale hongroise. L’étau se resserre chaque jour. Cette année, le franc s’est apprécié de 22% face au forint pour toucher jeudi dernier un plus haut histo­rique. En deux ans, sa hausse ­atteint presque 50%, augmentant d’autant les mensualités de leurs emprunts, le plus souvent immobiliers.

«Cela creuse les revenus, limite la consommation et le retour de la croissance dans un pays marqué par une contraction de 6,3% l’an dernier», avertit Kristel Kivinurm, une des responsables de la maison de gestion estonienne Avaron. Un engouement qui n’est pas limité aux Magyars. Mais si, «en Pologne, 20% des prêts sont également libellés en francs, son économie reste quatre fois plus importante et a échappé à toute récession», rappelle Kristel Kivinurm.

Prêts en devises interdits

Depuis la crise connue il y a deux ans, les banques ont stoppé leurs prêts en devises aux particuliers. L’une des premières mesures du nouveau gouvernement conservateur élu en avril a même été de les interdire complètement. Reste que cela n’efface pas «la masse des emprunts contractés entre 2005 et 2008, souvent sur dix ou quinze ans», rappelle Kristel Kivinurm. Des emprunts ayant accompagné la vague d’acquisitions de logements par les Hongrois durant la première partie de la décennie. Les banques – en particulier étrangères – leur proposaient de bénéficier de taux helvétiques attractifs. En 2006, les intérêts pour un prêt immobilier local dépassaient 9%, contre un peu plus de 3% pour ceux débloqués en francs. Selon l’agence Bloomberg, 1,7 million de Hongrois – sur une population de 10 millions – se retrouvent piégés sur de tels emprunts par la hausse du franc.

Menace de défauts en chaîne

Afin d’éviter une avalanche de prêts irrécouvrables, les banques ont proposé des moratoires dans les remboursements ou un allongement de leur durée. «La plupart de ces mesures ont pris fin en 2010 et cela fait planer le risque d’une nouvelle vague de défauts de remboursement, ce d’autant plus qu’il n’y a guère d’éclaircie sur le front du chômage», écrit Eszter Gargyan, analyste de Citigroup à Budapest.

 Selon cette dernière, au début de l’été, un cinquième des emprunts accusaient de un à trois mois de retard dans leur paiement. Résultat, le mois prochain, près de 16% de ces prêts pourraient être considérés comme difficilement recouvrables.

«Les vraies mauvaises nouvelles arriveront au quatrième trimestre, lorsque l’effet de la récente dépréciation du forint se fera sentir», esquisse Eszter Gargyan. Une menace qui risque d’accélérer la spirale des dépréciations: craignant une crise bancaire – OTP, la première banque du pays, a dû mettre de côté au printemps des provisions qui ont fait fondre ses profits de 35% – les marchés pousseront un peu plus le forint à la baisse. Et exigeront davantage pour souscrire aux emprunts de l’Etat hongrois: ceux émis sur dix ans ont déjà vu leur taux passer de 6,6% à 7,5% en trois semaines, un niveau proche des conditions exigées de l’Inde. En retour, cela compliquera le plan étudié par le gouvernement en déficit: convertir en forint les emprunts immobiliers de familles étranglées par les remboursements, puis faire reprendre leur logement par un fonds d’Etat.

Indirectement, les prêts libellés en francs débloqués en Europe de l’Est pourraient devenir «une menace pour la Suisse», à en croire une étude publiée en juillet dernier par Giovanni Staunovo, stratège sur les marchés des devises d’UBS. Ou plus exactement pour les exportateurs helvétiques. Selon le spécialiste, si les Hongrois, pris à la gorge, décident de rembourser demain leurs prêts – ou de les convertir en forints – ils deviendront acheteurs de francs. Et renforceront donc un peu plus la valeur de la monnaie helvétique.

Le raisonnement?

Il y a quelques années, en recevant la somme empruntée en francs, les Hongrois l’ont aussitôt convertie en forints, pour s’acheter un logement par exemple. Pour se débarrasser de ce prêt, ils doivent aujourd’hui racheter des francs pour rembourser ceux empruntés alors. Et donc le faire monter. Comme Monsieur Jourdain, ils ont vendu à découvert – «shorté» – le franc sans le savoir. Et paient aujourd’hui le prix de ce pari manqué.

L’influence des 11 milliards de francs empruntés par les Hongrois pour acquérir de l’immobilier n’est certes pas de nature à faire bouger le cours d’une devise. Sauf que… l’Autriche, la Pologne, la Hongrie ou la Croatie représentent aujourd’hui la moitié des 345 milliards de francs de prêts souscrits en monnaie helvétique par des ménages, entreprises ou gouvernements étrangers. Soit plus du triple des billets de banque suisses en circulation. Ou le quart de l’ensemble des prêts accordés en Suisse. Or, si tous ces pays d’Europe centrale commençaient à vouloir se débarrasser de tels emprunts, cela exercerait des pressions à la hausse sur la monnaie helvétique.

Par Pierre-Alexandre Sallier /le temps sep10

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En Hongrie, les ménages ont emprunté massivement en devises étrangères au cours des dernières années. Plus des deux tiers de tous leurs emprunts. On pensait ainsi économiser sur les intérêts, on est plutôt au bord de l’asphyxie. 

La Hongrie, la Lituanie et d’autres petits pays d’Europe de l’Est ne sont généralement pas au coeur des préoccupations des Nord-Américains. Mais ce qui se produit là-bas, ces jours-ci, peut servir de leçon pour tout le monde. 

Une crise financière et économique menace la région, la Hongrie au premier chef, essentiellement à cause des actions irresponsables des banques et d’une certaine ignorance populaire

Les ménages hongrois en savent maintenant quelque chose. Endettés lourdement en monnaie étrangère, surtout en francs suisses, ils se rapprochent du gouffre financier chaque fois que la devise helvète s’apprécie face à leur monnaie, le forint. 

Ce qui est actuellement le cas, puisque le forint a touché la semaine dernière des creux historiques face au franc suisse. Cela pose un problème dans la mesure où ces ménages ne sont pas couverts contre les fluctuations de change. 

Or, depuis 2008, le forint a plongé de plus de 35% par rapport au franc suisse. 

La devise helvète est une monnaie refuge, avec le billet vert américain et le yen japonais, à laquelle s’agrippent les investisseurs en ces temps d’incertitude. Le «FS» a donc considérablement grimpé cette année -une bonne nouvelle pour les Suisses qui voyagent ou qui s’achètent des villas à l’étranger, mais un cauchemar pour les Hongrois. 

Imaginez: il faut rembourser ses dettes en francs suisses, mais à partir de ses revenus uniquement en forints. Résultat: les Hongrois ne peuvent plus payer la note. Plus de 2 millions de prêts étaient «en retard» l’hiver dernier en Hongrie, dont environ 100 000 hypothèques, selon la banque centrale

En espérant profiter des taux d’intérêt moindres sur les prêts en devises étrangères, allègrement concoctés par les banques locales, des millions de consommateurs ont fait ces emprunts pour acheter aussi des voitures et des appareils ménagers, dénoncent des organismes d’entraide dans les médias européens

La Lituanie et la Roumaine sont aussi aux prises avec un problème similaire. 

Proportions gigantesques 

Mais le phénomène a atteint en Hongrie des proportions gigantesques, presque ridicules, sans que les banques ou le gouvernement ne sonnent l’alarme avant qu’il ne soit trop tard

Si bien que 69% des emprunts des consommateurs (7300 milliards de forints) sont aujourd’hui libellés en devises étrangères. De cette somme, 82% sont en francs suisses, selon des données gouvernementales compilées par Bloomberg. 

Pourtant, avec tout le respect que l’on doit à nos amis hongrois, le forint n’est pas exactement un monument de stabilité sur le marché des changes. Tout le monde aurait dû le savoir. 

«La chute continue du forint contre le franc (suisse) menace la stabilité financière et les victimes principales pourraient être les ménages», affirme Luis Costa, stratège des marchés émergents à Citigroup. 

À la fin du mois de juillet, les propriétaires hongrois avaient contracté pour 2380 milliards de forints d’hypothèques libellées en francs suisses. C’est presque 20 fois plus qu’il y a 5 ans. 

Les banques locales, qui ont profité de la manne du crédit avant la crise financière, risquent toutefois d’écoper par ricochet

Le crédit à risque dans les institutions financières, comme OTP Bak Nyrt et Erste Group Bak Ag, représenterait 10% du portefeuille de prêts d’ici à la fin de 2010, contre 7,8% au début de 2009, selon l’association des banques hongroises. 

Ce dérapage menace l’économie, sans compter que des banques auront besoin de capital additionnel pour s’en sortir, a dit un porte-parole du secteur banquier dans une récente entrevue. 

La Hongrie, maillon économiquement faible de l’Europe de l’Est, se serait bien passée de cela. Ce petit pays de 10 millions d’habitants, dont le gouvernement est lourdement endetté, en arrache avec un taux de chômage frôlant les 12% et une reprise qui se fait attendre. 

À la fin de 2008, au pire de la crise financière, la Hongrie a reçu une aide de 20 milliards d’euros du Fonds monétaire international (FMI). L’une des conditions: les banques devaient cesser les prêts en devises étrangères. Mais le mal est fait. 

Entre-temps, le gouvernement a dû imposer un moratoire sur la saisie des maisons pour prévenir l’hécatombe immobilière. Les banques, pour leur part, tentent de restructurer leur portefeuille de prêts. Et tout le monde se croise les doigts. 

En juillet dernier, le président de la banque centrale hongroise, Andras Simor, a fait ce mea-culpa lors d’un colloque à Budapest: «On aurait dû crier fort, beaucoup plus fort» pour prévenir la population, a-t-il dit. En effet, monsieur le banquier. 

Pas moins de 69% des emprunts des Hongrois sont libellés en devises étrangères. De cette somme, 82% sont en francs suisses.

Richard Dupaul la presse sep10

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Finances Publiques : Les pays de l’Est moins endettés que la Grèce et le Portugal 

Si la crise financière a porté un sérieux coup d’arrêt à la croissance de leur économie en 2009, les pays dits «convergents» ont l’avantage d’être faiblement endettés en comparaison de ceux de l’UE. La dette du gouvernement ramenée au PIB n’atteint que 40% pour la plupart des pays est-européens, comparé à une moyenne de 80% pour les nations de la zone euro. Seules la Pologne, avec un peu plus de 50%, et la Hongrie avec 80%, le mauvais élève de l’Europe de l’Est, affichent des niveaux plus élevés (voir infographie). Le secteur bancaire des pays dits «convergents» a aussi bien surmonté la crise. Seul bémol, l’endettement élevé des ménages qui ont souvent contracté des emprunts en euros ou en francs suisses pour profiter de taux bas. «L’endettement privé représente un facteur de risque», a concédé Ole Gotthardt de Danske Capital lors d’une présentation effectuée cet été à Zurich.

Le faible niveau d’endettement ne profite toutefois que faiblement aux pays est-européens lorsqu’ils doivent se refinancer sur les marchés des capitaux. Avec une dette publique de 35% par rapport au PIB de 2009, la République tchèque est un des pays les moins endettés de l’UE. Pourtant, les emprunts d’Etat à dix ans de la République tchèque se négocient avec un rendement de 3,3%, après avoir atteint plus de 4% en juin et juillet dernier. En comparaison, cela reste nettement supérieur aux emprunts gouvernementaux français qui affichent un rendement d’un peu plus de 2,5%, alors que la dette de la France ramenée au PIB atteint plus de 77%, selon le Fonds monétaire international (FMI). En d’autres termes, la République tchèque doit rémunérer davantage les investisseurs que la France pour pouvoir emprunter, alors que l’ex-pays communiste dispose de finances publiques plus saines.

Une amélioration de la situation dans les pays de la zone euro n’est pas attendue prochainement. Dans un rapport publié la semaine dernière, le FMI a mis en garde à l’encontre du risque d’endettement grandissant dans l’UE, en particulier en Europe du Sud. En 2015, la dette ramenée au PIB devrait ainsi atteindre environ 81% en Allemagne, 95% en France et en Espagne, 98% au Portugal, 125% en Italie pour culminer à plus de 158% en Grèce. 

EN COMPLEMENT : Le surendettement handicape le redressement de l’Europe de l’Est

Comment faire pour que l’Europe centrale et orientale accélère sa laborieuse convalescence ? Telle est la question qui s’est posée aux 2 500 participants du XXe Forum économique de Krynica (Pologne), surnommé « le Davos de l’Est », clos vendredi 10 septembre. 

Car les anciens membres de l’ex-empire soviétique – Bulgarie, Croatie, Estonie, Russie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Ukraine – se portent mal, à quelques exceptions près comme la Pologne : ce dernier est en effet le seul pays de l’Union européenne à n’avoir pas connu la récession en 2009 (+ 1,7 %). Souvent qualifiés de « dragons » en raison des taux de croissance mirifiques atteints lors des années fastes (2003-2008), ils ont été plus durement touchés par la crise que les autres régions du monde. 

Dans un rapport présenté à l’ouverture des travaux, Witold Orlowski, chef économiste de PricewaterhouseCoopers Pologne, a rappelé que la région comptait « sept des dix pays les plus affectés par la récession » dans le monde en 2009, la « palme » de la dépression revenant à la Lettonie (- 18 %), suivie de l’Ukraine (- 15,1 %), de la Lituanie (- 15 %) et de l’Estonie (- 14,1 %). 

La contraction de la demande et des investissements d’origine étrangère qui s’est produite à partir de la fin 2008 a étouffé leur activité. Le différentiel de croissance a atteint jusqu’à 30 points dans les pays baltes, mais aussi 4 ou 5 points dans les pays moins touchés comme la Pologne et la République tchèque. 

En raison du surendettement en devises étrangères des entreprises et des ménages de ces pays, M. Orlowski estime qu’ils « doivent se préparer à une longue période de croissance réduite, qui pourrait s’accompagner de fluctuations importantes sur les marchés financiers« . Il prévoyait que leurs économies accéléreraient de 1 %-1,5 % en 2010 à 3 %-4 % en 2011, mais il redoute qu’une deuxième vague de la crise financière oblige à réviser ces prévisions à la baisse. 

« Le monde a, en moyenne, retrouvé sa richesse d’avant la crise, a commenté Jérôme Cazes, administrateur directeur général de la Coface française, mais l’Europe orientale mettra, elle, trente mois pour revenir à son niveau antérieur. Les chefs d’entreprise, ici comme ailleurs, ont le pied sur le frein et gardent leurs liquidités, car ils ne croient pas à la reprise. Comme après chaque crise, on redoute le retour de la récession… qui ne se produira pas. En attendant, le chômage atteint toujours des sommets et les chiffres confirment un réel appauvrissement. » 

L’ancien commissaire européen Mario Monti, tout comme Luc Frieden, ministre des finances luxembourgeois, ont dit que le salut était dans les réformes et dans une « meilleure intégration économique ». Ce qui suppose « une surveillance, une régulation et un marché communs », a rappelé M. Orlowski. Pour autant, il ne semble pas qu’une recette s’impose pour tirer l’Europe orientale de l’ornière. Quand Arseniy Yatsenyuk, leader du parti ukrainien « le Front pour le changement », a prôné un fort soutien budgétaire à l’économie, presque tous les intervenants ont demandé une réduction des dettes et des déficits. 

Christian Wiest, vice-président de Schneider Electric, et Bernard Wientjes, président de la fédération patronale néerlandaise VNO-NCW, sont tombés d’accord pour dire la nécessité pour chaque pays de se spécialiser, par exemple dans l’agroalimentaire pour la Pologne ou dans l’automobile pour la Slovaquie. 

L’opinion majoritaire – et comment pourrait-il en être autrement dans un forum créé il y a vingt ans pour accélérer la confluence des deux Europe ? – a été résumée par Juan Delgado, chef économiste de la Commission espagnole pour la compétition, qui a conclu : « C’est plus d’Europe qu’il nous faut. » Une pétition pas vraiment populaire par les temps qui courent.

source le monde sep10

 
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