L’histoire n’enseigne à peu près rien par Jeannette Williner
Les Etats jettent leurs revenus par les fenêtres et encouragent les particuliers à faire de même. Avec l’impression que c’est un phénomène récent.
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Les propos divers que l’on peut lire ou entendre laissent l’impression que la situation d’avant crise était normale. Tout marchait tellement bien qu’on a négligé les règles les plus élémentaires de sécurité. A quoi bon les respecter d’ailleurs? Les prêteurs offraient des crédits facilement et d’un coût fort modéré, les investisseurs donnaient au prix des actifs un élan sans précédent. Les dépenses allaient bon train tout comme les dettes qui s’accumulaient dans l’inconscience totale. Au moment de la crise, la raison a semblé l’emporter: il fallait rembourser les crédits et faire en sorte que les banques ne puissent plus utiliser les fonds de façon si aisée.
Mais la mémoire des pires catastrophes est de courte durée.
Aujourd’hui les gouvernements s’endettent et comptent sur des rentrées fiscales beaucoup plus importantes car se référant à des revenus augmentés d’après la crise. Les directions des banques et même certains ministres se plaignent déjà des restrictions de crédit sans penser à la «qualité», entreprises ou particuliers, de ceux qui vont en faire la demande. Les mêmes établissements ont encore leurs livres truffés de créances douteuses. Le plus important des banquiers centraux veut que l’emploi retrouve des niveaux excessifs compte tenu du contexte économique et financier.
Faut-il le suivre? Faut-il vraiment admettre que d’avoir accordé sans mesure des crédits hypothécaires n’était pas une politique motivée par l’appât du gain mais une simple erreur professionnelle des responsables? Cela semble difficile car autant d’incapables à un tel niveau c’est inquiétant pour les établissements bancaires qui n’ont pas radicalement changé depuis.
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Les Etats jettent l’argent par les fenêtres et encouragent les particuliers à faire de même. Le prix des voitures s’est mensualisé (on parle d’abord du prix du leasing). Pourquoi payer comptant si on peut payer à crédit? A quant l’achat du logement libellé de la même façon? Cela serait (sait-on jamais) peut-être plus sain si les charges étaient intégrées ! Quant à la débauche des cartes de crédit, son ralentissement (y compris aux Etats-Unis) n’a été que très temporaire. Par contre, les paiements s’effectuent, pour le moment encore, plus rapidement qu’auparavant donc l’usager a baissé son encours de crédit renouvelable. Le vœu du président Obama de réduire à une voire deux cartes les cinq à huit que possède le citoyen moyen est resté à l’état d’embryon. Par contre, des campagnes très officielles conseillent de n’utiliser les cartes de crédit qu’avec retenue. Et d’un autre côté ne garder que les cartes vraiment utilisées est une recommandation assez fréquemment répétée ce qui était loin d’être le cas auparavant et qui ne l’est pas encore en Europe où, même en Suisse, on continue d’en distribuer à la pelle. Même si les Européens ont toujours la réputation de vivre beaucoup moins à crédit que les Américains, cela fait longtemps que ce n’est plus vrai.
Bien sûr Goldman Sachs insiste sur l’évidence que, durant les vingt ans qui viennent le nombre de nouveaux épargnants va sans cesse s’élargir au fil du vieillissement de la population dans les économies du G8 qui dès l’âge de 35 ans et tant que la santé le leur permet (l’âge mentionné est 70 ans), tentent d’améliorer le montant de leurs ressources ultérieures. Les pays émergents connaissent ce phénomène plus tardivement dans la vie. Il en va de même des entreprises. Il n’y a donc aucun souci à avoir pour ce futur éloigné: les liquidités seront en suffisance et devant l’évidence d’épargne en proportion avec la taille des pays, les devises d’Extrême-Orient sont condamnées à être réévaluées: ce qui est encore mieux.
Si de telles prévisions projettent un avenir débarrassé de tout choc déstabilisateur, le futur proche n’est pas évoqué. Les dirigeants politiques sont parfois pressés d’apporter des solutions qui n’en sont pas. Ils s’attachent surtout à résoudre les problèmes au niveau de la demande et non pas de l’offre. Du coup les interventions sont hasardeuses: de moins en moins on reconnaît les pertes du système financier (un détail), les restrictions naturelles des échanges au niveau international inhérents à toute période de ralentissement, une opposition systématique aux grands mouvements migratoires et des conditions d’obtention de crédits dégradées qui vont limiter l’apparition de jeunes pousses entrepreneuriales. Si bien sûr on ne s’attaque pas à ces points ils vont persévérer et surtout s’amplifier. Le plus grand souci du moment est de savoir si les effets de la crise sont en train de se dissiper ou si des suites plus méchantes sont encore à venir. Si M. Bernanke persévère à vouloir le plein-emploi en dehors du contexte économique. Si des experts connus répètent qu’aucun risque d’inflation ne menace, ce qui est difficile à admettre compte tenu de l’évolution du dollar, cela laisse supposer que les Etats-Unis ne sont pas au bout d’une route chaotique et que, de ce fait, l’Europe en est encore plus éloignée. Et plus on attendra plus les suites seront fâcheuses et incontournables. Ce ne sont pas les achats frénétiques de matières premières qui changeront la face des choses même pour les possédants. Il y a pourtant eu des précédents qui devraient inciter à la raison: en 1989 les puts achetés sur le marché américain avaient tellement progressés qu’ils n’ont simplement pas trouvé d’acheteurs à leur vrai prix.
Jeannette Williner Analyste indépendant sep10