Changes et Devises

Le dollar est cher et l’euro n’est pas bon marché pour un helvète pur «rösti»par Serge Laedermann

Le dollar est cher et l’euro n’est pas bon marché pour un helvète pur «rösti»par Serge Laedermann

La guerre des devises ne sera pas réglée par le FMI et les investisseurs domestiques suisses doivent éviter de se diversifier dans ces monnaies faibles.

PLUS DE LAEDERMANN ET DE SANTI EN SUIVANT :

L’éditorialiste économiste renommé Martin Wolf explique pourquoi les américains sont bien placés pour gagner la bataille («Why America is going to win», Financial Times 12 oct 2010). Avec 15 billions (US trillions) de dettes publiques représentant pratiquement 100% du PIB, les Etats-Unis sont en passe de réussir un des plus gros holdups de l’Histoire de la Finance.

Du modèle keynésien à la destruction créatrice par Roy Damary

Ceux qui croient à une résurrection du dollar comme au bon vieux temps n’ont pas les yeux en face des trous. Remarquez, quoi de plus normal, avec une poutre dedans…La continuelle dévaluation du billet vert est loin d’être terminée et Céline Dion chantera malheureusement encore quand elle se terminera à 70 centimes de nos francs, alors que l’euro sera à parité parfaite avec celui-ci.

 Nous serons ainsi les premiers lésés par le dumping américain et le démantèlement européen dont les premiers signes sont maintenant visibles. Avec une monnaie unique repoussée vers le haut par les blocs américano-asiatiques et cotant avec une prime de 40% par rapport au dollar, l’Europe n’a aucune chance de s’en sortir.

 Aveugles, incompétents ou malhonnêtes, à choix, MM Trichet et consorts poursuivent leur travail de sape en participant activement à l’enterrement de l’économie du Vieux Continent. L’euro «fort» (retenez-moi, je vais pouffer), est une stratégie grossière mise en place par nos ennemis pour estourbir une croissance qui est déjà poussive et engluée dans des conflits sociaux qui finiront bien plus mal que Mai 68, car cette fois-ci tout le monde est touché.

Le patron de la Fed Ben Bernanke n’en finit donc pas d’arroser la planète de dollars en desserrant encore plus les cordons de la bourse, alors que les taux sont pourtant déjà au plancher. Le bougre sait que le seul salut de son économie passe par une forte dévaluation de la monnaie et il rachète ainsi à tour de bras des trillons de dollars de sa propre dette (Treasury Bonds) en fabriquant les billets la nuit, à tel point qu’ils ne sont même pas encore secs quand il doit payer.

Résultat des courses: l’économie américaine va s’en sortir et générer de la croissance, les firmes du S&P 500 réalisant déjà cette année d’intéressants profits, plus de la moitié de leurs revenus étant perçus en monnaies étrangères.

 Les asiatiques ne sont évidemment pas dupes de cette grossière manœuvre et sont donc réticents à réévaluer leurs monnaies souvent indexées, ou du moins en partie, sur le billet vert.

Le jeu du «je te tiens tu me tiens par la barbichette» est loin d’être terminé puisque les chinois détiennent à eux seuls plus de la moitié de la dette américaine et peuvent les manipuler à souhait. Pourquoi croyez-vous qu’ils achètent maintenant de la dette grecque? Pensez-vous qu’ils s’intéressent vraiment à ce pays? Il s’agit simplement d’un acte tactique visant à asservir l’Europe et dans la même logique, le rachat massif par les américains de leur propre dette vise aussi à sortir de cet asservissement, ou du moins à l’atténuer. Nos «amis» chinois constituent également des réserves en or et en argent, il s’agit d’un hedge naturel face à la dépréciation globale du dollar.

Pour un résident suisse ou même européen, l’appréciation du métal jaune en monnaie locale reste cependant marginale. Il ne faut en outre pas oublier que l’or est le seul métal dont la moitié de la production est absorbée par les investisseurs qui pensent avoir à faire à un placement sûr. Les monnaies n’étant plus liées et encore moins couvertes par le métal jaune, ce placement est devenu beaucoup plus spéculatif et sujet (à un horizon de quelques années) à de nouvelles ventes provenant des pays étranglés par leurs dettes. Donc pour l’instant ça marche, mais gardez en tête que cet actif est spéculatif et non un placement de père de famille comme il y a quelques décennies.

Vous l’aurez donc compris, l’augmentation des taux d’intérêts n’est pas pour demain et vous pouvez dormir tranquilles sur votre dette hypothécaire. Les taux pratiquement à zéro seront encore plus près de zéro et, pour le franc suisse, le retour aux comptes courants à rendements négatifs va être bientôt d’actualité pour les vilains étrangers qui se réfugient dans notre monnaie. Cette manœuvre contribuera naturellement à rendre le franc suisse encore plus attractif, mais nous aurons le temps d’en reparler.

Sur le marché des actions l’indice phare de la planète, j’ai nommé le S&P 500, poursuit sa progression comme escompté vers la zone 1200-1250, sa valeur intrinsèque actuelle . La période 15 octobre – 15 novembre est traditionnellement mauvaise pour la Bourse. Bon, alors vendez et revenez dans un mois bande de poltrons! Terrorisé, Votre Serviteur s’en va d’ailleurs visiter les pyramides et naviguer sur le Nîl, je n’ai pas trouvé meilleure façon pour décompresser bien qu’au niveau régime ce changement d’air demeure plutôt discutable…

serge laedermann Associé, GFA Geneva Financial Adviser

EN COMPLEMENTS  INDISPENSABLES : Pouvons-nous encore compter sur le G 20? par Michel Santi

L’appréciation sans précédent des cours de l’or s’explique tout simplement par l’échec de la politique des taux zéro menée par les banques centrales occidentales. De fait, c’est l’ensemble des promesses du G 20 et de leurs réunions au sommet qui sont aujourd’hui remises en question car le fonctionnement outrancier de la planche à billets – activement prôné par les nations Occidentales – n’a pas plus rétabli la croissance que précédé le retour de la confiance.

Fièvre de l’or = peur du papier par Geert Noels

 La contrepartie de cette absence cruelle de stratégie et de responsabilité de la part de nos autorités ayant ainsi consisté en une flambée des prix des denrées alimentaires et des matières premières ayant, à ce jour pour 2010, pris 27% pour le pétrole pendant que les tarifs du soja, du maïs et du blé sont respectivement montés de 24%, 63% et de 84%! Cette appréciation extrêmement alarmante de ces produits énergétiques et de première nécessité étant quasi entièrement imputable à la politique monétaire hyper laxiste en vigueur actuellement aux Etats-Unis et en Europe car il faut bien reconnaître que les spéculateurs et investisseurs y gagnent nettement plus qu’en plaçant leurs avoirs sur les bons vieux marchés obligataires. Il n’y a en effet pas photo car un placement sur l’or aurait permis de gagner 35% cette année et un investissement sur les marchés du blé aurait rapporté 84% pendant que des achats en Bons du Trésor américains auraient tout juste offert une rentabilité de …1%. 

 Comment réussir à promouvoir la croissance et à relancer l’emploi dans un tel contexte général de hausse relativement vertigineuse des matières premières? Car cette bulle spéculative en formation glane les capitaux (en quête de profits sur le court terme) disponibles dans le système tout en asséchant l’épargne des ménages qui subit l’augmentation de denrées vitales pour sa vie quotidienne. Cette ruée vers les matières premières étant condamnée à s’amplifier par la faute des banques centrales grande pourvoyeuses de liquidités, les perspectives ne sont guère optimistes pour une croissance économique qui sera largement amputée du fait de cette inflation des prix avec, à la clé, un mécontentement social bien compréhensible. Tout le monde n’est cependant pas perdant dans cette conjoncture car M. Bernanke, Président de la Réserve Fédérale US, fait quand même des heureux… 

C’est ainsi que cette stratégie de générosité extrême profite aux spéculateurs et autres demandeurs de lignes de crédit et d’effet de levier qui enregistrent leurs meilleurs résultats depuis le déclenchement de la crise en 2007! Ce mois de Septembre dernier, rasséréné par des banques centrales sur le point de rajouter une seconde couche de baisses de taux quantitatives, s’est révélé particulièrement réjouissant pour les « hedge funds », ces grands fonds spéculatifs. N’ont-ils ainsi pas gagné entre 12 et 15% sur ce seul mois? Les opportunités d’arbitrages sont en effet quasiment infinies pour ces institutions financières qui, surfant sur la vague des crédits à taux presque nuls, alimentent les bulles des matières premières, des métaux précieux et des produits énergétiques tout en bénissant quotidiennement les banques centrales…

Il va de soi que celles-ci persévèreront dans cette politique hyper complaisante, persuadées que les appréciations boursières débouchent naturellement sur une prospérité généralisée. N’est-il pas déplorable que nos économies et que nos niveaux de vie dépendent intégralement de cette élite issue d’un milieu déconnecté de la « vraie vie »?  

Les autorités monétaires ressemblent à ces joueurs de casino compulsifs qui doublent la mise en espérant récupérer leurs pertes alors qu’il est évident que ces injections supplémentaires de liquidités n’auront qu’un impact négligeable sur l’investissement et sur l’épargne tout en aggravant irrémédiablement les déficits. Comment, dans sa grande naïveté ou dans son inadmissible complicité, un établissement comme la Fed ne comprend-il pas que 2’000 milliards de dollars inondant subitement un système n’y induisent-ils pas une distorsion dommageable pour ses acteurs économiques? Cette activation effrénée de la planche à billets préside ainsi à une grande redistribution des richesses, prenant et pompant encore au détriment du travailleur et du salarié moyen pour enrichir celui qui a les moyens d’investir et celui qui ose spéculer…

Facteur d’instabilité des monnaies et de désordre du commerce international, cette anarchie monétaire est le pur produit des décisions du G 20 des années 2008 et 2009. Le G 20 de 2010 aura-t-il le cran d’interrompre cette politique dévastatrice?

Michel Santi Gestionsuisse.com oct10 

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Qui a provoqué la guerre des monnaies ? par Simon Johnson

 Le monde constate de fortes tensions à propos des taux de change, affectant la politique commerciale (flirt de l’Amérique avec le protectionnisme), les réactions par rapport aux flux de capitaux (nouvelles restrictions au Brésil, en Thaïlande et en Corée du sud), et le soutien de l’opinion publique vis-à-vis de la globalisation économique (montée du sentiment anti étranger presque partout). Qui est responsable de cette débandade et que va-t-il se passer maintenant ?

La question se pose habituellement en terme de savoir si certains pays ne trichent pas en maintenant une dépréciation de leurs taux de change pour soutenir leurs exportations et limiter les importations par rapport à ce qui se passerait si leurs banques centrales laissaient flotter leurs monnaies.

De ce point de vue tout conventionnel, le principal coupable est la Chine, bien que le Fonds Monétaire International suive juste derrière en seconde position. Mais, d’un point de vue plus général, l’état de la situation actuelle est principalement causée par le refus de l’Europe de réformer sa gouvernance économique, comme en témoignent des années de mauvaise gestion politique et l’aveuglement américain.

La Chine a certainement sa part de responsabilité. En partie par nature et en partie par chance, la Chine a commencé à accumuler, il y a une dizaine d’années, d’importantes réserves étrangères en entretenant un excédent commercial et en intervenant pour acheter les dollars générés par cette situation. Dans la plupart des pays, de telles interventions auraient généré une poussée inflationniste parce que la banque centrale aurait émis de la monnaie locale en contrepartie pour les dollars. Mais, parce que la situation de la Chine reste très contrôlée et que les options des investisseurs sont très limitées, les habituelles conséquences inflationnistes n’ont pas eu lieu.

Cela donne à la Chine – pour un des pays les plus importants en terme d’échanges commerciaux – la capacité sans précédent d’accumuler des réserves étrangères (désormais de l’ordre de 3 trillions de dollars). Son excédent de compte courant a explosé avant la crise financière de 2008 aux alentours de 11% du PIB. Et son lobby d’exportation milite avec force pour maintenir stable son taux de change par rapport au dollar.

En principe, le FMI est supposé faire pression sur les pays dont le taux de change est sous-évalué pour qu’ils procèdent à une réappréciation de leur monnaie. Le discours du Fonds a été ambitieux , y compris lors de la toute dernière réunion annuelle de ses membres – les banques centrales et les ministres des finances de la planète – à Washington. Mais la réalité est que le FMI n’a aucun pouvoir sur la Chine (ni sur aucun des pays ayant un compte courant excédentaire) ; le communiqué final du week-end dernier fut le plus insuffisant du genre.

Malheureusement, le FMI est coupable de bien plus que d’une simple arrogance. Sa gestion de la crise financière asiatique en 1997-1998 a lourdement contrarié les principaux marchés émergents aux revenus moyens – et ils estiment encore que le Fonds ne prend toujours pas leurs intérêts au sérieux. Les Européens occidentaux jouent ici un rôle majeur, car ils sont largement surreprésentés au sein du bureau exécutif du FMI et, malgré les supplications, refusent de consolider leur siège de manière à accorder une plus grande influence aux marchés émergents. 

En conséquence, et pour éviter de devoir dépendre du soutien du FMI à l’avenir, les pays émergents suivent de plus en plus la voie de la Chine et essayent de faire en sorte d’entretenir, eux aussi, des excédents de compte courant. En pratique, cela se traduit par des efforts assidus pour éviter une revalorisation de leurs monnaies.

Mais une grande part de la responsabilité pour les dangers économiques globaux actuels est américaine, et ce pour trois raisons.

 Tout d’abord, la plupart des marchés émergents se sentent forcés à réévaluer leurs monnaies du fait des afflux croissants de capitaux. Les investisseurs au Brésil se voient offrir des rendements aux alentours de 11% tandis que des risques de crédit similaires aux Etats-Unis ne rapportent pas plus de 2 à 3%. Nombreux sont ceux qui pensent que cela constitue un pari à sens unique. Les taux américains devraient en outre rester faibles parce que la situation financière de l’Amérique a explosé (avec l’aide des banques européennes) et parce que la faiblesse des taux reste, pour des raisons nationales, un élément du cocktail de mesures post-crise.

Deuxièmement, les Etats-Unis entretiennent un déficit de compte courant record depuis dix ans, l’élite politique – Républicains comme Démocrates – étant devenus extrêmement confortable avec la surconsommation. Ces déficits ont facilité les excédents que les marchés émergents comme la Chine veulent entretenir – la somme des compte courants de la planète étant égale à zéro, si un nombre important de pays veulent donc entretenir des excédents, quelqu’un de grand doit subir un déficit. 

Certains hauts responsables de l’administration Bush avaient coutume de parler du déficit du compte courant américain comme d’un « cadeau » au monde. Mais, honnêtement, les Etats Unis surconsomment – vivant bien au-dessus de leurs moyens – depuis dix ans. L’idée selon laquelle des réductions fiscales entraineraient des gains de productivité et se paieraient donc tous seuls (et résorberaient le budget) est à l’évidence totalement illusoire.

Troisièmement, le flux net de capitaux se fait depuis les pays émergents vers les Etats-Unis – c’est ce que signifie avoir des excédents de compte courant dans les marchés émergents et un déficit aux Etats-Unis. Mais le flux brut de capitaux est de pays émergent à pays émergent, par le biais des grandes banques qui sont désormais implicitement soutenues par les Etats-Unis et l’Europe. Du point de vue des investisseurs internationaux, les banques qui sont « trop importantes pour échouer » sont parfaites pour y placer leurs réserves – aussi longtemps que le souverain en question demeure solvable. Mais que feront les banques de ces fonds ?

Lorsque une situation similaire s’est trouvée dans les années 70 – le soi-disant « recyclage des excédents pétroliers » – les banques dans les places financières occidentales ont accordé des prêts à l’Amérique Latine, à la Pologne communiste et à la Roumanie communiste. Ce n’était pas une bonne idée et avait provoqué une crise massive (pour l’époque) de la dette en 1982.

Nous nous dirigeons vers quelque chose d’assez similaire mais à une échelle supérieure. Les banques et les autres acteurs financiers ont toutes les incitations pour prendre des risques majeurs à l’approche du cycle ; ils empocheront les bénéfices (les compensations de Wall Street devraient atteindre un record cette année encore) et la facture sera pour les contribuables.

Les « guerres des monnaies » ne sont en fait que des escarmouches. Le gros problème est que le cour du système financier mondial est devenu instable, et les prises de risques inconsidérées entraineront une fois encore des dommages collatéraux majeurs.

Simon Johnson, ancien chef économiste auprès du FMI, est le cofondateur d’un des plus éminent blog économique, http://BaselineScenario.com, professeur à l’école Sloan de MIT, et associé à l’Institut Peterson pour les affaires économiques internationales.

 Project Syndicate, 2010.

Traduite de l’anglais par Frédérique Destribats

2 réponses »

  1. quelle frustration ce papier de Leadermann. Avec un tel titre, je pensais que cet article allait enfin me proposer des pistes pour placer judicieusement mes francs.
    Cela fait déjà un long moment que j’ai rapatrié tous mes investissements dans ma monnaie car le risque de change est beaucoup trop grand par rapport aux gains possibles.
    et que lis-je ? un état des lieux qui ne me propose aucune piste.. Ah frustrant ! mais bonnes vacances

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