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Trappe à Dettes : 316 milliards de dettes « pourries » à rembourser

316 milliards de dettes « pourries » à rembourser

Un record qui fait craindre que tous les émetteurs européens ne pourront peut-être pas se refinancer d’ici 2014.

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Le refinancement des dettes colossales contractées par les acteurs économiques avant que n’éclate la crise des subprimes ne pose pas seulement problème aux États, mais également aux entreprises disposant, aux yeux des agences de notations financières, de la moins bonne qualité crédit.

Ces entreprises, dont la dette est péjorativement définie comme « pourrie » (ou « junk »), sont également confrontées à un goulet d’étranglement pour la période 2011-2014. Rien qu’en Europe, ce sont, selon Moody’s, pas moins de 316 milliards de USD de « junk bonds » qui vont devoir être remboursées d’ici 2014, avec un pic de 89 milliards de USD en 2013.

Un pic qui s’explique par le fait que c’est durant cette année précise que tombe à échéance la grande majorité des prêts accordés aux entreprises rachetées par endettement par les adeptes des « leveraged buyouts » (LBO) lors de la vague des LBO de 2005 à 2007.

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Ce graphique est tiré d’une étude de Standard & Poor’s  de 2009 et il montre que le problème de la dette des LBO en Europe s’étale dans le temps car i) elle a été généralement négociée ou renégociée en 2006-2007 ii) et avec pas mal de remboursements in fine (et non pas amortis annuellement). De surcroît les convenants (les ratio à respecter) négociés à l’époque étaient souvent assez « lâches ». Tout ceci étale dans le temps le sujet. Mais cela peut constituer aussi une bombe à retardement.

Dans sa jeune histoire, le marché n’a encore jamais dû faire la preuve d’une capacité d’absorption aussi massive. Face à un tel défi, Chetan Modi, analyste de Moody, ne cache pas sa circonspection: « Comment le marché va-t-il parvenir à gérer un tel afflux de dettes arrivant à échéance? Quel sera l’impact sur la valorisation et le pricing des junk bonds? » On le voit: beaucoup de question, mais peu de réponses…

Continuer à se refinancer…

Une chose est sûre, c’est que depuis que les banques ont, après avoir perdu plus de 1.300 milliards de USD avec les subprimes, fermé le robinet des prêts aux entreprises, elles n’ont eu d’autre alternative que de se refinancer sur le marché obligataire. Jusqu’à présent, les émetteurs de dettes corporate, et en particulier de dettes spéculatives, ont toujours trouvé preneur, la demande étant particulièrement vive pour les papiers à haut rendement. Mais en ira-t-il de même lorsqu’il faudra refinancer les centaines de milliards qui sont dans le viseur?

Pour mieux mesurer l’effort à accomplir, il suffit de savoir que les investisseurs ont souscrit cette année à 46 milliards de USD de junk bonds en Europe. Ce qui est déjà plus que le record 2009 (43 milliards de USD). Mais on est encore très loin du pic de 89 milliards de USD de remboursements annoncés pour 2013…

Comme 80% de l’argent levé en 2009 a servi à rembourser la dette arrivant à échéance, il apparaît que les sociétés spéculatives ne croulent pas sous les liquidités et devront logiquement à nouveau faire appel aux investisseurs.

… mais à quel prix?

Reste à voir si ces derniers pourront se contenter de l’actuelle prime de risque contenue dans les junk bonds. Sur le Vieux Continent, leur surplus de rendement par rapport aux emprunts d’État a, selon Bank of America Merrill Lynch, chuté d’un sommet de plus de 22% à 5,6%.

On peut donc légitimement s’attendre à ce que la « suroffre » de papiers spéculatifs se traduise par une remontée des primes de risque.

Pour que le mur de 316 milliards de USD de junk bonds arrivant à maturité ne se transforme pas en mur des lamentations, les émetteurs de dettes spéculatives (celles dont le rating est inférieur à « BBB- » ou « Baa3 ») ont donc intérêt à prendre les devants et à profiter des taux ultra-bas du moment pour lever les capitaux nécessaires aux prochains refinancements.

D’autant que deux tiers des junk bonds arrivant à échéance au cours des quatre prochaines années sont des prêts bancaires et que l’on voit mal les banques accorder facilement aux émetteurs de nouvelles lignes de crédit.

« LBO » en délicatesse

Continental l’a bien compris puisqu’il a déjà essayé d’allonger la maturité sur plus de 8 milliards d’euros de prêts bancaires arrivant à échéance d’ici 2012. Noté seulement « B1 », soit 4 crans en dessous de la catégorie des prêts non spéculatifs, le deuxième producteur européen de pneumatiques a déjà levé cette année pour 3 milliards d’euros d’obligations. Nul doute qu’il devra remettre le couvert.

Mais il ne sera pas le seul et devra entrer en compétition avec beaucoup d’autres acteurs dont des sociétés financées par LBO qui, selon Chetan Modi, « représentent près d’un tiers des émetteurs spéculatifs en Europe et un quart de la dette arrivant à échéance d’ici 2014″. Pour peu que l’appétit des investisseurs ne soit plus au rendez-vous et que les rendements exigés augmentent, on peut, prévient Chetan Modi, s’attendre à ce que les LBO en situation délicate fasse défaut ».

Une étude de l’Afic  datant de fin 2009montre que le dépôt de bilan des entreprises sous LBO ressort à seulement 1,4 %.Toutefois, 22,8 % des sociétés ont rompu leurs engagements bancaires contractuels (« covenants ») -soit près de une sur quatre -et 14 % n’ont pas pu respecter leurs échéances de dettes .Est ce beaucoup? Oui car les convenants négociés pendant la période de la bulle d’endettement (2005-2007) étaient souvent lâches et on est pas encore sorti de la crise. Y a t’il un risque vital pour les entreprises concernées? Non ,car elles sont viables normalement mais ont été trop endettées. Donc une restructuration financière doit suffire quand un problème survient…ce qui peut être douloureux pour les créanciers mais encore plus pour les actionnaires (équity).

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Si les investisseurs en junk bonds sont jusqu’ici récompensés par un return moyen de 16% cette année, il n’est pas dit que l’avenir leur sera toujours aussi radieux. 

source echo oct10

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