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Documentaire Inside Job ou comment comprendre le fil conducteur… de la crise

Documentaire Inside Job ou comment comprendre le fil conducteur… de la crise

Le documentaire Inside Job de Charles Ferguson va probablement passer à l’histoire comme étant l’oeuvre la plus documentée, la plus solide et la plus complète pour décrire les causes et conséquences de la crise financière.   

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Le film qu’il a réalisé s’appuie sur une quantité de données précises, de statistiques et d’extraits. Et il nous aide à mettre ensemble toutes les pièces du casse-tête de la crise pour comprendre ce qui s’est passé en 2008.   

Charles Ferguson décrit le chemin parcouru depuis l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan en 1981, mais affiche ses couleurs : il faut revenir à une réglementation des marchés pour éviter la dérive des dernières années.   

Selon lui, l’encadrement du monde financier qui a suivi la Grande Dépression a mené à une quarantaine d’années de croissance économique relative bonne, une période qui s’est arrêtée avec la déréglementation enclenchée par Ronald Reagan et qui s’est poursuivie avec le concours d’Alan Greenspan, Bill Clinton, les Bush père et fils et tous les dirigeants de Wall Street qui se sont retrouvés au Trésor américain durant ces années.   

Sur ce point, il faut le dire, nous ne sommes pas tous d’accord. J’ai lu ici dans ce carnet de nombreuses réflexions, certains affirmant que la déréglementation est à l’origine de la crise, d’autres expliquant qu’il y a encore trop de réglementations et c’est pour ça qu’il y a eu crise. Au-delà de ces points de vue, il faut voir Inside Job, à mon avis, pour la qualité du travail de recherche.  

Loin du ton caricatural, moqueur et parfois démagogique de Michael Moore, Charles Ferguson décortique la crise, point par point. Il a interviewé le directeur du FMI, Dominique Strauss-Khan et le conseiller économique de Barack Obama et ex-patron de la Réserve fédérale Paul Volcker. Il a aussi rencontré des leaders asiatiques et européens, en plus d’obtenir des entrevues particulièrement intéressantes avec Glenn Hubbard, le doyen de l’Université Columbia, et Martin Feldstein, professeur à l’Université Harvard, deux hommes qui ont influencé les politiques économiques américaines depuis 30 ans.

Le réalisateur explique comment Wall Street, le Trésor américain et les grandes écoles de finances sont liés entre eux. Il explique comment le secteur des produits dérivés s’est développé, et comment surtout les autorités politiques compétentes ont oeuvré pour faciliter le développement d’outils financiers sophistiqués et dangereux. 

Il réussit à présenter, clairement, comment les banques se sont débarrassées des dettes hypothécaires en créant des CDO (Collateralized debt obligations), puis des CDS (Credit Default Swap). À l’aide de graphiques, il nous montre la bulle des années 2001 à 2007, au moment où les prêts hypothécaires à risque se sont multipliés, un véritable château de cartes qui ne pouvait que finir par s’effondrer. 

Après avoir établi les causes, la bulle, la crise et les répercussions, il en arrive à la conclusion que le nouveau gouvernement de Barack Obama n’a pas livré, au cours des deux premières années de mandat, les résultats promis en matière de réforme financière. « It’s Wall Street government », décrète un intervenant dans le film. 

La nausée nous gagne à un certain moment, pour vous dire vrai, tant l’intérêt public a été spolié selon le réalisateur du film. Est-ce que les banques peuvent revenir à un rôle très simple, qui est celui de recevoir et protéger les dépôts des épargnants? Est-ce qu’on n’est pas en train finalement de préparer la prochaine crise?

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 «Je ne vois pas une grosse différence», les changements les plus dangereux à la réglementation des banques ont été faits sous l’administration Clinton, dit Charles Ferguson. Les gens les plus dangereux sous Clinton, comme Larry Summers, sont encore en poste sous Obama.» Au moins, sous Bush, des gens ont été condamnés par le département de la Justice dans les scandales de WorldCom et d’Enron. Il n’y a pas eu une seule accusation criminelle à Wall Street dans le cadre de la crise financière»,

«Les services financiers sont une industrie malicieuse (a rogue industry), dit Charles Ferguson. Avant de faire le film, je savais qu’il y a eu des gens à Wall Street qui se sont mal comportés, mais jamais à une aussi grande échelle. Goldman Sachs a vendu des produits financiers visant à tirer profit de leurs déboires. Je croyais qu’en Amérique, on ne faisait pas ça. Mais oui, des gens sont prêts à faire ça. Ce qui m’inquiète encore plus, c’est que c’est légal d’agir ainsi…»

L’acteur vedette Matt Damon prête sa voix à la narration du film, présenté au Festival de Cannes en mai dernier. «Matt appuie les thèses du film. Quand je lui ai fait remarquer que le film était très critique à l’égard de l’administration Obama, il m’a répondu qu’il était aussi très critique à l’égard d’Obama», dit Charles Ferguson, qui a entrepris une troisième carrière à Hollywood. Avant de fonder sa société de production, il a été consultant politique et entrepreneur en logiciels (il a vendu son entreprise à Microsoft en 1994 pour 133 millions US). Inside Job est son deuxième film. Tourné avec un budget de 2 millions US, le film a généré des revenus d’environ 350 000$ en deux semaines au box-office américain

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 Le procès devait s’ouvrir en Californie le 20 octobre : il n’aura pas lieu. Quatre jours avant, les avocats d’Angelo Mozilo, ex-PDG de Countrywide, numéro un américain du prêt hypothécaire subprime qui a sombré dans la banqueroute en 2008, sont parvenus à un accord avec le procureur et le plaignant. Accusé par la Securities and Exchange Commission (SEC, contrôleur des marchés boursiers américains) de fraudes en tout genre, M. Mozilo, 71 ans et désormais beaucoup de cheveux blancs, s’est engagé à verser 87,5 millions de dollars (62,6 millions d’euros) : la plus grosse amende individuelle de l’histoire du capitalisme américain. Il est aussi interdit à vie de diriger une société cotée. Il ne sortira de sa poche que 67,5 millions ; les 20 supplémentaires seront gracieusement payés par Bank of America (BofA), le repreneur de Countrywide, comme son contrat de départ le stipulait. Durant son passage à la tête de cette caisse de crédit (2001-2008), Angelo a personnellement engrangé 521,5 millions de dollars d’émoluments.

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Le 17 avril 2007, évoquant les prêts subprimes, il écrivait à son président, David Sambol : « De ma vie, je n’ai jamais vu un produit financier aussi toxique. » Non seulement il continua d’en faire la crème de son activité, mais il assurait alors ses actionnaires que les titres subprimes étaient un excellent placement. Et il poussait ses agents à « fourguer » ces emprunts à gogo. Countrywide était champion du « No Doc Loans », le prêt sans justificatif. N’importe qui y entrait et ressortait avec un chèque de 300 000 dollars. Le jour où il ne pouvait plus rembourser, la banque gardait la somme reçue, lui saisissait sa maison et la revendait 50 % plus cher, vu la hausse de l’immobilier. Du gâteau…

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Bref, celui que beaucoup désignaient comme l’archétype de la « culture de la cupidité » ne connaîtra jamais la couche sans sommier d’une cellule de prison. Il n’est pas le seul à s’en sortir. Pour tout dire, c’est même la règle générale. Cela étonne de plus en plus de commentateurs. Car lorsque la crise des subprimes a généré cette incroyable débâcle financière, nombre d’experts pronostiquaient que, pour certains, l’affaire se terminerait forcément devant un juge. Or rien de tel n’est advenu. C’est une des nouveautés de la crise actuelle. Contrairement à celle des « obligations pourries » des années 1980, qui vit leurs promoteurs, Michael Milken et Ivan Boesky, envoyés pour des années au cachot, contrairement aux années 2000, qui virent le PDG d’Enron, Kenneth Lay, malgré sa proximité avec George Bush, être traîné devant le tribunal et condamné, cette fois, personne n’est jugé : pas de « coupables » ni même de responsables.

Tout se règle derrière des portes closes. Ainsi, Goldman Sachs a régularisé sa situation en versant 550 millions de dollars d’amende. A comparer aux 13,1 milliards de dollars que « LA » banque a mis de côté à ce jour pour les bonus de fin d’année de ses cadres méritants. Quant à Citigroup (45 milliards de dollars de trou), une juge a soldé ses fautes pour 75 millions de dollars d’amende. Aucune poursuite individuelle n’est envisagée contre aucun de ses dirigeants. Dans le New York Times, le chroniqueur Frank Rich se désespère : « L’administration Obama semble dénuée de gène procédural. » Sans procès, sans figures humaines pour incarner la « cupidité », impossible de mener à bien un travail pédagogique vis-à-vis du public. Les motifs et les mécanismes de la crise restent abstraits, désincarnés. Résultat : l’opinion a le sentiment que Barack Obama protège les rapaces, et les Tea Parties s’en délectent. En laissant s’installer une culture de l’impunité, la Maison Blanche a ouvert un boulevard à la droite la plus extrême.

Rich est le « gauchiste de service » du quotidien new-yorkais. Ses colères n’étonnent personne. La chose est bien plus grave pour Barack Obama lorsqu’un Jonathan Weil, columnist de l’agence économique et financière Bloomberg, poursuit la même idée. Larry Summers, principal conseiller économique de M. Obama, partant vers une nouvelle destinée, les deux noms les plus cités pour le remplacer ont été Richard Parsons, président non opérationnel de la banque Citigroup, et Anne Mulcahy, ex-PDG de la société Xerox. Dans sa chronique du 30 septembre, Weil rappelait que leur passé ne plaidait pas pour leur bonne gestion : tous deux étaient au conseil d’administration de Fannie Mae et de Citigroup quand ces deux organismes financiers ont connu des pertes abyssales.

Aussi proposait-il au président, pour le poste de conseiller économique en chef de la Maison Blanche, de choisir plutôt Dick Fuld, l’homme qui a enterré Lehman après y avoir engrangé près de 1 milliard de dollars de revenus personnels.

Ou encore James Cayne, l’ex-patron de Bear Stearns,

ou Stan O’Neal, le boss de Merryl Lynch parti en 2007 avec 161,5 millions de dollars de « prime ». Lors des semaines fatidiques du troisième trimestre 2007, avant d’être débarqué pour avoir perdu en trois mois 8,4 milliards de dollars sur les seuls titres subprimes, M. O’Neal avait trouvé le temps de jouer vingt parcours de golf. En quatrième position sur la liste de Jonathan Weil, venait Angelo Mozilo.

Qu’une telle chronique soit publiée par Bloomberg en dit long sur le degré d’exaspération dont bénéficient les « vrais responsables » de la crise et celui dont on estime, à tort ou à raison, qu’il leur accorde une impunité très imméritée.

source le monde oct10

EN BANDE SON ET PARCE QUE CEST DE CIRCONSTANCE :

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