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Le Graphique du Jour : Nouveaux records pour les prix alimentaires mondiaux et une bombe à retardement

Le Graphique du Jour : Nouveaux records pour les prix alimentaires mondiaux et une bombe à retardement
  
 

L’augmentation des prix alimentaires observée depuis août est «très inquiétante», a jugé vendredi Abdolreza Abbassian, économiste de la FAO chargé du suivi du secteur des céréales, interrogé par l’AFP. Et ce, «parce qu’elle touche des millions de gens, surtout quand elle concerne des produits de base comme les céréales», a déclaré l’économiste de la FAO, l’organisation de l’Onu pour l’alimentation et l’agriculture.

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Cette hausse, qui a débuté en août, a atteint en décembre un record depuis 1990, selon l’indice de la FAO instauré cette même année, dépassant le précédent record de juin 2008. Abdolreza Abbassian relève cependant des différences au sein même du secteur des céréales. Le maïs et le blé ont connu une «augmentation assez forte» mais le riz, base de l’alimentation en Asie, est à «la moitié du prix de 2007/2008».

Pour lui, si «la situation des céréales n’est pas aussi critique qu’en 2007/2008», «des conséquences plus graves» ne sont pas à exclure dans les prochains mois, en fonction du climat. En 2008, les cours des céréales avaient atteint des records historiques, provoquant une crise alimentaire et des émeutes dans de nombreux pays africains, mais aussi en Haïti et aux Philippines.

La FAO, lors d’une réunion intergouvernementale sur les céréales en septembre, a indiqué que «la situation était assez fragile» mais a demandé aux pays «de ne pas paniquer». «Des pays ont peut-être tiré des leçons de 2007/2008 et acheté par avance, se constituant ainsi de meilleures réserves», a indiqué Abdolreza Abassian.

Augmentation du prix de l’orge

Conséquences de la sécheresse qui a sévi cet été en Russie et en Ukraine : le prix de l’orge grimpe et les pays importateurs doivent se tourner vers de nouveaux fournisseurs.

Après la canicule et les feux de forêt qui ont dévastés les récoltes, la Russie a imposé un embargo total sur ses ventes de céréales jusqu’à l’été prochain. L’an dernier, elle avait exporté 3,2 millions de tonnes d’orge. L’Ukraine, moins sévèrement touchée par la sécheresse, a elle, décidé de freiner ses exportations. Si l’an dernier, les agriculteurs ukrainiens ont exporté 5,3 millions de tonnes d’orge, ils n’ont été autorisés à vendre que 200 000 tonnes d’orge d’ici mars prochain à l’étranger. 

Or, l’Ukraine et la Russie sont les premiers exportateurs mondiaux d’orge fourragère, destinée à l’alimentation animale et dont les pays du Moyen-Orient sont de grands consommateurs. Cette céréale y constitue la nourriture traditionnelle des cheptels de chameaux et de moutons. A elle seule, l’Arabie saoudite importe près de huit millions de tonnes d’orge par an. Elle a donc du trouver, dans l’urgence, de nouveaux fournisseurs, tout comme la Syrie, la Jordanie ou les pays du Maghreb. 

Faute de fournisseurs à l’est, c’est donc vers l’ouest de l’Europe que se sont tournés ces Etats, et en particulier vers la France et l’Allemagne, les deux principaux producteurs de l’Union européenne. Bruxelles leur a accordé des licences pour pouvoir exporter près de trois millions de tonnes d’orge, c’est huit fois le volume autorisé l’an passé à la même époque. 

Aujourd’hui, ces pays croulent sous la demande et entendent bien profiter de l’aubaine qui se présente à eux, d’autant que les prix sont repartis à la hausse. Alors qu’une tonne d’orge se négociait 100 euros à la mi-juin, elle dépasse aujourd’hui les 200 euros. Mais l’orge étant la seule céréale qui n’ait pas besoin d’être broyée, nettoyée ou transformée avant d’être donnée aux animaux, les éleveurs de chameaux n’ont pas le choix. Ils devront payer le prix fort en attendant le retour de l’Ukraine et de la Russie sur le marché. 

Avec les inondations en Australie, les cours du blé reprennent leur ascension

Il n’y a pas que la production minière – en particulier de charbon – qui ait été atteinte par les inondations dans le nord-est de l’Australie. Les récoltes sont, elles, dévastées : 70 % seraient sous les eaux. Les champs de canne à sucre, dont l’Etat du Queensland est grand producteur, les champs de coton, mais aussi et surtout le blé. Cette culture avait progressivement remplacé l’élevage au cours des neuf ans successifs de sécheresse, en Australie. Mais cette année, ironie du sort, c’est l’eau qui dévaste les blés. Au cours des deux derniers mois, les pluies ont détrempé les champs, entraînant non seulement un mois de retard dans la moisson de ce pays austral, mais aussi une moindre qualité de la récolte : 10 millions de tonnes, soit la moitié du blé meunier aurait été dégradée en blé fourrager, juste bon pour le bétail.

Les inondations viennent encore aggraver les dégâts, et sur une superficie équivalente à la France et à l’Allemagne réunies ! Etant donné la paralysie des transports routiers et ferroviaires, le blé du Queensland ne peut carrément plus sortir du pays, et ce blocage pourrait encore durer une semaine ou deux, estiment la Première ministre de l’Etat et Agforce, l’organisme représentant les agriculteurs.

Pas de quoi calmer les marchés à terme, déjà très fébriles depuis la sécheresse russe, qui a amputé l’offre de blé mondiale. L’Australie est cette année le quatrième exportateur de blé derrière les Etats-Unis, l’Union européenne et le Canada ; et l’on comptait beaucoup sur sa production. En attendant de connaître l’impact exact des inondations, l’arrêt des expéditions australiennes de blé a déjà fait grimper brutalement les cours de la céréale en ce début d’année 2011. A Chicago, le contrat livrable en mars a progressé  pour atteindre les 8,15 dollars le boisseau, un niveau qu’on n’avait plus atteint depuis l’été 2008 ! A Paris, le prix de la tonne de blé a également rebondi, à plus de 254 euros pour la même échéance. Le double de l’an dernier !

Emeutes, quotas d’exportation, expropriations de terres agricoles détenues par des étrangers… Les pays du Sud risquent de vivre à nouveau en 2011 ce qui faisait souvent leur quotidien avant la crise lorsque, poussés par la spéculation, les prix des matières premières agricoles étaient au plus haut.

L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) vient d’annonce que les prix agricoles avaient atteint des niveaux records en décembre. Et elle prévoit que cette situation pourrait s’aggraver si la météo réserve de mauvaises surprises.

Pour la première fois, ces cours ont dépassé les niveaux atteints début 2008 lorsque la valse des étiquettes avait provoqué des « émeutes de la faim » dans des pays comme Haïti, l’Egypte et le Cameroun et fait naître des demandes de plus grande régulation des marchés des matières premières.

L’impact potentiel dans les domaines humanitaire, politique et économique – tout particulièrement dans les Etats déshérités où les prix des denrées alimentaires de base constituent le principal élément de l’inflation – inquiète déjà les décisionnaires et les hauts responsables.

« Les hausses des prix alimentaires frappent le plus durement les plus pauvres, les dépenses d’alimentation représentant la plus forte proportion de leurs budgets », explique James Bond, spécialiste en assurance du risque politique de la Banque mondiale. « Cela crée des tensions importantes dans les pays plus pauvres, exacerbe les disparités en matière de niveau de vie et constitue une source majeure d’agitation. »

Cercle vicieux

Jusqu’ici, les experts imputent la majeure partie de ces hausses aux tensions en matière d’offre liées aux phénomènes climatiques – inondations en Australie, sécheresse en Argentine, temps sec et incendies en Russie et gelées menaçant les récoltes en Europe et en Amérique du Nord. Mais ils redoutent que les facteurs politiques et les marchés entrent prochainement dans la danse et contribuent à créer un cercle vicieux.

« Le danger qui se profile aujourd’hui est un deuxième choc, avec des pays réagissant par des interdictions à l’exportation et des investisseurs sur les marchés financiers spéculant à court-terme, faisant encore monter les prix, comme ce fut le cas en 2008 », estime Maximo Torero, de l’Institut international de recherche en politique alimentaire (Ifpri) de Washington.

L’an dernier, les Russes ont limité leurs exportations à la suite des incendies et de la sécheresse. En 2008, selon l’Ifpri, 13 pays au moins, dont l’Argentine, le Cambodge, le Kazakhstan, la Chine, l’Ethiopie et la Zambie, avaient imposé des restrictions à l’exportation ou des taxes, ce qui a contribué à accentuer les tensions sur l’offre.

Pour Maximo Torero, les informations faisant état de troubles pourraient également alimenter de nouvelles hausses du prix des carburants, relancer la spéculation en matière d’investissements et provoquer des « achats de panique » – même si les causes peuvent en fait être plus complexes. Les assureurs en matière de risque politique, qui apportent une protection contre le danger de confiscation ou de violences politiques, observent la situation actuelle attentivement, même si cette dernière n’a, selon eux, pour le moment aucune répercussion directe sur leurs primes d’assurance.

Controverses sur les contrats fonciers

Les risques les plus élevés d’expropriation de terres agricoles demeurent en Amérique latine, d’après les assureurs, notamment au Venezuela, en Bolivie et en Equateur. Mais les facteurs politiques locaux joueraient ici un plus grand rôle que la hausse des prix. Mais c’est en Afrique que les tensions actuelles pourrait avoir un impact sur les accords de terres conclus ou projetés dans un certain nombre de pays.

Lors de la flambée des cours de 2008, des fonds occidentaux et des pays émergents _ à commencer par la Chine – avaient multiplié la signature de contrats leur permettant de garantir leur sécurité alimentaire. Certains de ces contrats ont suscité la controverse, comme à Madagascar où les ambitions foncières du géant sud-coréen Daewoo se sont heurtées à la colère de la population locale. Cette grogne, dit-on même, aurait joué un rôle dans le coup d’Etat qui s’est produit en 2009 dans la Grande Ile de l’océan Indien.

« Les risques principaux surviendront dans les régions incapables de nourrir leur propre population. Ces contrats seront alors perçus comme ayant été mal négociés », explique Jonathan Wood, analyste chez Control Risks. « Bon nombre de ces projets sont situés en Afrique de l’Est – Ethiopie, Kenya, Tanzanie. Beaucoup dépendra de la façon dont sera négocié chaque accord individuellement. »

Certains investisseurs, comme Emergent Asset Management et Clayton Capital, affirment que leur politique consiste à s’assurer que ces projets bénéficient très clairement aux populations locales. « Les investisseurs malins ne possèdent pas la terre », souligne James Bond. « Ils travaillent avec des fermiers sous contrat et considèrent le marché intérieur comme étant leur premier et plus important marché. »

 Qui nourrir et qui laisser mourir de faim? 

Comment «jouer à dieu avec un budget limité»? Comment choisir qui nourrir et qui laisser mourir de faim? Der Spiegel publie un passionnant reportage-enquête sur «le côté laid et inhumain» de l’aide alimentaire internationale.

Uwe Buse décrit le quotidien de John Aylieff, directeur régional adjoint du Programme alimentaire mondial pour l’Asie. L’humanitaire est au Bangladesh et passe son temps à expliquer aux populations qu’il ne va pas pouvoir les aider.

«Je suis désolé, répète-t-il. Il ne nous reste rien à distribuer.»

Sur son site internet, le PAM explique:

«Aujourd’hui, 925 millions de personnes dans le monde sont sous-alimentées: une personne sur sept n’a pas suffisamment de nourriture pour mener une vie saine et active. La faim et la malnutrition sont, au niveau mondial, le risque numéro un à la santé humaine – leur impact dépasse celui du sida, du paludisme et la tuberculose réunis. (…) Parmi les Objectifs du Millénaire pour le Développement que les Nations Unies se sont posés pour le XXIe siècle, le premier est de réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la faim. Alors que de nombreux progrès ont été enregistrés dans les années 80 et la première moitié des années 90, depuis une décennie la faim avance de nouveau.»

L’expérience de John Aylieff illustre la situation. L’année 2008 a été celle d’une grave crise alimentaire. Puis il y a eu la crise, économique et financière cette fois. Avec elle, les coupes budgétaires pour le PAM:

«Son budget est passé de 5 milliards de dollars en 2008 à 4 milliards de dollars en 2009. En 2010, le PAM devrait recevoir seulement 3,7 milliards de dollars sur les 7 milliards demandés, en dépit des grandes catastrophes comme le tremblement de terre en Haïti et les inondations au Pakistan.»

John Aylieff a fait le calcul pour la région dont il est responsable:

«En 2009, il a calculé de combien d’argent il aurait besoin pour nourrir 8 millions de personnes souffrant de la faim. Il est arrivé à un chiffre de 257 millions de dollars. Il a obtenu 76 millions de dollars. Il a reçu encore moins en 2010, 60 millions de dollars, et il ne sait pas encore combien il recevra en 2011.»

Outre le manque de moyens, John Aylieff doit respecter le «fléchage» des dons, et ne peut donc pas disposer de son budget tel qu’il le souhaiterait. Du coup, il doit faire des choix, qui peuvent apparaître très injustes. Le reportage du Spiegel s’attarde sur le cas de deux femmes, Reni Begum et Marizon Nanda, que rien ne semble distinguer. Sauf que l’une reçoit l’aide du PAM et l’autre pas. Le détail est à lire sur Der Spiegel.

source agences/rfi/la Tribune/slate janv11

EN BANDE SON :

4 réponses »

  1. C’est un cercle vicieux: la population mondiale a augmente trop vite, plus il y a de monde moins on peut les nourrir. La seule solution: un controle demographique severe dans les pays pauvres. Comment s’en est sortie la Chine ?Par un controle implacable.

  2. je vous recommande la lecture de cet article de Monsieur le Président du Cercle des Économistes.
    http://www.investir.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/analyses-opinions/l-enjeu-agroalimentaire-mondial-une-urgence-315766.php?tous_les_commentaires=1

    « Comment faire pour éviter cette hausse des prix ? »

    « on pourrait taxer davantage les matières premières »

    C’est du lourd! Elle est bien bonne!

    Les hausses seraient à terme moins grandes en pourcentage, moins douloureuse, mais on serait mort avant!

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