Art de la guerre monétaire et économique

La remontée des taux présage du pire pour les Etats-Unis par Michel Santi

La remontée des taux présage du pire pour les Etats-Unis par Michel Santi

  • Les Etats-Unis ne doivent qu’à leur devise – le tout puissant dollar – d’être en mesure de se financer à prix modique. Leur activisme keynésien tous azimut et autres multiples créations de monnaie « ex nihilo » aux implications hyper inflationnistes auraient effectivement eu pour conséquence directe une brusque remontée de leurs taux d’intérêts (aux effets dévastateurs pour leur économie) si leur billet vert n’était pas la seule monnaie de réserve au monde… En fait, la machine à consommer américaine ne laisse nul choix aux pays exportateurs qui doivent obligatoirement y recycler leurs excédents – naturellement libellés en dollars. En effet, où et comment la Chine pourrait-elle investir ses dollars, résultant de sa balance commerciale largement excédentaire avec les USA, autrement que dans les Bons du Trésor et autres placements américains? Ce « privilège exorbitant » – authentique impérialisme à peine déguisé – autorise ainsi les gouvernants successifs de ce pays à abuser de toutes sortes de pratiques et de manipulations aux effets incontestablement pervers sur le pouvoir d’achat de leurs citoyens US et sur les coûts de financement de leur train de vie.

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En effet, à quoi bon subir une vie de privations et de rigueur, s’inquiéter des déficits publics – fussent-ils astronomiques – ou économiser les stimuli keynésiens tant que les Bons du Trésor américains sont (encore) l’objet de toutes les convoitises de la part des nations entretenant des excédents?

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LEGENDE : « Toutes les autres nations étrangères» sont tous ceux exception de la Chine (pour lequel nous avons inclus Hong Kong), le Japon, Royaume-Uni, le Brésil et «exportateurs de pétrole. »

«Les exportateurs de pétrole» comprennent l’Équateur, le Venezuela, l’Indonésie, le Bahreïn, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Algérie, le Gabon, la Libye et le Nigeria.

Le «US Civil Service :  Caisse de retraite de la fonction publique fédérale de retraite et d’invalidité. Le « Fonds américain de retraite militaire » est celui géré par le  ministère de la Défense. Le « Fonds social Fonds de sécurité » est la nouvelle mouture du Fond fédérale de vieillesse et du Fond d’affectation spécial d’assurance-invalidité.

Sources des données:
Département américain du Trésor. Déclaration mensuelle de la dette publique des États-Unis, Septembre 30, 2010.

Département américain du Trésor. Des détenteurs étrangers de titres du Trésor. (À la fin de Septembre 2010).

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Les chantres de la dépense et des relances par les déficits (deficit spending) – comme Paul Krugman – ne prétendent-ils en effet pas que la dette nationale américaine est, du haut de ses 9’300 milliards de dollars, nettement inférieure au P.I.B. du pays? … sans toutefois prendre la peine de mentionner que ce P.I.B. de 14’700 milliards ne produit que 2’200 milliards de revenus annuels et est donc insuffisant à assumer ne serait-ce que le financement de cette dette! Il est vrai que les implications potentielles des dettes publiques américaines – qui excèdent 400% de l’ensemble des revenus fiscaux annuels du pays – sont étourdissantes tant il est clair que le gouvernement des Etats-Unis n’est nullement en mesure d’honorer les seuls intérêts sur l’ensemble des Bons émis par sa Trésorerie

chart of the day, interest to revenue ratio, jan 2011


 

C’est donc dans cette conjoncture de cataclysme annoncé que, tout naturellement, il émet de nouveaux Bons afin de s’acquitter des intérêts échus grâce aux nouveaux fonds levés. Ce faisant, il monétise encore et toujours plus sa dette, payant ses créanciers avec l’argent emprunté auprès d’autres, le tout dans une monnaie qui ne tient plus que par la grâce de ces nations excédentaires trop engagées aujourd’hui aux Etats-Unis pour pouvoir seulement oser se permettre faire machine arrière…

La situation est pourtant limpide: le défaut de paiement américain – c’est-à-dire la faillite – est aujourd’hui suspendu à l’évolution des taux d’intérêts. En d’autres termes, l’incapacité de l’Etat fédéral US à honorer ses dettes est actuellement provisoirement masquée par le service modique de ces dettes du fait de taux d’intérêts très bas dont il doit s’acquitter auprès de ses créanciers.

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Quatre milliards de dollars de plus par jour. Comme le Titanic de l’iceberg, les Etats-Unis se rapprochent irrémédiablement de la limite fixée à leur dette publique. Le compteur dépassait hier les 14 038 milliards de dollars, soit une dette de plus de 45 000 dollars par habitant. A ce rythme, le plafond fixé par le Congrès (14 294 milliards) sera atteint dans environ deux mois

 C’est ainsi que la dette publique US, qui était de 4’900 milliards de dollars à fin 2006, contraignait le pays à payer 240 milliards de dollars au titre des seuls intérêts qui étaient alors autour de 4.9%. Considérons par ailleurs l’endettement à fin 2010, soit 9’300 milliards de dollars, dont la charge – 213 milliards de dollars – était ainsi inférieure du fait de taux tombés à 2.3%… Néanmoins, comment ignorer cette inéluctable bombe à retardement constituée par une dette en augmentation de 87%, en quatre ans, édulcorée simplement par un service de la dette, lui, néanmoins inférieur de 11% par rapport à ce qu’il était à l’époque? Et comment les Etats-Unis espèrent-ils financer en 2015 leur dette publique qui sera de l’ordre de 15’000 milliards de dollars avec un contexte de taux d’intérêts qui, lui, sera assurément moins favorable? En fait, des taux US qui retrouveraient simplement leurs niveaux de croisière se traduiraient déjà par un service de cette dette avoisinant 1’000 milliards de dollars ou près de la moitié de l’intégralité des revenus fiscaux de l’Etat fédéral américain.

Est-il utile d’étudier l’hypothèse où les Etats-Unis devront un jour affronter – à l’instar de la Grèce – des taux de l’ordre de 12% sur leurs obligations à 10 ans? N’oublions jamais que les déboires de l’Europe périphérique  proviennent moins de sa dette nominale que du coût de financement de cette même dette ayant mis la faillite à l’ordre du jour. En effet, une augmentation des taux d’intérêts se traduit généralement par une régression du P.I.B., elle-même résultant en une détérioration du ratio dettes / P.I.B….

 

Bref, après les débiteurs subprimes composés par cette armée de citoyens américains qui croyaient naïvement parvenir à assumer la charge d’une dette hypothécaire dix fois supérieure à leurs revenus annuels, prenons conscience d’un glissement aux effets potentiellement dévastateurs, à savoir que le débiteur subprime est aujourd’hui l’Etat américain! 

Que ceux qui sont bluffés par des taux d’intérêts insignifiants reviennent à la réalité car ce contexte est appelé à se durcir progressivement tout comme l’anesthésiant des « baisses de taux quantitatives » est condamné à rapidement s’estomper. N’en déplaise à Krugman et consorts – adeptes de l’hyper dépense – et malheureusement pour la Chine et pour les autres pays excédentaires lourdement investis aux USA: la hausse des taux d’intérêts déclenchera l’insolvabilité américaine.

La remontée prochaine des taux d’intérêts boulversera notre niveau de vie

Le coût de l’argent n’a fait que baisser depuis toute une génération. En fait, c’est le terme même d’inflation qui est tombé en désuétude après les épisodes de frénésie du début des années 80 avec, comme corollaire, des taux d’intérêts ayant connu une pente descendante ininterrompue depuis cette époque. Faut-il ainsi être un vétéran de l’hyper inflation de cette période pour se souvenir que les Fed Funds (taux à court terme), aujourd’hui proches du zéro, étaient à … 22.4% en 1981?! Pire encore puisque l’Etat Fédéral US a emprunté 10 milliards de dollars via une émission de Bons du Trésor émise en Octobre dernier où les intérêts réels étaient de -0.55% : Autrement dit, les investisseurs ont dû payer pour avoir le privilège de prêter aux Etats-Unis…

Phénomène incroyable quoiqu’ anecdotique qui décrit en fait un contexte global de taux d’intérêts ridiculement bas en vigueur depuis trente ans ayant encouragé, voire forcé la main, des consommateurs à emprunter. Ces taux à bon marché ont donc agi à la manière d’un écran de fumée en masquant au citoyen moyen une réalité faite de revenus stagnants et de renchérissement du coût de la vie contrebalancés par un accès illimité à du crédit facile qui donnait l’illusion d’un pouvoir d’achat stable et d’un luxe virtuel.

Considérons ainsi que, dans un pays comme les Etats-Unis, le taux d’épargne a dégringolé de 12% en 1975 à 1.2% en 2006 pendant que les endettements des ménages, eux, ont flambé de 68% de leurs revenus en 1977 à 128% de leurs revenus en 2007!

Ces taux d’intérêts excessivement bas ont donc intégralement financé le remarquable essor dont notre civilisation Occidentale a bénéficié ces trente dernières années. De la qualité sans précédent de notre train de vie, à notre frénésie de consommation en passant évidemment par la création d’emplois entièrement redevables à cette richesse illusoire, nous devons pratiquement tout aujourd’hui à ces taux bas! … et bien-sûr – last but not least – nous leur devons la bulle des valeurs technologiques (2000) et la bulle immobilière (2007) dont nous sommes toujours en train de payer lourdement le prix en ce début d’année 2011. 

Mais n’imaginez pas que c’est seulement nous, individus, qui avons été abusés par cette politique monétaire hyper laxiste car les Etats ont, eux aussi, vendu leur âme et cédé à la facilité. Comment en effet auraient-ils pu financer autrement leurs déficits budgétaires astronomiques, leurs sauvetages bancaires et – accessoirement – leurs appétits guerriers? Après tout, nous (ne) sommes dirigés (que) par des êtres faits de chair et d’émotions qui ont, eux aussi, cédé à l’appel des sirènes… A leur décharge – et à la nôtre! -, nous vivons une période absolument sans précédent ou – plutôt si! – mais ce précédent remonte en fait à … 500 ans car une étude des données historiques par la Réserve Fédérale et par la Banque d’Angleterre a ainsi abouti à la conclusion que les taux d’intérêts se trouvent actuellement à leur niveau le plus bas depuis 500 ans! Certains analystes – un peu extrémistes certes – affirment même que les taux n’ont jamais été aussi bon marché que depuis l’ère Babylonienne, soit il y a 3’000 ans! 

Ceux qui ont la responsabilité de nos destinées et à qui nous devons de vivre depuis bientôt 30 ans à un niveau injustifié parce que artificiel sont en fait coupables d’avoir appauvri notre monde. En effet, ces sommes d’argent colossales créés à partir du néant depuis trois décennies n’ont pas seulement servi à construire des résidences secondaires et tertiaires au luxe inutile et n’ont pas seulement servi à consommer  »à vide », c’est-à-dire juste pour le plaisir de dépenser. Non: tout cet argent volatilisé ou immobilisé pour rien masque en réalité une déficience criante d’investissements durables et destinés au bien public. C’est ainsi qu’une étude récente du McKinsey Global Institute chiffre ce besoin d’investissement dans nos pays Occidentaux à 20’000 milliards de dollars ces 30 dernières années, soit l’équivalent de la taille des économies américaine et japonaise combinées!

household assets

Une fois de plus, les Etats-Unis se retrouvent en tête de ces nations développées souffrant cruellement d’investissements inadéquats car leurs industries et autre secteur du primaire et du secondaire tombent en complète décrépitude pendant que des Etats comme la Floride disposent d’une maison sur deux inhabitée… Ainsi, la Société des ingénieurs civils US vient de déplorer l’état des infrastructures du pays en estimant à 2’200 milliards de dollars les besoins pour les remettre à niveau. Une étude du gouvernement fédéral est par ailleurs parvenue à la conclusion que la capacité routière américaine avait augmenté de seulement 8% en 20 ans alors que l’usage des réseaux routiers avait doublé sur la même période. Dans une ville comme Londres, 40% des conduites d’eau ont plus d’un siècle et 10% se souviennent encore de Waterloo! 

En conclusion, la période dorée des taux d’intérêts bas touche lentement mais sûrement à sa fin car les besoins internationaux en infrastructures – y compris dans les pays émergents bien-sûr – sont pharaoniques. En fait, notre monde devra très prochainement faire face à une augmentation hyperbolique des besoins en investissements et en infrastructures et ce à un rythme plus connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La conséquence immédiate consistera en un resserrement substantiel des politiques monétaires car les besoins en liquidités seront proprement massifs. Faisons-nous donc à l’idée que notre monde douillet de confort facile est sur le point de disparaître car le loyer de l’argent subira une surenchère constante tout à la fois de la part de ceux qui seront demandeurs de ces investissements  que de la part de nos Etats endettés jusqu’au cou. La baisse de notre niveau de vie sera en outre amplifiée par l’austérité mise en place par des Etats aux abois… 

Nous – individus et entreprises – devrons donc apprendre à faire plus avec moins de moyens mais est-ce vraiment une punition?

Michel Santi 11-01-2011 Janv11 Gestionsuisse.com

http://www.gestionsuisse.com/2011/la-remontee-des-taux-presage-du-pire-pour-les-etats-unis/#more-1902

http://www.gestionsuisse.com/2011/la-remontee-prochaine-des-taux-d%e2%80%99interets-boulversera-notre-niveau-de-vie/

EN BANDE SON :

3 réponses »

  1. Je ne comprends pas le graphe « US Income Inequality »
    période 67-80: 16%+6%+9%+14%+13%=58%+8%=66%
    période 80-09: 8%+9%+11%+18%+33%=79%+42%=121%
    Il y a des % qui se promènent !

    • Ce tableau traitant de l’inégalité des revenus aux states montre comment les gains de revenu ont été distribués avant et après l’ère de l’économie » INCENDIE »(on brûle le patrimoine accumulée par les générations passées et on hypothèque celui des générations futures) au début des années 1980.
      5% de la population ont accaparé 42% de l’augmentation des revenus sur la période contre 8% sur la période précédente
      Les 20% les plus riches se sont partagés 33% de l’augmentation des revenus

      Ceci tend à monter que la Répartition des gains de revenu est devenu plus déséquilibrée au cours de la période 1980-2010

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