Pyramide de Maslow : L’Egypte donne une leçon de risque aux marchés financiers
Quand la Faim justifie les moyens….
Les incertitudes provoquées par la crise contraignent les investisseurs à réapprendre à vivre avec des placements situés dans une zone en pleine transformation…«L’avion entre dans l’orage. En principe, il devrait le traverser sans encombre, mais il existe un petit risque qu’il doive procéder à un atterrissage d’urgence.» Gérant d’un fonds de placement spécialisé dans les marchés émergents chez Swisscanto à Zurich, Yves Kuhn cherche à mesurer les conséquences sur ses placements de la contestation générale qui s’est développée en Egypte.
PLUS DIMMERSION EN SUIVANT :
Les marchés dans leur ensemble sont placés devant la même inconnue. «Les importants troubles politiques en Egypte sont un nouveau facteur d’inquiétude pour les investisseurs dans les marchés émergents. Ils devraient les inciter à chercher refuge dans les marchés développés, du moins à court terme», écrivent lundi Geoffrey Dennis et Jason Press, stratège auprès de Citigroup.
Comment mesurer les conséquences du bouleversement en cours sur les politiques d’investissement?
«Ce n’est pas tant les perspectives de croissance que le facteur risque qui est remis en question», répondent Kamakshya Trivedi et Themos Fiotakis, stratèges chez Goldman Sachs à Londres, dans une note publiée lundi. Après avoir vu dans les marchés émergents des opportunités devenues rares dans les pays développés, ils témoignent du sentiment général d’investisseurs qui prennent à nouveau conscience des possibles déstabilisations.
Yves Kuhn résume cet état d’esprit: «La Tunisie a défini un nouveau risque, le bouleversement d’un régime politique stable durant plusieurs décennies.»
Deux agences de notation financière sont passées à l’action. Après la mise sous surveillance négative de la dette souveraine par Fitch vendredi, Moody’s l’a rétrogradée d’un cran lundi en lui attribuant la note Ba2 au lieu de Ba1.
Dans l’ensemble, les places boursières ont peu accusé le coup. Néanmoins, les titres de sociétés perçues comme étant particulièrement exposées ont subi des pertes substantielles. Les géants de la construction coréens, très engagés dans de grands chantiers dans le golfe Persique, ont subi la méfiance de marchés craignant qu’une extension des contestations dans le monde arabe ne provoque un arrêt des grands chantiers de Dubaï et d’autres grandes villes dans le Golfe.
En Europe, ce sont surtout les entreprises les plus exposées dans le marché du voyage qui ont souffert. TUI en Allemagne a perdu 3,6% en début de journée, et Kuoni 4,5% à la clôture, en raison des craintes liées aux pertes encourues par les annulations en masse de vacances.
En écho, les primes des produits d’assurance (CDS) protégeant contre le non-remboursement des emprunts du gouvernement égyptien continuent de voir leur prix grimper. Tout comme celles utilisées par les investisseurs ayant souscrit aux emprunts de Riyad ou Dubaï. Ces secousses ont même fait légèrement progresser le taux d’intérêt moyen que les grandes places financières exigent des prêts accordés à tous les pays émergents
source bespoke
Sur le territoire égyptien, les entreprises étrangères recommandent la prudence à leurs expatriés. Les multinationales japonaises ont ainsi réduit leurs activités sur place et demandé à leurs salariés d’éviter les déplacements dans le pays. Nissan a notamment annoncé qu’il suspendait sa production, pour au moins une semaine, dans son usine de Gizeh. Toyota ou Panasonic ont décidé pour leur part d’annuler tous les voyages d’affaires de leurs employés en Egypte
source AFP, Bloomberg,le Temps Fev11
EN COMPLEMENT : Comment se protéger contre l’éclatement de la bulle dans les économies émergentes par Dylan Grice
Certains affirment que les marchés émergents sont déjà en proie à une bulle. L’émission par le Mexique l’année dernière d’obligations 100 ans à 6% (Mexique, 100 ans, 6% !!!) se rapproche à l’évidence plus d’une exubérance irrationnelle que d’un désespoir irrationnel.
L’un des moyens de se couvrir contre l’inflation d’une bulle consiste, plutôt que d’attendre son éclatement, à acheter en dehors de la monnaie des options d’achat sur indices boursiers. Les calls sont d’ordinaire moins chers que les puts car, selon moi, la peur est une émotion plus intense que la cupidité et les événements extrêmes de probabilité 0 ou 1 (régis par la loi de Kolmogorov) sur les marchés boursiers tendent à être baissiers. (…) cette différence (ou skew, la différence entre la volatilité implicite des puts et des calls) atteint presque des plus-hauts historiques, à environ 4,5 points de volatilité.
En d’autres termes, le potentiel de hausse est particulièrement bon marché (presque au plus bas historique) par rapport au potentiel de baisse. Si vous pouviez acheter des options d’achat 2 ans 30-35% en dehors de la monnaie pour 130 pb par an, vous obtiendriez une valeur raisonnable ; bien entendu cet achat pourrait aussi ne rien vous coûter ou même avoir un coût négatif si vous décidiez de vendre des puts pour financer votre achat et vous pourriez faire en sorte que votre risque baissier corresponde à celui inhérent à la détention de titres, mais je ne suis pas un spécialiste des produits dérivés….
Source aof/funds/SG jan11
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Du bon usage des valeurs refuge : Les pays émergents sont toujours minés par la fuite des capitaux
Selon le Global Integrity Report, 6500 milliards de dollars ont été mis à l’abri dans les paradis fiscaux entre 2000 et 2009. La surfacturation, une technique largement utilisée
L’information fait grand bruit dans certains pays et les demandes d’enquêtes pour faire la lumière sur les accusations se multiplient. Notamment en Inde, en Malaisie et au Guatemala où la presse et les organisations non gouvernementales exigent des explications. Il s’agit du dernier Global Integrity Report (GIR) qui vient d’être publié et qui estime que 6500 milliards de dollars ont quitté les pays en développement entre 2000 et 2008 et se trouvent à l’abri dans les paradis fiscaux. Ce sont entre 725 et 810 milliards de dollars par année qui sont ainsi illégalement transférés au détriment des fiscs nationaux.
Le rapport est publié par Global Financial Integrity, un groupe de pression basé à Washington et qui vise à combattre les flux de l’argent illicite. Les milliards en fuite proviennent essentiellement de l’argent sale – évasion fiscale, corruption et surtout, prix de transfert, c’est-à-dire la surfacturation par les entreprises dans le but d’échapper au fisc dans les pays où elles opèrent. Un précédent rapport portant sur l’an 2006 avait calculé le flux à 1000 milliards de dollars.
Dans son dernier numéro, le prestigieux hebdomadaire India Today consacre sa couverture à ce sujet et fait une analyse chiffrée de ce que les 500 milliards planqués à l’étranger représentent pour le pays. Il rappelle que 400 millions d’Indiens vivent au-dessous du seuil de la pauvreté. Si cette manne était distribuée entre eux, chacun percevrait 56 000 roupies (1160 francs suisses), soit 25% du PIB annuel par habitant. Le pays consacre 3,3 milliards de dollars par an dans l’éducation primaire; il y aurait de quoi la financer durant 150 ans. Aroon Purie, le patron d’India Today, relève que le montant incriminé représente 40% du PIB indien qui est de1300 milliards de dollars.
En Malaisie, classée au 5e rang parmi les pays qui laissent filer des milliards dans les paradis fiscaux, les ministres se contredisent sur la suite à donner au GIR. Le rapport estime que 291 milliards de dollars ont quitté illégalement le pays entre 2000 et 2009. Le ministre du Commerce international et de l’Industrie met en doute la crédibilité des chiffres publiés et estime qu’il n’y a pas lieu de lancer une quelconque enquête.
Banques complices
Cette déclaration contredit toutefois les instructions données par le premier ministre qui n’a pas pris le GIR à la légère. Celui-ci a demandé à Bank Negara, la banque centrale malaisienne, à analyser et à commenter les affirmations du GIR. Quant au ministre des Finances, il affirme qu’une enquête est déjà en cours.
Selon le GIR 2000-2009, la Chine subit le plus grand flux illicite des capitaux, soit 2100 milliards en 10 ans. La plus grande partie, 54,7% se fait par le biais de la surfacturation par les entreprises dans le pays. C’est aussi le meilleur procédé pour faire sortir illégalement de l’argent du Mexique. Les auteurs du rapport soulignent que les pays producteurs de pétrole sont aussi ceux où les fuites des capitaux sont les plus importants.
Dev Khar, chef économiste du GIR, se réjouit du débat que suscite le rapport en Inde, en Malaisie, au Guatemala et au Portugal. Il fait remarquer que dans les pays comme la Chine où la presse est au service du Parti communiste chinois, le sujet est totalement occulté.
Il fait par ailleurs remarquer que les centres financiers offshore et les grandes banques internationales sont complices de la fuite des capitaux des pays en développement.
«Pour chaque dollar que ces derniers reçoivent en aide multilatérale ou bilatérale, dix dollars partent en direction des centres financiers internationaux, explique-t-il. C’est la principale raison qui explique le sous-développement du continent africain. Ce n’est pas un hasard si les pays d’Afrique du Nord où la fuite des capitaux est un phénomène courant, connaissent aujourd’hui la colère de leurs populations.»
Par Ram Etwareea le temps fev11
EN BANDE SON :