Analyse Marché du Jour : L’euphorie idéale pour vendre par Serge Laedermann
Nous entrons dans la période où les actions ont besoin de souffler. Les résultats du premier trimestre arrivent. Le blues de printemps aussi…
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«Il faut acheter au son du canon et vendre au son du clairon!»
Mon vieux chef me l’a dite souvent celle-là, lorsque je traînais mes pompes italiennes sur le parquet obscur de la bourse avant la prochaine criée. Oui, la paire de souliers transalpine, c’était ça être Golden Boy à l’époque…Après on est passé au costard Ted Lapidus et aux cravates Pierre Cardin, le grand luxe quoi! En guise de coke, quelques litres de blanc avant de passer aux gins tonic. Toute une époque…
«Mouammar m’a tuer» peuvent écrire les investisseurs en ces derniers jours de février. Avec un baril en hausse de 10%, bientôt 20, la bourse n’aime pas. Réflexe normal.
C’est oublier un peu vite que les heures du sanguinaire bédouin de Syrte sont comptées. Certes, déloger le Tyran aura fait couler beaucoup plus de sang qu’ailleurs, mais il fallait s’y attendre. Par contre la révolution est désormais inarrêtable.
Je pense qu’en bons joueurs que nous sommes, Micheline devrait se proposer pour l’accueillir sur notre territoire et lui garantir un procès équitable, histoire de lui montrer ce qu’est une démocratie, même dysfonctionnante. Si si, ça existe pour la Suisse, dysfonctionnante
vue de France
Donc, en résumé, une euphorie nous guette. Sachons pour une fois être raisonnables et entreprenons de ne pas toujours fonctionner à l’appât du gain, même si je ne me fais aucune illusion depuis des lustres sur le comportement humain en matière de pépètes. Ce que vous ne voyez pas, tas de spéculateurs prépubères, c’est que les résultats du 1er trimestre vont être OK mais que la suite sera franchement molle. Est-il nécessaire de rappeler que la bourse précède de 6 mois les résultats et ne fonctionne qu’avec les prévisions? Vous assisterez ainsi à la publication de résultats forts honorables au 1er trimestre suivis d’un tassement des cours car la hausse de ces derniers mois reflète ces bons résultats, profits qui sont bien évidemment déjà inclus dans le prix que vous voyez aujourd’hui. Eh oui, c’est comme ça que ça marche depuis la nuit des temps ou presque, c’est-à-dire depuis que Mireille Mathieu chante.
Ceci dit l’avenir n’est pas forcément noir. Attention, quand on parle d’avenir il faut penser année 2011, car pour après il vaut mieux lire dans les entrailles de poulet.
«Ben l’hélicoptère», appelé ainsi depuis qu’il a décidé d’arroser le monde de dollars fabriqués la nuit même, a tenu à rassurer les marchés en martelant qu’il tenait à la stabilité des prix. Le sous-entendu est clair, la politique monétaire est sous contrôle. C’est à peu près le même discours que nous avons eu le loisir d’écouter ces dernières années au sujet de la politique du dollar fort. Après avoir alimenté depuis des lustres la dévaluation du billet vert on peut toutefois se poser légitimement la question de savoir si l’Oncle Sam va nous rouler dans la farine une fois de plus. En effet, derrière ce beau discours il y a une réalité qui domine. La seule préoccupation des américains est de faire repartir la croissance à n’importe quel prix, et tant mieux si le dollar se dévalue au détriment des européens. C’est aussi la seule manière de tenir tête aux Chinois qui ne veulent pas entendre parler de réévaluation.
Tiens, en parlant de chinois, avez-vous noté que nous sommes de plus en plus soumis aux nouvelles économiques émanant de cet Empire du Milieu, appelé ainsi car les balles vont toujours se ficher en plein centre des dissidents ?
La bientôt 1ère économie mondiale est certes dirigée d’une main de fer par une poignée de tortionnaires cacochymes qui feraient passer Poutine pour un aimable social-démocrate. J’entends quelques insurgés même pas tout droit sortis de Tchétchénie rugir à cette tendre évocation. N’oubliez pas, sots que vous êtes, que Vladimir a reçu la Grande Croix de la Légion d’Honneur de Jacques Chirac himself, ça la pose un peu là !
Il n’en reste pas moins que nos frères chinois sont désormais les Maîtres du Monde et que même s’ils sont opposés à la réduction de CO2 et aux régulations financières nous ne pouvons faire autrement que vivre avec ça, pardon mourir avec ça voulais-je dire.
Ainsi nous avions déjà la boustifaille chinoise, maintenant va falloir digérer leur cuisine économique. Va y avoir indigestion, c’est sûr. D’autant plus que cette économie là va passer par une mise à niveau qui sifflera la fin de la récréation. Il serait étonnant qu’ils échappent dans moins d’une génération aux conflits sociaux et autres renversements que tout pays a connu à un stade de son développement. Aujourd’hui la réalité est crue. Si le proverbe «Quand Wall-Street éternue, l’Europe s’enrhume» est toujours vrai, il faut désormais ajouter «Quand Shanghai fait la grimace, c’est l’Europe qui rit jaune».
Toutefois, Chers lecteurs, ne désespérez pas. Nous vivons dans un îlot de prospérité que nous envient tous les pays de la Communauté Européenne au point d’être jaloux comme des poux. Et s’ils ont eu le secret bancaire, ils n’auront jamais le Cénovis.
Serge Laedermann Associé, GFA Geneva Financial Adviser FEV11